Partie 2 : Douce attente et marche dans le temps

0

Mettre une pierre sur une autre, puis une autre et une autre encore. La hauteur empilée maximum n’est alors qu’une simple question de savoir quand s’arrêter ainsi que d’une connaissance de la « recette » de ce formidable art qu’est l’équilibre.

J’ai longtemps cru être parti afin de ne chercher qu’un équilibre de vie dont la marche à pied serait le seul et l’unique moyen pour l’obtenir. Mais mon trésor n’a été alors que la lente compréhension et définition de ce mot. Une compréhension dont je commence juste à en entrevoir le paragraphe d’introduction après presque trois ans de marche.

Le malheur survient souvent à cause de cette ruée vers cet équilibre de société dont nos éducateurs n’en sont rien d’autres que des exemples aveugles et destructeurs de l’esprit libre et imaginatif. « Tu n’iras pas par là car c’est dangereux », « ce choix de carrière me semble très judicieux pour toi », « cette assurance est un peu plus cher mais je te la conseille vraiment », « et s’il t’arrive quelque chose tu y as pensé ? ».

Et si plutôt il ne nous arrivait rien ? Tous ces conseils acceptés, publicités entendues, messages dissimulés compris, faux besoins assimilés inconsciemment, ne sont qu’une recette d’ingrédients de mauvais étalage vendu par des piètres commerçants ne cherchant qu’à vendre de la quantité plutôt que de la qualité.

Une fois mélangé dans le bol de nos consciences affaiblies et cuit dans le four du temps structuré, arrive un choix de chemins à suivre dont les parois même de ce labyrinthe ne sont que la pâte dure et infranchissable de ce gâteau. Arrivé enfin au centre de ce dernier, ce n’est que pour trouver une cerise pourrie depuis des années. Quel était le message publicitaire vendu pour ce prix dérisoire ? A oui un bonheur plat sans risque et un acquis de conscience d’avoir contribuer à un soi-disant monde meilleur.

Cet équilibre a la fâcheuse manie une fois installé de se mettre alors aux commandes d’une pelleteuse enfouissant nos rêves les plus personnels car jugés impossibles et contraires à ceux attendus, puis de déterrer à la place d’autres faciles d’accès et possédant une dose de bonheur quantifiée, manipulée et impersonnelle.

Mais revenons dans une touche moins obscure et anarchique et tentons de comprendre la recette paradoxale de l’équilibre équilibré. Discernons tout d’abord le premier, sous nos yeux depuis notre premier souffle jusqu’au dernier, celui de la nature tout simplement. Cette dernière n’en est rien d’autre que l’éducateur le plus compétent. La respecter c’est se respecter, cela dans la simple et unique manière de vivre à ces côtés tout en ne s’arrêtant jamais d’apprendre de ces leçons et découvertes qu’elle propose en programme. Une fois intégré dans son Monde, comment arriver à se trouver beau alors que tous les exemples de beauté en sont présent dans leurs perfections (et imperfections) naturelles, comment se trouver important et irremplaçable alors que tout n’est que symbiose totale, comment désirer le pouvoir alors que sa puissance est fait d’un silence et d’une immensité indomptable amenant directement le sentiment d’humilité dans nos cœurs.

Une fois ce premier équilibre assimilé, il ne reste alors plus qu’à se tourner vers le deuxième : le nôtre. Prendre conscience de nos capacités et de nos goûts est une quête sans fin qui ne doit jamais se croire accomplie. La partie immergée de l’iceberg ne cesse de se dévoiler dans le fond de notre abîme intérieur, ne cessant jamais de nous surprendre et de nous mettre en confiance pour le peu que l’on veuille bien la découvrir. Ce n’est qu’une fois lancé sur ce tremplin de la compréhension et de la découverte qu’une chose merveilleuse se produit et retient alors la totalité de notre énergie : plus rien d’autre ne compte que de suivre ces envies et ces projets, plus rien d’autre ne devient aussi sacré que de s’écouter et de mettre en pratique ce que l’esprit imagine dans sa théorie. Un début d’équilibre est alors autour de nous, en gouttelettes et particules dont il parvient possible de connaître les quantités à prendre et à offrir, les doses à découvrir et à enseigner aux autres.

François étant reparti depuis quelques minutes je me dirige vers le centre-ville, mes sentiments alternant entre la tristesse et la joie de me retrouver seul ainsi que de l’excitation pour la suite des évènements. Car l’heure n’est pas du tout à la reprise de la marche, ou du moins pas avant deux mois. La raison est simple : il me reste environ trois milles kilomètres avant l’arrivée à Lyon c’est à dire six mois de marche, cela en premier lieu dans les alpes dinariques cette chaine de montagnes balkaniques étant le prolongement des alpes (Albanie, Monténégro, Bosnie, Croatie et Slovénie), alpes que je prévois ensuite de suivre à travers l’Italie, la Suisse puis enfin la France.

Mais nous sommes que fin février et la neige se trouve encore présente dans les montagnes du nord à partir de six cent mètres d’altitude. J’ai bien pensé au début d’essayer de forcer le passage, mais de nombreux souvenirs de galères hivernales en Norvège, Bulgarie et Grèce m’ont conforté à cette idée d’attendre plutôt tranquillement l’arrivée du printemps en Albanie. De plus depuis ma dernière reprise en Pologne neuf mois de voyage se sont écoulés et un temps de pause dans une ville m’apparait soudain comme nécessaire afin de souffler un peu, découvrir plus profondément la culture albanaise, préparer mon matériel et l’itinéraire de la suite, rencontrer des personnes sur un laps de temps plus long puis enfin terminer l’écriture de mon premier livre. Tout un programme dis donc.

Il me fallait donc trouver un endroit où résider durant cette période. Vivre seul dans un appartement de dix mètres carré avec comme compagnie les bruits intempestifs d’une circulation mêlée à la vie privée des voisins ? Non merci. Par la chance d’une bonne étoile, j’ai été en contact par le site internet couchsurfing avec un certain Juljan m’ayant tout de suite proposé de le rejoindre dans sa collocation.

J’arrive au lieu de rendez-vous et rencontre ce jeune de vingt-cinq ans, les cheveux longs et bouclés et déblatérant un anglais rapide trahissant de nombreux accents accumulés. Son assurance de soi dégagée lui apporte au premier aspect un air presque snob tant il me déblatère ces voyages et ces projets de vie si rapidement.

Nous marchons deux kilomètres en direction du nord de la ville, arrivons dans son quartier mal famé d’après lui mais juste génial d’après ma première impression. Je me crois tout d’un coup dans un village tant l’activité présente et les habitations sous forme de maisons arrivent au yeux et bousculent cette idée de se trouver dans une capitale.

Juljan me présente la maison dans laquelle il habite avec son cousin Mardit que je rencontre sur le palier. Vingt et un ans, étudiant en pharmaceutique et possédant ce même élan de fierté que son cousin tout en présentant une personnalité extrêmement opposée. La maison est occupée par le propriétaire au rez de chaussée et une autre famille au premier étage. Les deux cousins habitent sous les toits, dans un douillet étage minimaliste et bordélique. On m’informe que l’eau n’est desservie que durant le matin et une partie de la soirée.

Je prends possession de ma grande chambre tout heureux de ce joyeux début d’aventure.

Les premiers jours filent vite. Possédant encore quelques réserves de cette « énergie de boost » que le voyage procure, je pars explorer la ville, trouve un cordonnier pour renforcer les semelles de mes chaussures, répare mon matériel ayant bien souffert ces derniers mois, puis prends pas après pas mes repères tout en passant du temps avec mes deux colocataires.

Je découvre ces derniers de mieux en mieux. Juljan, qui sous ces airs de hippies paresseux et prétentieux, se dévoile comme étant une personne extrêmement cultivé, doué musicalement, parlant six langues dont quatre couramment et ayant de fantastiques projets personnels. Etant bénévole dans des radios locales il travaille le reste du temps dans un des nombreux centres d’appels téléphoniques que comporte la capitale (près de huit-cent !). Ces « call center » sont apparemment un passage presque obligé pour une grande majorité des jeunes désirant trouver un travail facilement et sans trop d’engagement, cela malgré un salaire mensuel ne dépassant pas les cent cinquante euros ainsi que des conditions détestables.

Juljan appartient à une exception albanaise : celui qui a voyagé et ose rêver à autre chose qu’un mariage en règle et une vie suivant celle de son voisin. Car outre les façons de penser encore très fermées sur ce qui est de l’ouverture sur le monde, les habitants n’en sont pas facilités pour partir à l’étranger, cela d’une part pour des raisons économiques puis de par la difficulté qu’offre le passeport albanais pour s’échapper plus de trois mois en dehors du pays.

Juljan rêve d’ouvrir un camping au bord de la plage, rêve de travailler à plein temps dans une radio de voyage. Malheureusement le chemin pour y arriver semble être pour lui un vrai parcours du combattant rempli d’obstacles financiers.

Mardit pour sa part est loin d’être l’imprévisible et spontané personne qu’est son cousin. Féru d’histoire des Balkans et possédant une intelligence d’esprit surprenante pour son âge, ces connaissances sur le monde et ses avis personnels m’impressionnent jour après jour. Etudiant pour encore de longues années, Mardit revient chaque vacances dans sa ferme familiale située en bord de mer au sud du pays. Il passe alors le plus clair de son temps à aider sa famille possédant deux cents moutons et brebis, travaille dans le potager, les vignes et les vergers pour ensuite vendre ces produits sur les plages touristiques. Son assurance et son snobisme apparent lui confère une note presque humoristique tant cela cadre bien avec sa personne. C’est un vrai spectacle de le voir se pavaner dans les marchés ouverts de la ville en arborant cet air traduisant le « impressionnez moi », demandant à couper une pomme de terre en deux tout en m’informant de sa piètre qualité devant le vendeur dépité, à toucher chaque fruits et légumes des étalages en laissant apparaître des mimiques informant clairement sa non satisfaction pour ladite carotte ou orange. J’apprendrais beaucoup en sa compagnie.

Ma vie quotidienne prend vite des allures d’une routine sans contraintes et planifications. Je pars souvent la journée dans le parc au sud, écrire près du lac artificiel, rencontrer des expatriés, touristes et locaux, faire mon tour des commerçants et marchés presque tous les deux jours.

Au bout d’une semaine Juljan m’informe que je passerais en direct sur la télévision nationale « Top channel ». L’arrivée sur le plateau du show m’impressionne déjà et la suite n’arrive pas pour réduire mon anxiété : rencontre avec le traducteur, commencement du direct, questions posées en albanais et traductions simultanées en anglais dans une saleté d’oreillette ne faisant que tomber. L’expérience est bien sympa mais la dose de stress générée face à autant de caméras m’est suffisante pour le reste de cette décennie.

Le mot « chaotique » est le premier qui me vient à l’esprit lorsque je déambule dans les rues de Tirana. Ce n’est pas pour rien que la ville se fait appeler « l’Inde de l’Europe ». Cette capitale, petite, moche et sans grand intérêt touristique, ne révèle son charme qu’après une connaissance approfondie de la culture albanaise permettant la compréhension de chaque détails se tramant au détour des ruelles et quartiers. Mais laissez mes pas vous emporter à travers cette visite guidée, cela après un mois depuis mon arrivée :

Assez écrit pour ce matin, il faut que je sorte me dégourdir les jambes et m’aérer l’esprit. Ou est-ce l’inverse ? Bref je sors de ma chambre, encourage Mardit pour ces révisions puis quitte la maison après avoir salué le propriétaire au premier étage. A peine marché dix mètres que je regarde encore une fois avec amusement l’activité presque perpétuelle s’organisant autour d’une vieille bâtisse en béton au milieu d’un terrain vague : une dizaine de jeunes dealers (dont le fils de mon propriétaire) squattant à longueur de journées sans rien faire d’autre que de fumer et jouer avec leurs nombreux chiens aux allures effrayantes mais en fin de compte ne demandant que de l’attention et de la joyeuse compagnie. Un peu à l’image de leurs maîtres cela dit en passant. Ils me saluent courtoisement et je repense à la veille où je suis allé leur acheter pour quinze grammes de cannabis pour moins de quinze euros (dix fois moins cher qu’en France). Pas de balance, ni de mesures, juste des grosses poignées fourrées dans les poches sans tenir compte si le poids ne dépasse pas du double vendu. Je ne suis pas fumeur loin de là mais j’avais trop envie de trimballer cette cargaison dans mon sac à dos pour faire plaisir aux copains de France à mon retour.

Je traverse mon quartier en saluant l’épicier numéro un et deux, mon coiffeur (un euro cinquante la coupe !), le marchand de fromages, la boulangère et un des nombreux vendeurs de Bureks dont je lui en achète deux aux épinards et fromage (un euro les deux et je reste calé pour l’après-midi). Sur le trottoir se trouve le lot habituel de ces apparitions albanaises dont je ne me lasse pas : un vieux sur la chaussée vendant dix jeans, quatre ceintures et trois costards aussi usagés que lui, quelques roms passant laconiquement avec leur vélo-benne tout en fouillant les poubelles à la recherche du moindre bout de matériaux vendable aux recycleurs, un scooter conduit par trois jeunes sans casque, un regroupement de personnes âgées autour d’un jeu de plateau disposé sur un carton dans un coin de rue, deux vieilles toutes ridées assises chaque jour devant la même devanture et vendant du tabac pur, quelques bouquets d’épinard, des oignons frais et de l’huile d’olive, ou encore des marchands de viandes dont les carcasses pendent depuis deux jours à l’air libre de la rue.

Sur le bitume défoncé de la rue, après quelques passages d’antiques Mercedes ainsi que ce genre de véhicule à trois roues se rencontrant presque aussi souvent que ces premières, passe un camion-citerne précédé par une voix sonore annonçant sa proximité. A Tirana l’eau courante n’est pas du tout potable et deux solutions s’offrent : celle consistant à acheter son eau sous forme de bidons ou celle à remplir les anciens bidons par ces fameux camions passant plusieurs fois par semaine dans chaque quartier de la ville. Il n’est alors pas rare de croiser une file de personnes faisant la queue tout en portant un grand nombre de récipients en plastique sur un chariot à roues.

Je remonte la rue principale menant à la place Skanderbeg tout en ne pouvant m’empêcher de regarder quelques silhouettes féminines ayant tout à envier des pays de l’est. Une mode vestimentaire étant un mix des années 90 et 2005 puis un maquillage à outrance arrivant à ces limites lorsqu’il s’agit de cacher les hanches, les cuisses et les postérieurs rendus graisseux par l’alimentation quotidienne à base d’huile d’olive et grandement favorisée par le nombre impressionnant des fast food présents à chaque coin de rue (cela dit aucun MacDonald n’a encore franchi les frontières). Moi qui suis si sensible aux courbes gracieuses, je me mets à regretter la Russie ou la Roumanie…

Pour les hommes la caractéristique principale se trouve tout d’abord dans leurs fronts imposants ne faisant que renforcer ce caractère de fierté non dissimulé qu’ils possèdent tous. Pour l’habillement les jeunes possèdent la même coupe rasée tout en arborant des vêtements classiques et branchés (mais démodé d’une dizaine d’années). Pour le quadragénaire et ces ainées c’est le costume du dimanche porté du dimanche au lundi et trahissant les nombreuses années d’usure.

La ville à l’avantage de pouvoir se traverser d’un bout à l’autre en moins d’une heure trente de marche. Mais les bus restent assez atypiques comme moyen de transport : les arrêts ne sont pas marqués et les horaires encore moins. Leurs allures sont tout autant surprenantes car ils ne sont rien d’autre que des anciens bus français, allemands ou grecs ayant été racheté par l’Albanie lors du remplacement de ces derniers. Je croise donc régulièrement des anciens bus TCL portant encore les inscriptions et informations en français.

Sur les trottoirs c’est l’anarchie, tout d’abord sous forme d’obstacles, de poubelles, de travaux, de chiens errants, de mendiants, d’arbres plantés au milieu. Puis sous la forme d’une mentalité albanaise consistant à foncer tout bonnement sur vous sans daigner à s’écarter ne serait-ce que d’un millimètre. Après quelques collisions frontales j’ai enfin compris le truc : ne pas regarder et marcher encore plus résolument qu’ils ne le font.

J’arrive devant la tour de l’horloge et la mosquée Et Sahatit qui laissera retentir l’appel à la prière dans quelques heures. Je regarde la statue Skanderbeg trônant au milieu de la place, remémorant le héros national du pays dont Juljan m’a gratifié la semaine dernière d’un exposé détaillée dont je ne m’en rappelle malheureusement que quelques brides. C’est un peu le problème avec l’Albanie (et des Balkans en général), son histoire est tellement riche, bouleversée et influencée par les nombreuses guerres et invasions que c’est un exercice de concentration énorme pour juste arriver à comprendre la chronologie des évènements. Cela dit l’histoire n’a jamais été ma grande passion.

J’observe les immeubles tous aussi ternes que sinistres mais peints de nombreuses couleurs, cela dut au fait que l’ancien maire et actuel premier ministre a été autrefois architecte. Ils disposent tous de leurs réserves d’eau disposées sur le toit pour prévenir des éventuelles coupures d’eau. J’ai appris que début décembre, lors d’une vague de froid ayant fait chuter le mercure à moins huit degrés (un record à Tirana), l’ensemble des canalisations de la ville avaient gelé. Les trois quart de la ville s’est vu privé d’eau courante durant près de dix jours. Les odeurs corporels dans les endroits publics et de travail étaient apparemment de plus en plus fortes jour après jour.

Je marche tranquillement au sud en direction du grand parc, mon échappatoire nécessaire me faisant oublier pour quelques instants la vie dans cette grande fourmilière polluée.

Les devantures des rues les plus présentes sont les pharmacies et les bars dédiés aux paris sportifs footballistiques. Ces derniers sont une religion à part entière en Albanie. Les enfants, les pères et les grand pères, tous se rassemblent en grappes dans ces bars pour parier où parfois une dizaine d’écrans font office de couvertures murales.

Je passe devant la pyramide de Tirana, un bâtiment en forme pyramidale tombant en ruine et dont la tradition consiste à grimper à pied en son sommet sur les pentes glissantes. Ce bâtiment, dessiné par la fille de l’ancien dictateur et construit par des architectes en l’honneur d’Enver Hoxha, a vite été délaissé après sa mort. Cela ne l’empêche pourtant pas d’être une attraction de la ville et un lieu de rendez-vous connu par tous.

A une centaine de mètres se trouve dressé un immense chapiteau recevant depuis plusieurs semaines toutes sortes de conférences et discours des différents partis pour les très prochaines élections dont le sujet alimente la plupart des discutions d’en ce moment. Mais les albanais, bien que très soucieux du futur de leur pays, ne se font pas trop d’illusions concernant leur sorts : entre les fraudes électorales majeurs, les détournements des aides à leurs profits, les trafics d’armes, le blanchiment d’argent aux mafias locales, ces dirigeants ultra-corrompus ne sont pas là pour donner confiance au peuple.

J’arrive dans le quartier du Bllok, un ancien quartier réservé aux personnes de haut rang communistes lors de la dictature Enver Hoxha. C’est maintenant le plus branché de la ville, en fait le seul dont les bars restent ouverts le soir après vingt-trois heure. Des petits malins ont trouvé une combine consistant à s’octroyer la nuit des places de parking afin de les « louer » aux personnes désirant se garer près des club et autres bars. Tous les moyens sont bon pour survivre.

L’autre jour, dans ce même quartier, j’ai eu l’occasion d’apercevoir la notion « d’éclate folle à l’albanaise », cela lorsqu’une copine a décidé de m’emmener en boite de nuit en compagnie de ces amies. Plus poussé par un élan de curiosité qu’autre chose, je me suis laissé convaincre cela à mon grand désarroi. La musique techno commerciale crachée par des systèmes de sons de mauvaise qualité n’est que le prélude de cette soirée insupportable : une serveuse nous conduit devant une table au milieu de la piste, autour de nous chaque groupe de personnes est pareillement placé de la sorte. Mes amies m’informent alors que l’on doit rester autour de cette maudite table haute et qu’aller parler à d’autres personnes ne se fait tout simplement pas. Et je ne vais pas employer le mot « danser » afin de qualifier les quelques timides gesticulations que ces jeunes se prêtent devant nous, cela encore devant leur satané table. Mais le pire reste à venir : je reste interloqué devant le comportement de ces gens brandissant leurs caméras de smartphones comme d’autant de preuves confirmant le reflet d’un bonheur faux et orchestré par des mimiques de sourires tout de suite effacées une fois l’angle du téléphone disparue. J’ai encore cette image de deux pimbêches plissées de maquillages et ayant passé les trois quart de leur temps à se filmer elles-mêmes sous tous les angles. Je tiens deux heures avant de supplier mon amie de finir la soirée chez elle. Ce qui a au moins eu le mérite de finir en « happy ending ».

J’arrive enfin au parc étrangement propre et animé de sa foule de familles, amoureux et amis. J’ai trouvé un formidable café en son centre dont le serveur me voit arriver presque tous les trois jours avec mon ordinateur et mes notes d’écriture.

Je reprends ma balade dans le sens retour en décidant de passer par l’est de la ville. Je regarde les couples gardant en retrait la moindre précipitation. Ils sont beaux.

La notion d’engagement en Albanie n’est pas du tout à prendre à la légère, surtout pour les femmes ayant en tête ce rêve de conte de fée à la sauce prince charmant, amour réel, mariage parfait et tripotée d’enfants. Mes expériences dans cette ville m’ont quelques peu confirmé ces dires entendus. Tout d’abord la séduction : mis à part pour quelques exceptions, il est tout à fait impensable de vouloir « conclure » après un premier ou deuxième rendez-vous. Un couple normal met en effet souvent plusieurs semaines ou mois à juste oser s’embrasser. Une fois ensemble, l’annonce aux familles est une étape presque redoutée tant l’avis des grands frères et géniteurs à son importance. Il faut savoir que les mariages arrangés ont encore lieu dans certaines familles du nord du pays.

L’affichage en public est de plus évité au maximum. J’ai tout d’abord crus à une plaisanterie l’autre fois lorsque en train d’embrasser une de mes « conquêtes » dans un bar, le serveur est venu nous dire d’arrêter cela sous peine de devoir quitter l’endroit.

Traversant le centre-ville, j’emprunte quelques raccourcis à travers des ruelles bondées de vie où de simples garages sont transformés en épiceries, des motos se frayent un chemin dans la foule, des chiens de rue essayent de grappiller leurs contents de nourritures tandis que les effluves de cannabis à certains endroits sont presque aussi nombreuses que celles des pots d’échappements où des poubelles.

De retour dans ma chambre je fais un rapide sac car mon colocataire Mardit m’a invité à passer quelques jours dans sa maison familiale située au bord de la mer dans un village du sud.

Départ à six heure du matin. Nous prenons un bus faisant le trajet Saranda-Tirana chaque jour. Les cinq heures que dure le trajet pour faire deux cent cinquante kilomètres passent vite. Le village de Borsh se dévoile, accolé au pied d’un long massif de montagnes avançant parallèlement à la côte de la mer ionienne.

Je rencontre la mère de Mardit n’ayant pas vue son fils depuis plusieurs mois. La maison est semblable aux autres voisines : carré de béton au toit plat possédant une large terrasse et au terrain éparpillé nécessaire aux vergers, potagers et l’élevage des bêtes. Je rencontre ces petites dernières le soir lorsque le berger arrive en compagnie du père de Mardit, un grand gaillard à l’allure sévère et à la démarche assurée. Les brebis et les moutons se confondent dans des bêlements assourdissants. C’est l’heure de la seconde traite de la journée, dont seul le père est habilité à le faire. Le berger lui-même se s’y ose pas tant l’exercice est délicat et la confiance des bêtes nécessaire.

Avec Mardit nous faisons un tour social des oncles, tantes, cousins et grands-parents vivant tous dans un rayon de cinq cent mètres. C’est à chaque fois une invitation dans leur maison, suivi du traditionnel verre de raki à soixante degrés. Les grand parents paternels sont les derniers sur la liste des visites. Sur le perron se trouve assis le grand-père, le regard vitreux tout en tenant deux énormes cigarette d’un bon centimètre de diamètre dans chaque main. Il a quatre-vingt-douze ans, a passé soixante-dix ans de sa vie dans les montagnes avec des moutons et possède une large cicatrice le long de sa main dont Mardit m’explique qu’une balle de fusil l’a éraflé alors qu’il se prenait une rafale de mitrailleuse lorsqu’il tenta de fuir les milices du parti. Il n’a apparemment jamais répondu à la question de son petit-fils sur le nombre de personnes qu’il a tué pendant l’oppression.

La grand-mère a dix ans de moins, est toute courbée et ridée mais semble rajeunir de quinze ans à la vue de Mardit. En me servant une énième tournée de raki, elle m’annonce n’être pas du tout impressionnée au récit de mon voyage que Mardit lui fait. Elle a passé toute sa vie à se déplacer à pied et a sans doute marché trois fois plus que je ne l’ai moi-même fait.

Le soir c’est la fête. Toute la famille est rassemblé et un mouton est tué pour l’occasion. Je reste éberlué lorsque la mère de Mardit fourre la carcasse tout juste dépecée dans un vieux four électrique. Au menu, viande cuite, fromages et lait de brebis, pains frais, salades du jardin et bureks délicieux fais maison. A table Mardit m’explique leur religion qui est le bektashisme, un courant soufi assez mystique fondé il y a sept cent ans. Cela peut se référencer à l’islam mais les différences restent grandes, notamment par une grande tolérance vis-à-vis des autres religions, la consommation autorisée d’alcools et de viandes de porc, cela malgré l’application des cinq piliers de l’islam. Les musulmans les considèrent apparemment comme des hérétiques.

Les jours suivants sont pour moi l’occasion d’en apprendre plus sur le métier de berger. Après avoir guidé la compagnie laineuse, nous partons sur les montagnes que les bêtes arpentent chaque jour en compagnie du berger, un employé travaillant pour des contrats à l’amiable non déclaré. Il est nourri, logé dans une cabane de dix mètres carré possédant une télévision et un lit, gagne cent cinquante euros par mois et a droit à un demi litre de raki chaque jour (ces doses ont été bien diminué depuis le soi-disant «égarement » de cent moutons pendant six jours dans les montagnes). Ce travail ne semble pas facile car outre le fait de cette solitude quotidienne dans les montagnes, les conditions météorologiques ne sont jamais une excuse pour ne pas monter sur les hauteurs.

Nous partons une journée à la visite des alentours : la ville touristique de Saranda, le site archéologique de Butrint, les plages paradisiaques de la côte sauvage. Un des oncles et sa famille nous invite à manger au soir. Les grand parents maternels vivent en leur compagnie. En Albanie la tradition consiste à ce que le dernier des enfants accueille les parents jusqu’à la fin de leurs vies.

A table nous parlons de l’époque communiste qui semble être rabâchée aussi souvent que des discutions sur la météo et de la politique. J’entends quelques exemples des rations qu’ils avaient droit à cette période : deux pains par famille par jour, un litre d’huile d’olive et un kilo de sucre par mois…

Ces années d’enfer, où le simple fait de lire un livre italien était considéré comme un délit menant aux geôles et à la torture, où juste sembler paraitre anticommuniste amenait à être enterré vivant, ont au moins apporté dans les mœurs un lien solide et fort entre chaque famille et habitant.

Je passe le dernier jour à travailler dans le jardin, à ramasser citrons et oranges, à construire une barrière pour les poules et à me faire instruire des différents types d’arbres fruitiers du sud. Nous tuons de nouveau un mouton le soir. Je tiens la pauvre bête par les pattes tandis qu’elle se vide de son sang après l’avoir égorgé. Les chiens et les chats observent chacun de nos gestes tout en recevant leur part de butin de temps en temps. Le père m’apprend cet exercice difficile qui est le dépeçage.

Dans la cellule familiale je remarque que chacun à son travail et ne varie jamais là-dessus. La mère n’a jamais fait la traite ou guidée les moutons tandis que son mari ne touchera jamais à la cuisine ou aux poules. Lorsque je demande à voir quelques photos de leur mariage, Mardit me répond que sa mère les a toute brulé un jour de dispute. On ne parle plus alors de sang chaud mais de bouillant !

Nous retournons à Tirana à l’aube, chargé de vingt kilos d’œufs, viandes, fromages, huile d’olive et fruits.

Le temps continu alors à filer pour moi. L’écriture de mon premier livre de ce voyage prend des allures d’un combat qui me fait parfois reprendre l’intégralité du premier jet, l’épurer, le modifier, refaire un chapitre. Je suis conscient que me faire publier à mon retour avoisine le simple pourcentage de chance mais j’essaye de m’accrocher à ce minuscule espoir malgré le temps et l’énergie que cela me prend.

Je commence à voir les ravages que la vie en ville opère en moi au niveau de mon énergie : fatigues continuelles, absence de vitalité, routine devenant par moment oppressante, oppression sonore et visuelle. Le retour à la marche arrive heureusement bientôt et sonne de plus en plus comme une libération.

Et la dernière semaine arrive comme toujours trop vite. J’ai enfin pu recevoir mon coli de cartes et sac de couchage d’été après une chasse au trésor administrative dans la ville. J’organise mon itinéraire dans les grandes lignes, passe mes derniers moments avec Juljan et Mardit, dit adieu aux autres personnes rencontrées durant ces deux mois.

Je suis heureux de cette période passée à Tirana. S’imprégner d’une culture en vivant dans le pays est bien différent que de le parcourir à pied comme je le fais depuis le début de ce voyage. L’Albanie a été le pays parfait pour cela, alliant un dépaysement palpable m’ayant offert plus qu’un simple séjour de sédentaire. Le triste bilan de ce pays est pour moi sur le point de cette non éducation trop visible et déconcertante parfois. Esprits fermés sur toutes nouveautés ou changements d’habitudes, état d’esprit collectif incitant à imiter son voisin sans jamais sortir de cette ligne imaginaire, absence de curiosité naturelle et surtout cette tendance d’exubérance et d’excès à la consommation pour la nouvelle génération. Mais cela se comprend. Car passer brutalement d’une dictature agressive à une économie de marché mène à quelques dérives. Que fait un naufragé n’ayant pas mangé depuis une semaine et découvrant un soudain festin offert devant lui ? Et bien il se jette dessus sans retenue tout simplement.

Mon sac à dos ayant pris la poussière retrouve sa forme bombée une fois mes affaires pliées et rangées dans cet ordre qui ne change pratiquement jamais. J’ai passé des heures entières à rafistoler mon matériel, à coudre des sacoches en tissu et à essayer tant bien que mal de retarder cet usure inévitable.

Je fais mes adieux à mes colocataires étant devenus avec le temps de vrais amis. Le corps rouillé et l’esprit encore embrumé de la « city life » sont d’un coup relancés dans leur lente mécanique ayant le pouvoir de si bien les unir.

Je quitte la ville par le nord, à travers des parties que je n’avais pas eu le temps d’explorer. Un enfant de dix ans pousse devant moi une charrette remplie d’un empilement impressionnant de plastiques, un unijambiste à la dégaine affreuse me lance un regard comprit entre la curiosité, l’envie et le mépris (l’un n’allant rarement sans l’autre). Vêtu de nouveau de mon « costume » de randonneur, je ne passe malheureusement plus du tout aperçu. Les salutations et invitations à converser autour d’un café ne font que fuser durant ces deux heures qui me sont nécessaires pour rejoindre des zones moins peuplées. Mais je les ignore royalement et ne suis concentré qu’à une chose : retrouver cet état psychique et physique du nomade-marcheur qui m’a tant manqué. Pour l’instant je ne suis encore que ce sédentaire dormant dix heures par jour tout en se sentant fatigué le reste de la journée.

Je rejoins une piste sableuse passant en travers de deux montagnes laissant filer des gorges à l’éclat de bleu paradisiaque. Moi je suis encore bien loin du paradis, ma carcasse lourde et déjà fatiguée ne semble plus se rappeler où se trouve le bouton « graissage du système ».

Devant moi passe un van rempli d’albanais dont un pneu, à la vue de la fumée qu’il dégage, semble avoir éclaté depuis dix bons kilomètres. Le conducteur et les passagers n’en paraissent pas le moins du monde dérangés.

Je me dirige droit vers le nord, en visant les montagnes qui me conduiront directement au bout du pays, à la frontière du Monténégro. Ce nord de l’Albanie ne m’a pas été bien vendu par ceux du sud. Encore une fois casser les stéréotypes à coup de semelles Vibram m’apparait comme la meilleure solution.

Je m’enfonce dans les campagnes montagneuses tout en suivant des routes de terre qui ne font que monter et descendre les collines. Les hameaux défilent sous mes yeux, les gens me dévisagent sans aucune gêne et les voitures ne font que de s’arrêter pour me demander de monter avec eux. A l’image du forcené charriant sa boule d’acier de vingt-cinq kilos je poursuis inlassablement à monter tout en attendant avec impatience qu’une semaine de marche passe afin que mon sac à dos paraisse dix kilos de moins grâce aux forces et au rythme retrouvés.

Je fais une pause après dix-sept kilomètres, douloureux des hanches et sentant de formidables débuts d’ampoules. Je reprends en me fixant un objectif de fin de journée me paraissant soudainement bien loin. Mais je fini par l’atteindre à la tombée du jour, colline surplombant deux villages perdus dans leur beauté sur un pan de montagne. Ma tente s’érige soudainement, mes jambes poussent un imaginaire soupir de soulagement, mon réchaud à bois s’occupe de cuire mon riz-oignons, le soleil se couche et moi je suis soudainement envahi d’une immense joie à la pensée de ces retrouvailles avec le nomadisme. L’appel de l’imam crache son chant à vingt et une heure. Son écho résonne encore longtemps en moi.

Qu’il est bon de se lever sous un soleil éclatant et à même le sol. Je pars me perdre sur une crête calcaire que je rejoins après deux heures de marche sous un soleil de plomb. Les sentiers enfin disparus il me semble revivre lorsque je commence à grimper les rochers escarpés, arrive au sommet et poursuis encore une heure trente éprouvante dans un amoncellement de roches, troncs d’arbres couchés et larges prairies d’altitude. Le paysage en face de moi laisse encore deviner la ville de Tirana semblant être recroquevillée derrière les nombreuses montagnes de la veille.

La marche jusqu’au soir ne m’apporte pas la moindre silhouette croisée ou aperçue. Parfois de vieilles ruines en briques rouge et béton terni viennent animer ce paysage de basses montagnes. Je jette mon bivouac au trentième kilomètres de la journée. Un feu, des pâtes et un livre égaie ma soirée tandis que je me gave d’écoutes et d’observations de la nuit bien au chaud dans mon sac de couchage.

Le soleil à la sympathie de remplacer mon réveil matin qu’il me semble n’avoir pas activé depuis plus d’un an… Je descends une piste en lacets m’emmenant poser pied sur une route goudronnée. Dans les champs chacun est au travail : une mère retourne la terre avec une vieille pelle, la grand-mère est juste derrière avec deux enfants qui grattent énergiquement le sol, et une vache passe laconiquement sur le champs labouré en saccageant tout le travail.

Le village de Burrel sera mon dernier ravitaillement avant au moins sept jours. En entrant par la rue principale je reste presque paralysé par cet effet d’attraction de ma personne sur les gens. On m’interpelle, on me sourit, on me montre du doigt. C’est loin d’être agréable et je me presse à faire mes courses afin de regagner très vite mon incognito que je chéris tant. Malheureusement il me faut pas moins de quatre épiceries afin de collecter pain, porridge, pâtes, biscuits, miel, saucisse et un bout de fromage. Et c’est à chaque fois un attroupement de personnes que je crée dans chacun de ces magasins. Je quitte enfin le village chargé comme une mule et suant comme un goret. En prenant des sentiers traversant des hautes plaines je rencontre deux enfants d’une douzaine d’années dont l’un parlant quelques brides d’anglais. Ce dernier m’accompagne sur deux kilomètres, me posant des questions étrangement matures pour son âge. Il finit par m’abandonner arrivé à sa maison et son cousin venant d’arriver prend le relais en marchant à mes côtés. Pas de chance cette fois je tombe sur l’idiot du village.

Enfin débarrassé de cet opportun je poursuis toujours sur ces nombreux sentiers et pistes jalonnant les campagnes escarpées. En fouillant un buisson laissant entendre des bruits étranges je dégotte une belle et grosse tortue qui se rétracte d’un seul coup dans sa carapace. Voulant la prendre en main celle-ci me défèque dessus en guise de protestation. Un fluide blanc, visqueux et puant recouvre mon pantalon.

Sur une crête de larges collines se trouvent une succession de minuscules villages animés par des bande de gamins enjoués et des groupes de vieux en train de cuver leur raki. Je photographie dans ces endroits des petites perles de maisons authentiques. Mon campement est planté après la dernière habitation, sur une hauteur me laissant comme spectacle le couché de soleil grandiose et pour la musique le son enivrant des grillons mêlé au bellement d’un troupeau de moutons proche.

La nuit est encore clémente et le soleil semble ne pas vouloir me lâcher. Trois heures de rudes efforts de grimpette me sont nécessaires afin d’atteindre une large prairie ensoleillée. Un bunker se trouve perché presque en équilibre entre un croisement de pistes. Un autre à côté est entièrement désossé et laissé à l’abandon. J’oubli le temps qui cours en lisant « le livre sans fin » un conte d’aventure d’une romance poignante et particulièrement émouvante. Je quitte mon chemin principal pour m’aventurer sur un massif tout en hauteur, bien qu’il ne dépasse pas les deux milles mètres. Je rencontre sur mon sentier un berger et son énorme chien s’apparentant plus au loup qu’autre chose. Nous marchons côte à côte sur quelques kilomètres, il m’indique un raccourci et nous nous quittons par un sourire. J’aime ce genre de rencontre simple où la barrière de la langue offre presque une facilité de communication.

Mon gps, dont je commence à sacrément apprécier sa compagnie, m’aide à couper à travers des pans entiers de montagnes, à traverser des landes sans sentier, de ne jamais m’inquiéter sur un quelconque égarement. Je découvre là une toute autre façon de marcher, permettant d’aller plus loin et plus éloigné, cela sans être dépendant comme je l’ai été des cartes topographiques et de mon sens de l’orientation plus ou moins bon.

Tandis que l’obscurité gagne sur le jour j’arrive devant un lac à mille huit cent mètres n’étant pas du tout rassurant. Au milieu d’une ancienne forêt ayant été complétement abattue il semble il y a quelques années, une maison en ruine git sur la rive et amène la touche finale de ce sinistre émanant des lieux. Mais je suis incapable de marcher un kilomètre de plus. Je construis un rapide feu, dévore d’une traite mes pâtes et la fin de mon livre puis pars randonner dans le pays des rêves.

Réveil à six heures du matin mais flânerie durant trois heures à juste regarder le mouvement des nuages. J’aime tellement me laisser aller dans le flot continu de mes pensées, cela lorsque aucune contrainte ou préoccupation ne sont présente pour les perturber. Chaque idée devient alors tellement claires, tellement évidentes.

Mais il faut bien décoller un moment à un autre, surtout de cet endroit me filant une petite chair de poule. La neige recouvre désormais la totalité des sentiers, c’est un vrai enfer d’humidité et d’efforts à fournir que je supporte durant des kilomètres interminables. Je commence à être inquiet pour la suite. J’avais pensé que la neige serais fondue à ces endroits là et je n’ose désormais même pas imaginer de ce que sera les montagnes des alpes dinariques. Pour l’instant je n’ai pas trop le choix. Et puis le présent est ce qu’il est et le futur sera ce qu’il sera.

Un lac encore à moitié gelé m’offre un moment de pause dont ma solitude résonne tout d’un coup trop forte en ces lieux pour que je ne puisse la supporter plus de trente minutes. La neige n’est pas là pour arranger ce moral.

Après moins de deux heures de chemins enneigés je retrouve enfin cette joie qui est de marcher sur la terre ferme. Une vallée se dessine, où quelques maisons sont dispersées de part et d’autres. Ce coin est tellement reculé mais le fait qu’il en soit habité le fait paraître si beau. Cet isolement, cette médiocrité de vie (ou simplicité en version optimiste), ces gens sont-ils seulement au courant de la chute du communisme ? Ou peut-être qu’ils s’en foutent complétement car leurs sorts n’en sera pas changés pour autant.

Un décrassage dans les règles dans une rivière me fait arriver tout frais et heureux à mon lieu de bivouac que je découvre au bordure d’une falaise. Je collecte un trésor d’orties fraiches que je mange accompagné d’un oignon, de bouts de saucisses et de lentilles corail.

Je quitte ma vallée dès les premières heures du matin. Je ne tiens pas du tout à la contourner et décide de couper encore une fois à travers les montagnes. Le sol est sec et hérissé de ce genre de buissons épineux impossibles à passer outre. Je suis des semblants de sentiers évoluant presque à pic en direction des hauteurs. Je croise deux vipères en moins de deux heures. Ce n’est pas du tout l’endroit pour se faire mordre. La récompense des derniers mètres est de toute beauté et me comble au-delà de tout : je débouche sur un immense plateau calcaire s’étalant sur plusieurs dizaines de kilomètres. L’énergie en ces lieux est d’une puissance telle que je ne songe même pas à faire une pause tellement est intense le plaisir de marcher en slalomant entre ces collines si particulières. Ce paysage lunaire m’amène plus loin à une piste dégagée où je découvre avec stupéfaction une ferme construite dans un patchwork de tôles rouillées et de bâches plastiques éventrées. Une gamine de cinq ans et sa mère me regardent passer au loin. Les deux fils viennent à moi mêlant de grands sourires à leurs gueules un peu cassés qu’ils arborent. Impossible de nous comprendre, même mon vocabulaire albanais résonne trop « sud » pour eux. Ils tiennent à guider mon chemin jusqu’au prochain hameau situé à dix kilomètres. Et ça tombe bien car ils doivent apporter quelques litres de lait là-bas.

Mes deux compères sont bien marrants, âgés tous deux de quinze et dix-sept ans ils vivent dans ce coin depuis toujours et connaissent ce gigantesque plateau comme leurs poches. Ils me font comprendre qu’ils y a beaucoup de loups dans les alentours mais qu’il suffit de leur balancer des pierres pour qu’ils déguerpissent. J’ai soudain une image de ces deux adolescents crasseux jetant de grosses caillasses sur une meute de loups en déroute et j’explose de rire.

Je leur explique le fonctionnement de ma pierre à feu intégré à mon couteau Mora. Ils restent fascinés devant les étincelles produites et me supplie presque pour que je leur offre cet outil.

Deux heures plus tard ils m’indiquent les derniers chemins à prendre puis me quittent d’un seul coup. Je poursuis en suivant une piste descendant lentement sur une autre vallée. Les contreforts rocheux de ce plateau m’apparaissent d’en bas comme de formidables murailles naturelles me rappelant celles du Vercors en France.

J’ai enfin l’occasion de faire la rencontre avec une créature dont je rêvais d’apercevoir depuis longtemps : le lézard vert, et un mâle en plus, reconnaissable grâce à sa taille imposante (presque quarante centimètres !), sa couleur verte criarde et sa tache bleu sur la gorge. Immobile sur sa branche de pin je le mitraille avec mon appareil photo. J’en rencontrerais encore beaucoup par la suite, cette période d’avril étant celle où ils sortent de leur hivernation afin de se mettre à la chasse de belles lézardes.

Le fond de vallée est habité par plusieurs habitations et quelques hameaux. Un homme sur sa mobylette s’arrête et se présente comme s’appelant Frrok (j’ai beaucoup de mal à me retenir de rigoler) et me propose de m’héberger chez lui pour la nuit. Il me fait signe de monter moi et mon sac à dos sur sa petite pétrolette semblant déjà bien fragile pour le porter juste lui-même. Mais me voilà embarqué pour trois kilomètres sur une piste aux nids de poules insupportables et une certitude de mort éminente à chaque virage un peu trop serré. La maison de Frrok se situe de l’autre côté d’une rivière qu’il faut traverser à gué à l’aide de deux paires de claquettes cachées sous une pierre. Construire un pont ne semble pas être une de ces priorités du moment.

Dans une jolie ferme à l’albanaise, Frrok me présente sa femme Vera, sa sœur Age (dont il me fait comprendre qu’elle ne fait que dormir et manger à longueur de journée) ainsi que sa fille de quinze ans Rajmonda. Personne ne parle le moindre anglais une fois de plus. Dans leur propriété une vache s’occupe de les pourvoir en lait, des poules en œufs et viandes, un potager en légumes, des vergers en fruits et olives, ainsi qu’un champ de maïs pour la nourriture des bêtes et la farine. C’est en fait à peu près tous ce que l’albanais moyen mange pratiquement chaque jour, cela sans jamais vraiment varier les menus.

Frrok tient à ce que je ne manque de rien : installé dans le salon, j’ai droit à un buffet de nourritures devant une chaine de télévision française. Tard le soir nous mangeons tous ensemble un festin de poulet, fromage frais, pains, cassoulet, riz, olive et œufs. Je leur montre ensuite la vidéo de mon direct à la télévision albanaise du mois dernier. Cela me permet de leur faire comprendre quelques peu mon voyage.

Il n’est pas six heure du matin que déjà tout le monde est levé (mise à part Age comme toujours apparemment). La traite finie, Vera s’occupe d’allumer le gros four à bois et cuisine trois gros pains et une multitude de délicieux bureks au fromage et œufs. C’est pâques aujourd’hui et ils veulent que je reste chez eux pour encore un ou deux jours. Mais le mauvais temps arrivant le lendemain j’ai envie de marcher le plus possible afin de tenter de m’en éloigner.

Je marche en sens inverse les trois kilomètres de la veille parcourus en mobylette, étant quand même vachement plus agréables à pied. Puis je pars en direction de Domjon, que je traverse rapidement sous le regard de quelques curieux du fond de leur jardin. J’occupe la matinée entière à trouver mon chemin parmi un labyrinthe de sentiers plus ou moins visibles mais qui m’emmènent finalement à mille quatre cent mètres, au pied d’un immense bloc de montagne blanc de neige. Je le contourne lentement puis marche encore quinze kilomètres dans un environnement de forêts d’épicéas et de terre argileuse. J’ai à peine le temps de planter ma tente que la pluie arrive et ne fait que doubler d’intensité heures après heures. A minuit c’est l’orage qui vient s’en mêler. Ma tente est secouée de tout part par de violentes bourrasques de vent. Mes sardines, plantées dans une terre trop meuble pour résister à de telle forces, sautent toutes une par une et je sors en catastrophe en caleçon sous le déluge pour les replanter tout en les callant avec de grosses pierres. Je ne dors que par intermittence, me réveille hagard de sommeil mais esquisse un sourire de par cette adrénaline nocturne ressentie.

Sous la brume et dans une ambiance très particulière (je soupçonne fortement l’effet minéral de l’argile sur l’esprit) je marche sur une piste défoncée slalomant entre de hautes collines de couleur ocre. De temps à autre je tombe sur d’anciennes mines dont les restes des installations rouillées et abandonnées m’informe qu’une bonne décennie a dut s’écouler depuis la dernière visite. Des gorges et bâtiments en ruines viennent compléter le tableau en amenant cette touche finale d’isolement.

Mon labyrinthe prend fin en débouchant sur une route qu’un village de fermes et maisons vient animé. Je plante ma tente quelques kilomètres plus loin, devant une minuscule mosquée perchée en hauteur et surplombant la vallée. Je dors en fin de compte à la belle étoile, le ciel étoilé étant décidément un bon compagnon nocturne, ne ronflant pas et n’étant pas ce voleur fourbe de bout de couverture.

Le bitume se poursuit toute la journée du lendemain, craquelé et s’étirant le long des montagnes en lacets. Le froid humide n’est pas une excuse pour éviter un bon décrassage dans une rivière.

Plus au nord j’aperçois les montagnes de la vallée de Valbona, menaçantes belles et blanches de neige. Le Monténégro se trouve juste derrière. Je me demande bien par quel moyen je vais arriver à passer de l’autre côté…

Le village d’Iballë se trouve au centre de la vallée et s’étire en superficie de façon plutôt étrange. J’ai faim et il ne me reste qu’un bout de pain rassis, quelques biscuits et deux cent grammes de pâtes pour deux jours. Malheureusement le village semble bien petit et délabré pour posséder une épicerie. En déboulant entre plusieurs maisons je croise la route d’un enfant de treize ans qui se fait une joie de me guider vers un bâtiment en ruine de vieux béton gris et perché sur une colline. A l’intérieur une pièce en désordre dans laquelle quatre jeunes sont occupés à démonter une carcasse de voiture. Juste à côté se trouve un étalage de quelques aliments tenu par ces mêmes jeunes. Et bien il faut connaître l’adresse ! J’achète un kilo de biscuits paraissant n’avoir pas bougé depuis l’année 2010.

Mon nouvel ami ne me lâche plus et me présente à sa mère, sa grand-mère et à son père en train de travailler dans son potager. J’essaye de leur expliquer mon parcours à pied qu’ils ne semblent pas croire mais finissent par le faire dans des exclamations de surprise et d’étonnement.

Je m’éloigne du village puis plante ma tente dans une vaste prairie un peu à l’écart. Je cuit mes pâtes, boit un litre de café brulant puis rentre précipitamment m’abriter à l’approche de gros nuages noirs chargés de fureur céleste. Trois heures durant se déchaine un vent et une pluie diluvienne bousculant ma toile à la faire tendre dangereusement. J’arrive à m’endormir une heure avant d’être réveiller par le tonnerre et les éclairs qui me tiennent éveillés jusqu’à l’aube. Impossible de fermer l’œil, j’en profite pour finir « la planète des singes » de Pierre Boule. Ambiance garantie.

La pluie ne me lâche plus de la journée tandis que je traverse un massif de collines éparses de mille mètres. La boue, le vent glacial et les deux degrés extérieur ne sont pas là pour me réchauffer. Je trouve refuge dans une grange vide seize kilomètres plus loin. Tremblant de froid et mouillé j’avale quelques biscuits puis continu ma route le moral bien sapé. J’arrive à bout de souffle sur la vallée de la rivière Drin, la plus grande et large de tout le pays et qui serpente à travers le nord sur près de trois cent cinquante kilomètres.

De retour sur l’asphalte je poursuis sur cette route. Sur le bord de celle-ci se trouve de nombreux immeubles que je crois être abandonnés avant d’apercevoir la moitié des étages habités par de nombreuses familles. Le village de Fierze n’offre que la même image en moins flagrant. Après quelques courses de bananes et pain je décide de tracer et de ne pas m’arrêter avant d’avoir trouvé un endroit au sec pour passer la nuit. Dix kilomètres à suivre la rivière ne m’apporte malheureusement qu’épuisement, froid et déception. Au bout du rouleau je trouve vers dix-neuf heure une bâtisse laissée à l’abandon dont j’entre par un trou dans le mur. Une pièce vide possède un parquet presque propre m’apparaissant comme mon cinq étoiles de la semaine. Mes affaires étendues je reste allongé dans mon sac de couchage en sentant mon corps se réchauffer lentement. Sombrant dans le sommeil je me fais réveiller par une souris ayant décidé de visiter ma couche. Impossible de fermer l’œil et quand bien même je le fais c’est pour rouvrir les yeux en sursaut en sentant la présence du rongeur devant mon visage. Je sacrifie plusieurs de mes biscuits afin de la tenir occupée et cela marche suffisamment pour qu’elle me laisse tranquille jusqu’au matin. Le premier rayon de soleil arrive à dix heure et me remplit d’une joie immense. Je débarque dans la « ville » de Bajram Curi tout sec et heureux de retrouver de la vie autour de moi. Mes courses faites je prends la route en direction de Valbona, un village de montagne connu dans tout le pays. En avançant entre la vallée de montagnes alpines, brisant d’un seul coup avec ces autres calcaires et tellement différentes, je me surprend à être heureux de bientôt quitter l’Albanie. Voilà déjà plus de trois mois que j’y suis et je réalise qu’un changement de pays m’est plus que nécessaire.

Marchant le long des quelques maisons formant le hameau de Dragoba, deux frères de treize ans aux gueules amochées et aux larges fronts m’interpellent et tiennent à m’amener chez eux pour dormir. Sans ne serait-ce que demander à leur parent ils m’installent dans un hangar accolé à leur maison. J’ai pour compagnie un petit chevreau seulement âgé de quelques jours qui se précipite pour se blottir contre moi. Trente minutes plus tard un autre fils plus âgé me fait signe de venir à l’intérieur. Dans la pièce commune, un canapé, une cuisinière, une télévision et un radiateur électrique font office de remplissage. La famille entière est au complet, assis et me fixant amusé. Ils sont neuf au total dont une petite fille de sept ans qui me regarde avec des yeux de bigornot. Le repas se compose de pain et de fromage blanc de la vache familiale que l’on mange en regardant un stupide film américain qui me fait bien marrer. On m’emmène après dans une chambre où un grand lit moelleux m’attend. Mais la surprise de la soirée arrive lorsque le fils de vingt ans se pointe et me fait comprendre que l’on devra partager le lit. Celui-ci émettant des bruits bizarres et gesticulant toute la nuit, je finis par craquer à quatre heure du matin en allant dormir sur le tapis.

J’accompagne le lendemain les trois enfants à leur école situé à moins d’un kilomètre. Un peu émue je me dit que c’est surement ma dernière rencontre albanaise…

Le village de Valbona apparait douze kilomètre plus loin, situé à mille mètres au centre d’une vallée de montagnes enneigés. Le Monténégro est à moins de trois kilomètres à vol d’oiseau et je n’ai pas d’autre choix que de passer par un col à plus deux milles mètres surement recouvert de deux mètres de neige.

Je trouve à me loger dans une pièce d’un chalet d’une auberge-restaurant. Je suis épuisé, puant et ne désirant que me reposer au moins quelques jours avant d’attaquer l’ascension de ces montagnes.

Dans cette auberge, avalant des plats de soupes chaudes et écrivant, je passe là de bons moments à apprécier le passage de touristes et locaux. Une équipe de film tournant dans les environs, une bande d’albanais dansant tout une après-midi , des finlandais très finlandais, je ne manque pas de distractions malgré mon mode insociable activé à 80%.

Je repars trois jours plus tard, le mauvais temps enfin parti et les températures étant remontées jusqu’à zéro degré.

Je n’ai aucune peine à suivre le sentier jusqu’à mille quatre cent mètres. La neige apparait à ce moment-là et devient de plus en plus épaisse au fur et à mesure de la montée. Deux heures plus tard je fais une pause au soleil en observant le paysage de toute beauté s’offrant derrière moi. J’observe et écoute un grand nombre d’avalanches se déclenchant aléatoirement autour de moi. C’est impressionnant et presque terrifiant.

La suite est moins heureuse. La montée jusqu’au col à deux milles deux cent mètres est extrêmement épuisante Je ne fais que m’enfoncer à chaque pas et passe un temps fou à chercher les meilleurs passages à travers les rochers. Ce n’est qu’une fois au sommet que je pousse un cri de victoire en apercevant l’autre versant. Mon gps m’indique que je suis désormais en Monténégro. Mes adieux fais à l’Albanie j’entame la longue descente. Le panorama est indescriptible : des corniches et dalles pointus, des falaises et des croupes enneigés, des longs couloirs dissimulant quelques lacs recouverts. En me sentant vivant comme jamais je descends progressivement, traverse des passages entiers d’avalanches formant de milliers de gros boulets neigeux, évite les creux étant les plus profond. Le silence est profond autour de moi tandis que je reste concentré pendant des heures entières à faire attention au moindre rocher dissimulé ou pentes trop aigus.

Une large falaise me bloque subitement le passage. La seule alternative de descente possible est un couloir pentu formé de roches et de glace me donnant de grands frissons le long de l’échine. N’ayant pas le choix je taille mes marches avec lenteur et régularité, réparti mon centre de gravité à chaque pas puis arrive en bas trente minutes plus tard en poussant un immense soupir de soulagement et de fierté non dissimulé. En moins d’une heure trente je retrouve le printemps dans des sentiers dégagés et des prairies d’herbes grasses. Autour de moi la vallée respire une autre odeur, une odeur m’informant encore une fois qu’un pas répété des millions de fois amène de plus en plus loin. Bienvenue dans les Balkans mon cher Jérôme.

 

Jérôme

 

Ma coloc pour ces deux mois à Tirana (le dernier étage)

Ma coloc pour ces deux mois à Tirana (le dernier étage)

La vue sur le repère des dealers du quartier

La vue sur le repère des dealers du quartier

Et ma chambre au dessous des toits

Et ma chambre au dessous des toits

Mes colocataires : Juljan, son cousin Mardit et sa copine Ledia.

Mes colocataires : Juljan, son cousin Mardit et sa copine Ledia.

Juljan me fait passer en direct à la télévision nationale "Top chanel". Décidément trop de stress !

Juljan me fait passer en direct à la télévision nationale « Top chanel ». Décidément trop de stress !

Je rencontre des expatriés américains étant la plupart professeurs d'anglais.

Je rencontre des expatriés américains étant la plupart professeurs d’anglais.

Nous acceuillons des couchsurfeurs à la colocation. Cela fait bizarre d'être en qualité "d'hôtes acceuillant"

Nous acceuillons des couchsurfeurs à la colocation. Cela fait bizarre d’être en qualité « d’hôtes acceuillant »

La ville de Tirana et ces immeubles sinistres

La ville de Tirana et ces immeubles sinistres

Cet engin se trouve plus facilement que les scooters

Cet engin se trouve plus facilement que les scooters

Beaucoup de chiens errants mais pas forcéments agressifs, plutôt même peureux et étrangement civilisés !

Beaucoup de chiens errants mais pas forcéments agressifs, plutôt même peureux et étrangement civilisés !

La mosquée Et'hem Bey

La mosquée Et’hem Bey

Enormément de personnes faisant le tri des bennes à la recherche de matériaux recyclables à revendre

Enormément de personnes faisant le tri des bennes à la recherche de matériaux recyclables à revendre

La pyramide de Tirana, anciennement un musée à la mémoire du dictateur Enver Hoxha et laissée à l'abandon depuis

La pyramide de Tirana, anciennement un musée à la mémoire du dictateur Enver Hoxha et laissée à l’abandon depuis

Les albanaises ne sont en rien ces beautés de l'est. Les ravages de la "junk food" pas cher.

Les albanaises ne sont en rien ces beautés de l’est. Les ravages de la « junk food » pas cher.

La statue de la place Skanderbeg, le héros national de l'Albanie.

La statue de la place Skanderbeg, le héros national de l’Albanie.

L'église orthodoxe de la résurrection du christ

L’église orthodoxe de la résurrection du christ

Les gentils toutous pleins de puces !

Les gentils toutous pleins de puces !

Les regroupements de personnes agées presque à chaque coin de rue

Les regroupements de personnes agées presque à chaque coin de rue

Je passe à la radio encore une fois grace à Juljan

Je passe à la radio encore une fois grace à Juljan

Mon colocataire Mardit m'invite à passer plusieurs jours dans sa maison familiale près de la mer ionnienne, au sud ouest du pays.

Mon colocataire Mardit m’invite à passer plusieurs jours dans sa maison familiale près de la mer ionnienne, au sud ouest du pays.

On tue le mouton le soir même !

On tue le mouton le soir même !

Ce dernier fourré directement dans le four !

Ce dernier fourré directement dans le four !

C'est le temps des plantations de légumes

C’est le temps des plantations de légumes

Les deux cent moutons de la familles sont une occasion pour moi d'en apprendre un peu plus sur le métier de berger

Les deux cent moutons de la familles sont une occasion pour moi d’en apprendre un peu plus sur le métier de berger

Citronniers et orangers se trouvent par dizaines dans la propriété de la famille

Citronniers et orangers se trouvent par dizaines dans la propriété de la famille

26

Mardit et sa soeur me montrent les montagnes auquels les moutons et brebis se rendent quotidiennement

Mardit et sa soeur me montrent les montagnes auquels les moutons et brebis se rendent quotidiennement

Nous visitons le site archéologique de Butrint.

Nous visitons le site archéologique de Butrint.

Pleins de jolies tortues dans les environs.

Pleins de jolies tortues dans les environs.

En avant les biquettes c'est l'heure de la traite ! et d'un bon lait de brebis pour nous !

En avant les biquettes c’est l’heure de la traite ! et d’un bon lait de brebis pour nous !

31 32

Nous tuons un deuxième mouton. Après l'avoir égorgé j'apprend par le père de Mardit à le dépeçer. Pas facile tout ça !

Nous tuons un deuxième mouton. Après l’avoir égorgé j’apprend par le père de Mardit à le dépeçer. Pas facile tout ça !

34

Au final il n'y a pas forcément beaucoup de viande. Tout au plus huit kilos !

Au final il n’y a pas forcément beaucoup de viande. Tout au plus huit kilos !

La famille de Mardit

La famille de Mardit

De retour à Tirana j'emploi mes dernières semaines à planifier mon itinéraire à travers les Balkans puis à écrire mon premier livre.

De retour à Tirana j’emploi mes dernières semaines à planifier mon itinéraire à travers les Balkans puis à écrire mon premier livre.

Un cordonnier me renforce mes chaussures comme il le peut. Elles tiendront bien encore mille kilomètres

Un cordonnier me renforce mes chaussures comme il le peut. Elles tiendront bien encore mille kilomètres

C'est l'heure du départ après ces deux mois de pause. Bien que triste de quitter cette ville et mes amis, je suis heureux à l'idée de retrouver mon mode de vie de marcheur-nomade.

C’est l’heure du départ après ces deux mois de pause. Bien que triste de quitter cette ville et mes amis, je suis heureux à l’idée de retrouver mon mode de vie de marcheur-nomade.

Les premiers kilomètres se font sous une grosse chaleur et des pistes poussiéreuses.

Les premiers kilomètres se font sous une grosse chaleur et des pistes poussiéreuses.

aaaaahh les maisons albanaises !

aaaaahh les maisons albanaises !

Un champs, un âne, une grand-mère courbée, deux vâches et une botte de foin. Beaucoup d'Albanie dans cette photo.

Un champs, un âne, une grand-mère courbée, deux vâches et une botte de foin. Beaucoup d’Albanie dans cette photo.

Je me dirige vers les campagnes isolées et les montagnes désertes.

Je me dirige vers les campagnes isolées et les montagnes désertes.

Je rencontres des petits bijoux de magnifiques maisons

Je rencontres des petits bijoux de magnifiques maisons

Le campement du premier soir m'apporte une grande joie de retrouvailles avec la nature

Le campement du premier soir m’apporte une grande joie de retrouvailles avec la nature

Mon gps me permet désormais de vagabonder un peu partout sans être dépendant des cartes topographiques et des sentiers

Mon gps me permet désormais de vagabonder un peu partout sans être dépendant des cartes topographiques et des sentiers

47

Ce n'est pas l'eau et les baignades qui manquent

Ce n’est pas l’eau et les baignades qui manquent

L'aigle bicéphale, symbole de l'Albanie ainsi que d'autres pays le portant aussi sur leur drapeau national.

L’aigle bicéphale, symbole de l’Albanie ainsi que d’autres pays le portant aussi sur leur drapeau national.

Une station de lavage du village de Burrel.

Une station de lavage du village de Burrel.

Je trouve une tortue dans les buissons. Voulant la porter celle-ci me chie littéralement dessus ! Un truc blanc bien gluant et puant

Je trouve une tortue dans les buissons. Voulant la porter celle-ci me chie littéralement dessus ! Un truc blanc bien gluant et puant

Les bunkers se rencontrent dans des endroits les plus innatendu !

Les bunkers se rencontrent dans des endroits les plus innatendu !

Toujours cette petite mosquée pointant sa flèche des villages

Toujours cette petite mosquée pointant sa flèche des villages

54

Un berger et son énorme chien me guident quelques kilomètres dans les montagnes

Un berger et son énorme chien me guident quelques kilomètres dans les montagnes

Je marche deux jours sans croiser la moindre personne.

Je marche deux jours sans croiser la moindre personne.

Les crocus annonciateurs de printemps percent à travers les herbes

Les crocus annonciateurs de printemps percent à travers les herbes

58

La neige reste présente après 1600 mètres

La neige reste présente après 1600 mètres

Je galère pendant des kilomètres dans ces chemins encore enneigés

Je galère pendant des kilomètres dans ces chemins encore enneigés

61 62

Je retrouve avec plaisir les campagnes plus basses

Je retrouve avec plaisir les campagnes plus basses

64 65 66

Un immense plateau calcaire ennivrant d'immensité

Un immense plateau calcaire ennivrant d’immensité

Au beau milieu je rencontre ces habitations où une famille y vit. Les deux fils de quinze ans m'accompagnent durant deux heures sur ma route

Au beau milieu je rencontre ces habitations où une famille y vit. Les deux fils de quinze ans m’accompagnent durant deux heures sur ma route

Il semble bien connaître les environs

Il semble bien connaître les environs

70

Le lézard vert, une magnifique créature que je n'avais encore jamais rencontré.

Le lézard vert, une magnifique créature que je n’avais encore jamais rencontré.

Le mâle se différencie par sa couleur verte et sa tache bleue sur le cou. Les femelles elles sont plus petites et de couleur grise.

Le mâle se différencie par sa couleur verte et sa tache bleue sur le cou. Les femelles elles sont plus petites et de couleur grise.

73

Je quitte le plateau s'apparentant de loin aux contreforts géants du Vercor en France

Je quitte le plateau s’apparentant de loin aux contreforts géants du Vercor en France

Frrok et sa famille m'invite à manger et dormir dans leur maison

Frrok et sa famille m’invite à manger et dormir dans leur maison

Bureks maison au feu de bois, fromages frais et olives ne sont que l'apéritif du festin qu'ils m'offrent

Bureks maison au feu de bois, fromages frais et olives ne sont que l’apéritif du festin qu’ils m’offrent

Le mauvais temps me fait passer des moments difficiles.

Le mauvais temps me fait passer des moments difficiles.

Ce genre de bâtiments en ruine se rencontrant au hasard d'une colline ou d'une montagne

Ce genre de bâtiments en ruine se rencontrant au hasard d’une colline ou d’une montagne

79 80

Orties-lentilles corail- cube or- oignons et bouts de saucisses. Un vrai régal !

Orties-lentilles corail- cube or- oignons et bouts de saucisses. Un vrai régal !

82 83

Au réveil d'un sacré orage ayant duré la nuit entière

Au réveil d’un sacré orage ayant duré la nuit entière

Je passe une journée sous la pluie et le froid pour enfin trouver refuge dans cette maison abandonnée.

Je passe une journée sous la pluie et le froid pour enfin trouver refuge dans cette maison abandonnée.

Une nuit au sec en compagnie d'une sourie visitant ma couche à chaque fois que mes yeux se ferment. Une moitié de nuit blanche et plusieurs biscuits sacrifiés afin d'avoir la paix pour quelques heures !

Une nuit au sec en compagnie d’une sourie visitant ma couche à chaque fois que mes yeux se ferment. Une moitié de nuit blanche et plusieurs biscuits sacrifiés afin d’avoir la paix pour quelques heures !

J'arrive dans la région de Valbona au nord, repère des montagnes les plus hautes et sauvages du pays.

J’arrive dans la région de Valbona au nord, repère des montagnes les plus hautes et sauvages du pays.

Une famille d'albanais m'invitent à passer la nuit chez eux. Un bébé mouton vient juste de naître.

Une famille d’albanais m’invitent à passer la nuit chez eux. Un bébé mouton vient juste de naître.

89

La vallée de Valbona

La vallée de Valbona

Après trois jours de pause dans le hameau, je pars à l'assaut des montagnes enneigées afin de passer la frontière du Monténégro.

Après trois jours de pause dans le hameau, je pars à l’assaut des montagnes enneigées afin de passer la frontière du Monténégro.

La neige est de plus en plus profonde au fur et à mesure que je grimpe en altitude.

La neige est de plus en plus profonde au fur et à mesure que je grimpe en altitude.

Mais le paysage reste magnifique

Mais le paysage reste magnifique

94 95

Moi qui avait cru en avoir fini avec la neige !

Moi qui avait cru en avoir fini avec la neige !

Je reste troublé par la sérénité qui se dégage de ces lieux

Je reste troublé par la sérénité qui se dégage de ces lieux

De nombreuses avalanches passant à côté de moi à plusieurs reprises. J'arrive en Monténegro en fin de journée, épuisé comme jamais mais aussi incroyablement heureux de ce nouvel chapitre des Balkans s'ouvrant devant moi. Merci Albanie et à bientôt !

De nombreuses avalanches passant à côté de moi à plusieurs reprises. J’arrive en Monténegro en fin de journée, épuisé comme jamais mais aussi incroyablement heureux de ce nouvel chapitre des Balkans s’ouvrant devant moi. Merci Albanie et à bientôt !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>