Dix jours déjà que nous étions en Norvège, dix jours à marcher au beau milieu de fjords spectaculaires, à évoluer sur des chemins perdus en pleine montagne, sur des voies délabrées ou encore sur des grosses routes sans fin, dix jours où chaque nouveau nous apporte de nouvelles visions et pensées de ce fabuleux pays.
Nous avions prévus à la base de débarquer sur les terres scandinaves un mois avant, mais il faut dire que nous sommes bien content d’être arrivé à cette période. Nous avons beau être début mai, le temps reste froid et humide, et si d’aventure nous prend à vouloir marcher sur les hauteurs, la neige fait son apparition.
Au niveau des rencontres, bien que nous en avions fait de très belle pour le moment, nous notons quand même un certain froid au niveau du premier contact. Le tout est de dépasser cela et d’arriver à franchir cette barrière qu’ils nous posent.
Il vous faut savoir que notre traversé de la Norvège se fera en deux étapes : La première, c’est-à-dire en ce moment même, consiste à traverser le pays d’ouest à l’est, afin de rejoindre les côtes de la mer baltique, en Suède. Une fois arrivé en haut de cette dernière, nous bifurquerons de nouveau sur la Norvège afin d’atteindre le Cap Nord en traversant la région du Finnmark, en plein cœur de la Laponie. Nous estimons ce trajet à environ une centaine de jours encore, mais se ne sont que des prévisions bien sur.
Dans le dernier récit, nous nous étions arrêté à l’arrivé à Geilo, après avoir traversé un plateau enneigé.
Nous avions trouvé un circuit de vélo dont son itinéraire nous faisait passer par quelques petites montagnes.
C’est donc en cette matinée de samedi que nous nous éveillons de notre grange en apercevant de gros flocons de neige tombant du ciel. Après une bonne douche chaude, que Steine avait eu l’amabilité de nous proposer, nous allons le voir afin de lui dire au revoir. Il nous prévient quand même que là ou nous comptons aller marcher, la neige était partout, et sur plus de un mètre apparemment. Habitué à se genre d’avertissement, nous prenons quand même la direction de la forêt.
Au bout de dix kilomètres, la piste bifurque en montant et les prédictions de notre fermier se confirment. Fort heureusement, nous avons affaire à une belle neige bien tassée, avec juste quelques centimètres de poudreuse sur le dessus.
Nous marchons donc pendant la matinée à travers cette forêt enneigée, où de grosses empreintes d’animaux apparaissaient de temps à autre.
En début d’après midi, nous débouchons sur un semblant de piste de ski (fermé) où un merveilleux panorama se livrait à nos yeux. Quelques moments après, nous arrivons devant un bungalow, sans doute mis en place pour les conducteurs de dameuses de pistes, qui par chance était ouvert et chauffé à l’intérieur. C’était midi passé, nous avions bien marché, avions une bonne faim et cet abri donnait vraiment l’impression d’avoir été mis en place pour notre passage.
Après cette petite pause au chaud et bien calé, nous reprenons notre piste. La fin de journée fut très sympa, à redescendre progressivement se que l’on avait monté, puis à suivre un cours d’eau sur un beau sentier.
Nous arrivons dans un petit village, où l’heure avancée nous obligeait à trouver un abri dans les alentours. Mais cette fois ci fut très dure ; Refus sur refus, nous persistons quand même, et alors que la nuit arrivait, Else et sa femme nous accompagne jusqu’à leur camping situé à un kilomètre de leur maison, et nous ouvre la porte de l’un de leurs chalets qu’ils louaient habituellement en pleine saison.
Après cette soirée, où le nombre de portes s’étant fermé, parfois très froidement, ne se comptaient même plus, nous étions à présent dans une petite maisonnette chauffé, où une douche chaude et de bon lits moelleux nous attendaient.
C’est dingue comme chaque chose se savoure différemment en fonction de la difficulté que l’on a eu pour l’obtenir. Que se soit pour la nourriture, une belle vue après une bonne montée, un abri de fortune protégeant de la pluie, tout cela prend un goût différent lorsque l’on « transpire » pour l’avoir.
Durant la journée du lendemain, nous empruntons de très belles routes de campagne, parsemées de petits hameaux où de vieilles églises en bois étaient édifiées en leur centre.
Nous atteignons le village de Gol en fin d’après midi. Dans ce village, vivait le frère de l’un des membres de la communauté de Newbold, en Ecosse. Malheureusement, nous avions oublié de prendre ces coordonnées afin de le contacter.
Après une petite visite du village, nous nous dirigeons vers une ferme un peu à l’écart, afin de demander l’abri. Bjord, un mécanicien spécialisé en tunning et pilote d’hélicoptères à ces heures perdu, malgré le fait qu’il ne parlait pas très bien l’anglais, nous installe dans l’étage de son atelier. Il n’y aura pas forcément d’échange avec lui se soir, mais bon, cela fait des soirées plus calme, permettant de lire, d’écrire ou encore, de raccommoder ces chaussettes.
Le lendemain, nous regardons un peu mieux la carte : Le prochain village était Bagn ; Pour y aller, c’était soit par une route assez fréquenté, soit par une petite piste sur les hauteurs, à peine visible sur le papier. Deuxième solution bien sur !!!!
La route devint chemin, le chemin devint piste. Personne aux alentours. Que nous et nous seul au milieu de la forêt, des cascades, et des lacs gelés. Ce genre de moments, où chacun de nous deux adopte des allures et distances de marche différentes, me conduit à m’enfouir au fond de moi-même, à penser à toute sorte de chose de la vie, de ma vie et de m’interroger sur celle là, à son passé, son futur et son présent. L’effort physique, combiné à cette réflexion intérieur, amène à un profond sentiment d’équilibre que je ne saurais expliquer par de simples mots.
Après une pause de midi sous le soleil et devant un magnifique lacs scintillant, nous reprenons le fil de notre marche. Vers 19 h, un village composé de magnifiques chalets en bois nous apparaît. Pour l’information, la majorité des Norvégiens possède une deuxième demeure, le plus généralement dans les montagnes. Ils peuvent ainsi se rendre dans leur « hytte » (chalet), durant le week end, pour ainsi pratiquer la chasse, le ski de fond, déménager leurs bêtes ou tout simplement farnienter. Ces chalets, bien que magnifiques, demeurent généralement d’un confort précaire (pas de ralliement au tout à l’égout, pas d’eau chaude, et même parfois pas d’électricité).
Nous étions donc tombé sur un hameau de ce genre de maisons.
Le problème c’est qu’il ne semblait y avoir personne.
Nous passons devant une maison où un trou au niveau du garage avait été pratiqué, sans doute pour rajouter une ouverture. Un peu hésitant au début, nous décidons d’aller voir et pourquoi pas, rester pour la nuit. Nous entrons à l’intérieur et dénichons un petit coin à l’abri du vent, au fond du sous sol.
Cela fais un peu bizarre de s’installer chez des gens sans leur avoir demandé au préalable. Mais bon, c’était juste pour étendre deux sacs de couchage, et la probabilité que les propriétaires arrivent (nous étions en début de semaine) était quasi nulle.
Et bien sur, nous avions tort…
Bien que la nuit fût glaciale, nous nous réveillons le matin, tout frais pour une nouvelle journée.
Alors que nous étions en train de faire nos sacs, des bruits de voitures ainsi que des voix nous parviennent aux oreilles. Aucun doute là dessus, les habitants de la maison venaient d’arriver !
Nous étions paralysés, attendant à l’intérieur du garage en ne sachant pas quoi faire.
Nous terminons nos sacs en vitesse et décidons à la fin, de sortir afin de contourner la maison.
En catimini, tous nos sens en alerte, nous enjambons le trou dans le mur et faisons le tour du chalet.
Le timming n’aurait pas put être plus parfait que cela : Arrivé vers le portail et ne pouvant plus avancer sans craindre d’être vu par les propriétaires, qui étaient eux en train de faire des allers retour à leur porte d’entrée, nous faisons mine de venir de la route et allons à leur rencontre en les abordant tout simplement par ”Hello, do you think it’s possible to have some water for my botle ? “.
Après un petit échange de conversation, nous repartons vers le chemin, comme si de rien n’était.
Sur la route, nous respirons enfin et reprenons notre marche tranquillement.
En début d’après midi, après être sortis de notre montagne, nous arrivons à Bagn, un très beau village au centre d’une grande vallée. Nous le traversons et prenons une petite route en zigzagues, montant progressivement sur une petite colline de forêts. Le soleil tape très fort et quelques minutes après avoir débuté la grimpette, nous quittons pull et gore tex afin de pouvoir marcher en tee short. L’été arrive, c’est bon signe.
Sur la route, nous demandons l’hospitalité à une belle maison entourée de hangars et garages. C’est un couple à la retraite qui nous ouvre la porte. Les deux, tout souriant, ne parlaient pas un mot d’anglais. Avec quelques signes universels, nous leur faisons comprendre que nous cherchions un toit pour dormir. Astrid et Ola Jacob, de leurs noms, comprirent facilement, et à notre grande surprise, nous emmenèrent dans leur petit chalet de rondins, confortablement aménagé à l’intérieur. Une fois installé, ils nous invitèrent à entrer chez eux et quelques minutes après, nous nous retrouvions devant un programme de télévision, avec un gros plateau repas que Astrid nous avait préparé.
La soirée avec eux fut vraiment marrante, nous parlions avec des gestes, essayant de nous faire comprendre par quelques moyens que se soit. Dés que l’on arrivait à trouver un mot nous étant commun, nous le lâchions plus et trouvions de quoi en parler.
Le lendemain matin fut de même avec que l’on avait vécu pendant cette soirée : Astrid nous cuisina un énorme pti déj, composé de plusieurs steaks d’élan ainsi que d’une multitudes d’accompagnements de tartines. Les conversations, bien que encore très limitées, nous obligeaient à recourir à des mîmes parfois très cocasses ou encore des objets telle que des photos.
Se fut vraiment une chouette rencontre.
La journée fut ensoleillée et la marche n’en devint que plus agréable. Nous bifurquons de la route pour prendre une nouvelle piste, similaire à celle d’y a quelques jours, afin de passer la montagne nous séparant de notre prochaine destination. Après une monté nous ayant bien fait transpiré, nous atterrissons dans un paysage de forêts et de lacs, où la neige et la glace semblaient avoir pris possession des lieux. La pluie arriva. Il se faisait tard et les quelques chalets ou maisons que nous croisions étaient inhabités. Quelques kilomètres plus loin, nous décidons tout bonnement de dormir sur le perron de l’une d’elles. Bien que à l’extérieur était sujet aux courants d’air, la neige amassée tout autour de la maison formaient quelques peu une muraille, nous protégeant ainsi du vent et de la pluie qui ne cessait de croître.
Après un repas composé de galettes de pomme de terre, de fromage marron et d’oignons, nous nous endormons en percevant à l’oreille des bruits ressemblant à ceux de l’Elan ou de….l’ours.
Pas de surprise par les propriétaires cette fois ci, simplement le froid matinal venant nous éveiller lentement.
Durant la matinée, nous continuions à marcher à travers la forêt, et après s’êtres à plusieurs reprises égaré grâce à quelques pattes d’oie auxquels nous avons pris la mauvaise direction, nous débouchons sur la route que nous avions quitté la veille. Cette dernière contournait complètement la montagne que nous venions de traverser. Notre raccourci valait le coup, car non seulement nous étions passé par un coin naturel vraiment beau, mais en plus nous avions gagné un jour de marche.
Le soir, nous sonnons à une grande maison située dans les abords d’un petit village.
Tout d’abord accueilli par une mère et son fils, ceux-ci nous installèrent dans leur garage et le transformèrent peu à peu en un véritable salon. Tables, fauteuils de jardin, chaises longues, tout nous arrivait au fur et à mesure.
Quelques temps après, nous fîmes la connaissance du mari, des deux autres enfants et de la copine du fils le plus âgé, attendant un bébé. Cette dernière paru très intéressée par notre projet de marche et parler avec elle fut un très bon moment.
Par la suite, on nous apporta sur un plateau un véritable repas de restaurant. De bons pains chaud, trois steaks hachés chacun, des potatoes, une poêlé de légumes, des bières, du ketchup, des donuts ainsi que des barres de chocolat Norvégien.
Le repas fut bien entendu succulent, et nous nous endormons sur nos chaises longues, en digérant lentement notre festin.
Le lendemain matin nous reprenons notre route en direction de notre seul grande ville de Norvège : Lillehammer, étant connu pour avoir accueillie les jeux olympiques en 1994.
La route pour y aller était plutôt fréquentée mais parfois, de longues lignes droites sans fin sont un bonheur pour celui qui les foule de ces pieds. C’est un peu comme prendre un escalator, on avance sans vraiment sans rendre compte en se laissant bercer par le temps, en ayant point d’autre métronome que celui de nos pas.
Cinq kilomètres avant Lillehammer, nous commençons nos demandes d’abris. Les refus sont très froids, voir même blessants. On nous a même fait entrer dans la maison (délaçage de lacets, posage de sac à dos..) pour ensuite nous dire de partir…
Enfin, dans une sorte de lotissement, une famille accepte de nous prêter leur grand garage. Ils nous invitèrent quelques minutes après à venir prendre une douche chez eux. Je n’ai pas pu refuser ce dernier point, car mes souvenirs de ma dernière douche étaient tellement confus que cela en devenait troublant.
En tout cas, une fois tout beau tout propre, nous prenons place avec eux dans le salon, autour d’un thé et d’une soupe chaude. Nous faisons la connaissance alors de Geir, le mari, Go, sa femme, Anna, leur fille ainsi que le jumeau de Geir étant venus lui rendre visite.
La soirée fut bien sympa en leur compagnie et nous nous rendons plus tard dans notre garage à peinture, que Geir utilisait afin de pratiquer sa passion de collectionneur de voitures.
Le matin du lendemain fut assez marrant. A peine réveillé, Go arrive pour nous dire qu’elle a appelé un journaliste afin qu’il écrive un article sur notre voyage. Et que celui-ci arrivait dans trente minutes.
Tout déboussolé par un tel réveil, nous plions nos affaires rapidement et nous faisons sa connaissance quelques instants après.
Nous répondons à plusieurs questions de sa part, et pratiquant pas mal de sports de montagne, celui-ci semblait être bien intéressé par notre marche. Des questions ont suivi les photos, et après nous avoir dit que l’article paraîtra dans trois jours, il nous quitta en nous souhaitant bonne chance.
Geir ayant comme autre passion la pêche, il nous fais cadeau de quatre beaux poissons (Artic Char : Ombre chevalier) qu’il avait péché récemment.
Nous repartons donc en direction de la ville, amusé par un tel début de journée.
Nous atteignons une heure après la très belle ville de Lillehammer, se situant juste à côté du plus grand lac de Norvège. Cette ville est une des capitales mondiale du ski de fond et de bobsleigh, et ayant accueilli les JO en 1994, les infrastructures mises en place pour l’occasion y étaient encore et il était possible de les visiter. Malgré notre fatigue de notre exploration de la ville, nous grimpons en haut du gigantesque tremplin de saut à ski. Après exactement 954 maudites marches, nous contemplons la vue qui s’offrait à nous : Un grand panorama sur toute la ville et le lac nous apparaissait ainsi que une vue privilégié pour découvrir les sensations que les compétiteurs éprouvaient avant de se lancer de cette rampe.
Notre étape après Lillehammer consistait à rejoindre Koppang, où une grosse montagne était mit en obstacle devant nous. La route principale contournait celle ci, et à pied cela ferait des jours et des jours de marche. Heureusement nous avions repéré une petite route ou piste passant par cette montagne, nous évitant ainsi de perdre autant de jours sur une route de bitume.
Cette fois ci, se ne sera pas les mêmes difficultés que ces derniers jours, les dénivelés étaient beaucoup plus important et ont nous avait mis en garde à plusieurs reprise que le passage était totalement impraticable à cause de la neige, voir même dangereux. Comme toujours nous pensions qu’ils exagéraient.
Nous prenons donc la petite route, confiant et souriant à l’idée de s’aventurer dans les montagnes une fois de plus.
Ce soir là, se fut Roar, un personnage d’une grande gentillesse, qui après nous avoir installé dans sa petite maison de rondins, nous apporta un plateau où se trouvait du thé, du poulet et une salade de patate. Cet homme là ne voulait pas forcément établir un contact avec nous, il voulait simplement que l’on soit heureux dans son petit chalet.
Et nous nous endormons, en ne nous doutant absolument pas de se que l’on s’apprêtait à vivre durant les quatre prochains jours…