Premier jour : La confiance
Je regarde la date de mon journal de bord à la dernière page : Samedi 11 mai 2013 [3291 kms].
Voila déjà plus de six mois que nous sommes partis de Lyon.
Lorsque l’on marche, le temps ne semble plus s’écouler de la même manière. Parfois, une semaine parait durer deux mois, cela varie en fonction de l’intensité des moments ou des rencontres que l’on fait. Les repères disparaissent, il n’y a plus de week end, de jours de congés ou fériés, de vacances, seul compte le moment présent et la pensée que une toute nouvelle journée va débuter lorsque le soleil se couche. De cette manière, la vie semble tellement être plus vivante, plus généreuse, plus simple.
Ce dimanche 12 mai, nous nous réveillons dans notre petit chalet de rondins que Roar nous avait prêté. Le son de la pluie contre le toit nous laisse présager une journée difficile.
Une fois les sacs pliés et l’intérieur rangé, nous allons sonner chez notre hôte afin de lui faire nos adieux. Roar semblait bien s’inquiéter de là où nous comptons aller, il vient même à téléphoner à l’un de ces amis vivant sur la montagne, afin de savoir si la piste que l’on avait l’intention d’emprunter était praticable.
Il lui répondit que malgré le fait qu’elle soit enneigée, nous devrions arriver à nous débrouiller.
Cela semblait quelque peu réconforter Roar, mais celui-ci nous mit quand même en garde de la dangerosité de notre « expédition » à travers la montagne.
Le truc, c’est que l’on avait pas forcément le choix, soit nous passions par les montagnes, soit nous faisions un large détour nous prenant plusieurs jours de marche sans grand intérêt particulier.
Nous partons donc, sous la pluie et le froid, en direction de notre première étape : Nordseter, un hameau dans la montagne marquant la fin de la route goudronnée et laissant place à des chemins de graviers sous la neige.
La montée était assez dure mais linéaire, et malgré la pluie cela restait très agréable.
En milieu de journée, nous nous rappelons que deux jours avant Geir nous avait fait cadeau de quatre beaux poissons. Il fallait les faire cuirent maintenant car nous ne pensions pas que cela serait possible plus haut.
Nous entrons dans une forêt de résineux pour nous protéger de la pluie, et allumons un bon feu.
Trente minutes après, nous dégustons nos poissons enroulés dans quelques galettes de pomme de terre. Un véritable délice !
Nous arrivons à Nordseter en début d’après midi. Plusieurs maisons traditionnelles ainsi que une très belle église composaient ce petit village d’altitude.
A la sortie de celui-ci, une barrière indiquant la fin de la route était dressé devant nous.
Heureusement le chemin n’était pas entravé par la neige.
Les cinq premiers kilomètres ont été magnifique : Nous évoluions à travers un plateau enneigé parsemé de sapins et d’arbustes ainsi que de lacs gelés. La piste de gravier semblait être praticable, et jusque là, les avertissements que l’on nous avait donné nous paraissait avoir été grandement exagérés.
La brume avait remplacé la pluie et donnait à la montagne un côté fascinant et captivant.
Par moment, le sol s’effondrait sous nos pieds, laissant place à de petits trous sous lesquels une nappe souterraine coulait.
Quelques heures plus tard, le chemin de gravier s’arrêta pour être remplacé par une épaisseur assez importante de neige à peu près tassée.
Une heure après, voila que les choses se compliquent : Une rivière coupe le chemin, nous donnant pas d’autre solution que de la traverser.
Nous y arrivons sans grand mal, mise à part le fait de nous mouiller les chaussures. Heureusement des branchages parsemaient le cour d’eau et permettaient de nous appuyer dessus.
Cent mètres après avoir traversé notre obstacle, voila que une seconde rivière nous apparaît, plus grosse et plus profonde. Toujours en nous appuyant sur les quelques arbustes dépassant de l’eau, nous la franchissons tout de même.
Mais voila que à peine trois cent mètres plus loin, une troisième nous apparaît, large de presque deux mètre cinquante et profonde de la même distance.
Cette fois ci, pas d’arbustes pour nous aider à traverser, il va falloir tout bonnement sauter.
La chose embêtante et dangereuse, c’est que les bords de cette rivière étaient constitués de neige en porte à faux, se qui les rendaient très fragiles et instables.
Pris d’un accès d’adrénaline, je quitte mon sac à dos et m’élance en essayant de ne pas trop réfléchir si jamais je me loupais.
Je saute et réussi à atteindre le côté opposé de justesse. Ayant atterri sur de la neige, celle-ci s’effondre peu à peu au fur et à mesure que j’essayait de remonter, et bientôt je m’éloigne de cette surface craquelé et me remet sur pied. Je me suis quand même immergé dans l’eau glaciale jusqu’au niveau des genoux pendant quelques secondes, mais mon sur pantalon, mes guêtres intégrées et mes bonnes chaussures ont à peu près stoppé l’eau.
François me balance nos deux sacs. Après que je les aie réceptionnés et mis à l’abri, celui-ci se prépare à sauter afin de me rejoindre.
Mais il a eu moins de chance…
Bien partit au début, il hésite à la dernière seconde et saute sans vraiment le vouloir. Il atterrit à un bon mètre du rivage, c’est-à-dire au milieu de la rivière.
Je me précipite sur le bord et l’aide à se hisser sur la terre ferme (ou plutôt sur la neige ferme).
François était trempé jusqu’à l’os. Il ne fallait plus s’arrêter de marcher désormais, cela afin qu’il conserve une bonne chaleur corporelle.
Sur les derniers kilomètres, deux autres rivières, plus petites heureusement, nous fîmes obstacle.
Enfin, nous apercevons au loin un regroupement de maisons. Bien entendu, une fois sur place, nous constatons que le hameau était désert. Avec une telle route, c’était évident.
Le vent arrivait et nous étions en train de nous refroidir, il nous fallait un abri au sec.
En explorant les alentours, nous trouvons une étable laissée ouverte dont une partie en construction était accessible. En prenant soin de ne rien déranger, nous nous installons et mettons à sécher nos affaires en tirant un fil d’étendage à travers la pièce. Nous rentrons directement dans nos duvets et attendons paisiblement que la chaleur vienne recouvrir nos corps refroidis.
Nous avions estimé notre traversée à trois jours, c’est pourquoi nous ne nous sommes pas énormément chargé en nourriture. Il nous restait exactement : 1 kilo de muesli, O,5 kg de riz, 0,7 kg de pates, 0,9 kg de browncheese, une moitié d’oignon et 1 kg de galettes de pomme de terre ( 36 galettes).
Donc c’est après un frugal repas que nous nous endormons, épuisé de cette après midi riche en péripéties.
Deuxième jour : L’affaiblissement
Le lendemain, malgré nos chaussures bien humides, nous repartons sur le chemin.
Nous marchions toujours sur la neige, mais bien qu’elle nous freinait pas mal, nous avancions quand même. Vers le milieu de journée, nous arrivons devant un poste de secourisme fermé. Plusieurs routes et chemins s’en découlaient à partir de se point. Bien sur, la totalité de ces passages étaient impraticables à cause de la neige.
Comme il pleuvait, nous nous abritons sur l’avancé du toit du poste de secours. Au menu : Deux galettes de pomme de terre, 7,5 millimètres de fromage, un peu d’oignon et un verre de muesli chacun.
Nous reprenons la marche sans tarder.
A partir de ce moment là l’avancé fut plus difficile : La neige devenait plus profonde et semblait être traversée par plusieurs cours d’eau vue la consistance qu’elle avait.
A chaque foulée nous nous enfoncions de près de cinquante centimètres.
Mais mise à part cela, tout allait à peu près ; Le sentier était visible, quelques fermes, bien que désertes, étaient présentes de temps à autre, et nous nous dirigions au Nord Est. Pas de quoi s’inquiéter, dans quelques heures nous arriverons sur des terres occupées.
Soudain, une rivière ayant débordée, sans doute dut à la fonte de toute cette neige, nous fit barrage.
La neige et l’eau avaient en quelques sortes fusionnées pour former une sorte de marécage de glace duquel il était impossible de savoir où marcher sans tomber dans un trou d’eau glacée.
Mon bâton me fut bien utile, je pouvais sonder ce marécage en discernant à peu près les endroits solides. Mais cela ne m’a pas empêché de m’enfoncer jusqu’à la taille dans un passage délicat.
Petit à petit j’arrive à traverser, et une fois de l’autre côté, je constate que mes pieds pataugent littéralement dans l’eau. Il commence à neiger et la température semblait avoir chuté de plusieurs degrés.
François, voulant prendre le côté droit du « lac-neige», se fit un peu avoir, et de loin je l’apercevais en train de galérer, de s’enfoncer brusquement dans l’eau ou de faire demi tour à plusieurs reprises. Celui-ci n’avait pas la chance d’avoir un bâton et il ne pouvait pas sonder le sol.
Une fois ce passage traversé, nous continuions la progression. Nous prenions de l’altitude et la neige se faisait plus profonde.
La forêt, la rivière, la terre, tout semblaient avoir disparus, et autour de nous, se dessinait simplement une grande étendue de neige, où le passage de la piste se devinait.
La marche devenait impossible, l’épaisseur de la neige semblait par moments dépasser les deux mètres, et à chaque pas, nous nous enfoncions de presque un mètre. Notre énergie semblait se faire aspirer de notre corps et au fil des heures, nous commencions à devenir très faibles.
Le vent et le brouillard étaient de la partie. Heureusement la piste se dessinait encore.
Nous étions confiant tout de même, tant que l’on suivait une direction, ça pouvait aller.
Un peu plus loin, ce que je redoutais se produisit : Le chemin devint très incertain et bientôt il disparut totalement, laissant place à un paysage de neige, de brouillard épais et de vent glacial.
Nous prenons tout droit, en nous fiant à la boussole.
Avancer devenait pire que tous. Nous nous relayions afin d’ouvrir le passage. Lorsque François était devant, et que j’avançais dans ces pas, le temps semblait s’arrêter, je me contentais de le suivre, sans la moindre pensée. Puis l’on échangeait les places, et le cauchemar continuait.
Je me répétais une phrase à vive voix en essayant de me concentrer simplement sur ma prochaine foulée « Planter le baton, un pas, un autre pas », « Planter le baton, un pas, un autre pas »…
Les heures s’écoulèrent sans vraiment que l’on s’en rende compte, nous ne pouvions plus faire demi tour, et s’arrêter n’était pas envisageable.
La piste était perdue depuis longtemps et l’on avançait sans vraiment savoir où nous allions.
Je crois que j’ai vraiment pris conscience que nous étions en danger lorsque j’ai tapé sur ma chaussure avec mon bâton, et que je me suis rendu compte que je ne la sentais plus.
La peur, la panique, l’effondrement, l’épuisement. Tout cela en même temps étaient beaucoup. Par moments je m’insultais en me hurlant que je devais avancer, qu’il fallait que je me relève, que je ne pouvais pas abandonner. Je n’avais pas le droit de mourir, je devais vivre.
Plusieurs fois j’ai eu envie de m’arrêter et de fondre en larmes comme un bébé, mais je croisais le regard de François et cela me redonnais la force de refouler cet état d’abandon.
C’était quelque chose de ne plus avoir de destination, de chemin à suivre, d’être perdu au milieu de rien, et de n’avoir plus de repères de temps et d’espace. On réalise alors que notre vie ne tient que par un minuscule fil, et que pour éviter qu’il se rompe, l’on doit se battre et ainsi dire dépasser ces limites mentales et physiques.
Tout semblait perdu pour nous. J’avais tellement peur.
A un moment, sur une hauteur, nous vîmes à une centaine de mètres un panneau d’information émergeant de la neige. Nous nous y rendons.
Sur celui-ci était marqué en gros « Hemmeldalen », dont une carte, des photos, et du texte était inscrit sur le bas.
Nous ne connaissions pas ce nom de lieu et la carte était complètement incompréhensible. Aucun des endroits que nous avions traversé auparavant ne semblait y être représentés.
Le peu d’espoir qu’il me restait s’évapora.
Les conditions climatiques étaient déplorables. Notre condition physique au plus bas.
Il fallait que l’on s’arrête, cela ne rimait à rien d’avancer dans ce brouillard, sans aucune direction.
François me propose de monter les tentes sur un des endroits épargnés par la neige. J’accepte en sachant que la terre allait être gelée, et donc impossible d’y planter la moindre sardine. Il me propose un endroit mais je lui réponds que l’espace ne serait pas suffisant et que l’autre au fond conviendrait mieux.
Alors que nous marchions pour nous y rendre, une forme différente de celle d’un rocher m’interpelle. Je semblais discerner un toit, à environ 150 mètres. Le brouillard et la neige rendaient la vue difficile, pourtant, au fur et à mesure que l’on scrutait l’horizon, cela ne faisait plus de doutes !
La joie m’envahissais, je remerciais je ne sais pas quoi, rigolais, criais. Nous étions hors de danger ! Nous avions un but, une destination.
Mais 150 mètres à parcourir dans cette neige représentaient presque un quart d’heure de marche. Les derniers moments furent sans doute les plus durs. La neige était profonde comme jamais, nous nous enfoncions jusqu’aux épaules à certains moments. Je criai, m’insultait pour avancer. Il fallait atteindre cette cabane, fusse t’elle fermée que l’on entrerait quand même.
En pleurant presque, je finis les derniers mètres en rampant.
C’était un abri en rondins, perdu au milieu de tout, appartenant sans doute à un chasseur du coin. La neige recouvrait l’ensemble des murs si bien que juste le toit dépassait. Il fallait creuser afin de dégager la porte. François arrive et l’on sorti la gamelle de son sac afin de s’en servir comme une pelle.
Pris d’une incroyable énergie, je creuse, creuse, jusqu’à se que la porte apparaisse. Par bonheur, celle-ci était ouverte. Une fois le passage assez grand pour nous y glisser, nous entrons à l’intérieur.
Nous fermons la porte et examinons les lieux. C’était une belle cabane de rondins, très rustique, où l’intérieur se composait simplement d’un petit poêle, un banc, des outils et du bois.
Tout tremblant encore, nous ne perdons aucune minutes et nous mettons au travail. Première étape, allumer un bon feu dans le poêle, ensuite faire chauffer de la neige sur la casserole, puis changer nos habits trempés. Par chance, nous trouvons une hache et le bois se révéla parfait pour une combustion rapide. Je me décide à enlever mes chaussures. Mes pieds étaient devenus blancs, fripés, avec des endroits très rouge. Je ne les sentais même plus. J’essayais de marcher mais j’y arrivais à peine. C’était comme avancer sur mes genoux. J’enfile deux paires de chaussette et attend près du feu.
Les pieds de François on réagis différemment : Une sorte de brûlure de froid lui est apparu sur le haut. Tout deux, ils nous semblaient avoir des débuts de gelures, mais se n’avait pas l’air forcément grave.
Au bout d’une heure, le feu commençait à répandre sa douce chaleur à travers la pièce. La neige sur la casserole était devenu de la bonne eau brûlante. Nous y balançons un sachet de thé, et autour de cette boisson chaude, respirons enfin.
Mon corps était gelé mais la seule pensée que nous passerons une bonne nuit suffit à me réchauffer.
Dehors la tempête faisait rage.
Nous chargeons le poêle et mettons à cuire 300 grammes de pâtes.
Mes pieds commençaient à se faire sentir, c’était bon signe.
En attendant la cuisson, nous restons assis et parlons. Des questions sans réponses se bousculent dans ma tête : Qu’est ce qui nous serait arrivé si l’on n’aurait pas trouvé cet abri, si il n’y aurait pas eu de poêle où de bois ? Où sommes nous ? Qu’est ce que l’on va faire demain ?
Nous mangeons nos pâtes avec appétit puis étendons nos sacs de couchage. Après avoir chargé au maximum le poêle à bois, nous nous glissons à l’intérieur de nos duvets.
Je m’endors d’un sommeil sans rêves.
Troisième jour : L’organisation
Le lendemain, le feu s’étend éteint pendant la nuit, le froid avait semblé reprendre ces droits.
Allongé dans nos duvets, nous ne savons pas trop quoi faire. Doit on partir maintenant ou attendre demain ?
Avec le peu de cartes que l’on avait, c’est-à-dire une grande de la Norvège, nous essayons d’établir notre position. En regroupant les différents lieux que l’on avaient traversé pendant ces derniers jours, nous concluons avoir bifurquer trop au nord, alors que nous nous dirigions plein est.
La seule information que nous possédions était ce nom : « Hemmeldalen », que nous avions lus hier soir sur le panneau enfoui dans la neige. J’allume mon portable pour voir le réseau : Aucun signal.
Nous rallumons le feu et mettons à chauffer de la neige. En sortant dehors, un grand ciel bleu parsemé de petits nuages nous apparus.
Nous montons tout les deux sur le toit afin d’observer l’horizon. La neige était absolument partout. Nous arrivons à discerner à quelques centaines de mètres de se qui pourrait sembler être un lac, mais nous n’en étions pas sur. Il était impossible de prendre des repères. Debout, sur se toit d’ardoise, nous étions comme des naufragés sur un radeau, au beau milieu d’un océan.
Le portable captait une petite barre, à condition d’être dehors. Une tempête arriva, nous rentrons vite à l’intérieur.
Il nous apparaissait très clairement que nous ne pouvions pas partir aujourd’hui. L’heure était avancée, nos vêtements et chaussures étaient trempés, nous étions encore faibles d’hier, il fallait refaire nos réserves d’eau, et surtout, nous ne savions pas où aller.
La question de faire demi tour et de revenir à Lillehammer se fut posée. Mais voila, c’était plus de cinquante kilomètres à marcher dans la neige profonde et à traverser des rivières. De plus, faire demi tour signifierait que l’on reviendrait à notre point de départ, et que tout se que l’on avait fait était remis à zéro. Psychologiquement c’était très dur de prendre une telle décision. Pourtant je pense que sa aurait été la plus sage.
La tempête semblait se calmer et nous remontons sur le toit pour capter un signal
Pour ne pas inquiéter nos familles, nous appelons un ami, Adrien, en France, afin qu’il nous recherche sur internet quelques informations : La météo pour les prochains jours, différentes distances de lieux à partir de Hemmeldalen, ainsi que le numéro de Roar, notre dernier hôte auquel nous avions juste son adresse postale. Bien que Adrien fût en cours, celui-ci réussi à nous obtenir ces renseignements.
Après avoir établi une liste de questions à lui poser, nous appelons Roar sur son portable. Nous avons eu juste le temps de lui expliquer la situation que mon téléphone coupa. Plus de crédit et impossible de recharger sans en avoir.
A l’aide de la carte et des quelques distances que Adrien nous avait donné, nous triangulons notre position. Bien que la précision n’était pas fameuse, nous établissons une sorte de périmètre de l’endroit où nous devrions être. Le village le plus proche était Messelt, situé à environ vingt kilomètres à vol d’oiseau. Il nous fallait pour cela aller à l’Est Nord Est.
La météo pour les prochains jours annonçait à priori des nuages et brouillard pour le lendemain et de la neige dans les deux jours. Il fallait donc que l’on parte demain, en espérant que la visibilité ne sera pas trop mauvaise.
Nous faisons une petite check list de notre matériel et de nos vivres : Il nous restait deux jours de bois pour alimenter le feu que l’on pouvait faire pousser à quatre, quatre jours de nourriture en nous rationnant au maximum, des outils de diverses sortes trouvés dans la cabane, des planches et voliges, de l’eau en abondance (neige fondue), et un matériel de montagne adapté. Et le plus important, nous avions maintenant une direction à suivre.
L’espoir revenait peu à peu.
Nous partageons 300 grammes de pâtes agrémentées d’un ketchup Macdo. Jamais aucune pâtes ne m’ont paru aussi délicieuses je peut vous l’assurer.
Durant l’après midi, nous nous sommes organisés de la sorte : Pendant que François s’occupait de tenir le feu et de faire chauffer de la neige continuellement, cela afin de constituer des réserves d’eau, je m’attelais à la construction d’une paire de raquette chacun. En effet il était sur que nous ne pouvions pas progresser dans la neige comme cela ; Ajoutés aux sacs, nous pesions pas moins de 95 kilos chacun. Et la neige était tellement molle que nous allions recommencer à nous enfoncer comme hier. L’idée de fabriquer des raquettes est alors venu. Par bonheur la cabane disposait de tout le matériel dont j’aurais besoin.
La journée fila très vite. Dehors la tempête allait et venait par intermittence.
La fatigue se faisait sentir. Le stress, l’épuisement de la veille et la sous alimentation nous maintenait en un état de constante faiblesse.
Première paires de raquettes, ok. Je sortis dehors pour les tester. Ca avait l’air d’aller, on s’enfonçait un peu, mais ce n’était rien comparé à si il fallait marcher avec de simples chaussures.
Les raquettes de François posèrent plus de difficultés, n’ayant pas d’arrêtoirs à crampons comme sur les miennes, le système de blocage se devait d’être différent.
Deux heures passèrent. Je sortis dehors avec François pour les essayer une fois finie. Cela ne marchait pas, les chaussures sautaient de leur fixation.
Après quelques énervements et une heure de bricolage, nous remontons les tester. Houra ! Tout fonctionne !
Nous nous fabriquons chacun une paires de bâtons de neige.
Nous assistons au coucher de soleil sur le toit. Le paysage semblait irréel tout autour de nous ; nous nous sentions tellement petit face à cette immensité de blanc.
Les réserves d’eau que François avait fait semblaient suffisantes. Nous faisons cuire 400 grammes de riz et en mangeons la moitié. C’était drôle le sentiment que j’éprouvais à ce moment là, un peu comme lors de la veille d’un examen ou d’un rendez vous important ; J’avais en quelques sorte cette peur de ne pas être à la hauteur, d’échouer.
Nos affaires étaient presque entièrement sèches ; Nous préparons nos sacs et rangeons la cabane afin que tout soit près pour demain matin.
En nous glissant dans nos sacs de couchage, je m’aperçus à quel point la journée avait été épuisante. Notre organisation pour la « survie » en quelques sortes, nous avait contraint à nous organiser en tenant compte de nos priorités et de nos différentes possibilités. Il nous avait fallut garder notre calme et réfléchir ainsi en parfaite conscience des risques encourus en cas d’erreurs. Pour rajouter à cette fatigue mentale continuelle, nous avions beaucoup de choses à préparer telle que les raquettes et l’eau.
Je m’endors donc, milles pensées et questions me traversant l’esprit.
Quatrième jour : L’affrontement
Le réveil sonne à 6 h du matin. Dehors la tempête était présente. Nous attendons.
Vers 9 h, enfin, elle sembla se calmer. Pas le choix, il nous fallait partir.
Nous mangeons en silence le reste de riz, du fromage, des galettes de patate et du muesli. Il nous fallait le maximum d’énergie pour cette journée qui allait être déterminante.
Nous nous équipons, plions nos affaires, rangeons la pièce, répartissons le poids des sacs et laissons un petit mot au propriétaire afin de nous excuser du dérangement.
Ca a été un peu dur de quitter cette cabane qui nous avait peut être sauvé la vie. A l’intérieur, il s’était trouvé exactement tout se
qu’il nous fallait. Pas plus pas moins. Un peu comme si elle était apparue pour nous.
Nous enfilons les raquettes, prenons une dernière photo de notre refuge et, le cœur battant, partons.
Bien que nous avancions très lentement, nous ne nous enfoncions plus comme avant.
Un gros problème qui est vite devenu un véritable supplice, était la neige qui se collait sur le fond de nos raquettes. Au bout de 10 mètres, chaque pas que l’on faisait devait peser dans les 4 kilos chacun.
Au bout de une heure de marche, les muscles des jambes, peu habitués à de tels efforts, étaient en feu.
Un autre problème a été les différents lacs et rivières sur lequel nous marchions sans le savoir ; En effet la neige recouvrait absolument tout, et par moment le sol se révélait être de la glace ou encore des marécages assez profond.
Nous nous éloignions peu à peu de notre cabane, celle-ci nous apparaissant au loin comme un petit point perdu au milieu de nul part.
Il se mit à neiger. Dés lors, l’orientation se fit plus difficile. Nous étions obligés de contrôler notre direction tous les cent mètres afin de ne jamais nous éloigner du Est Nord Est.
Au bout de deux heures, une des raquettes de François eu un problème. Heureusement j’avais emporté quelques clous et se fus vite réparé.
La neige semblait être plus profonde mais nous progressons. Les raquettes étaient tellement lourdes, chaque pas était devenu un exploit. Nous étions obligé de les taper entres elles toute les dix mètres afin de décoller cette foutu neige.
Pour donner une idée de notre lenteur, en presque quatre heures, nous avions seulement avancé de quatre kilomètres. En gros, du un kilomètre par heure.
Le brouillard se dissipa l’espace de quelques instants et nous pûmes apercevoir une vallée au loin. D’après la carte et nos estimations, une route ainsi que plusieurs villages devaient s’y trouver. Mais cela restait encore tellement loin.
Nous commencions à redescendre et des petits ruisseaux et arbustes faisaient leur apparition.
Nous avions crus que la neige allait être moins profonde et collante, et bien non se fut l’inverse.
Arbres, marécages, neige, mares, rivières, telle était cette nature qui se formait autour de nous. Nous progression à travers ce labyrinthe sauvage en essayant de nous frayer un chemin parmi tous ces obstacles.
Plusieurs parties étaient épargnées par la neige, nous décidons alors de déchausser nos raquettes et de continuer à pied.
Bien entendu la neige était encore très présente, et pour cela il nous a fallu les porter.
Nous continuions donc, un poids de plus sur les épaules, nous déséquilibrant et nous meurtrissant les épaules.
Plusieurs fois j’ai eu envie de les abandonner afin d’aller plus vite, plusieurs fois je suis tombé à cause d’elle. François me disait qu’il serait imprudent de continuer sans, et que même si le fait de les porter était très dur, il fallait le faire quand même.
Heureusement que l’on à suivis ces conseils car plus d’une fois il nous à fallu rechausser afin de traverser un passage trop profond.
En mettant de côté le fait que nous étions perdu en pleine montagne, les alentours étaient vraiment splendides. Cela me faisait un peu penser au film « Into the wild », au moment où le personnage principal se trouve dans le nord, seul. Bon à la fin il meurt de faim, j’espérais quand même que l’on éviterait cette partie là !
Ma raquette droite commençait à prendre du jeu, je viens même à la perdre au beau milieu d’un marécage. Voila maintenant des heures que nous marchons, zigzagant à travers cette jungle d’éléments.
En plus de cette fatigue physique, mon moral semblait en prendre un certain coup. Aucun signe de routes ou de maisons. Parfois, la panique me submergeait, mais je n’avais pas d’autre choix que de marcher.
Une rivière assez importante nous apparu. Si il y a bien une chose que je savais, c’était que lorsque l’on se perd, suivre une rivière conduit à 90 % du temps à la civilisation. C’est ce que l’on a fait.
En traversant ce cour d’eau, une de mes raquettes se détacha et je la vis s’éloigner, emporté par le courant… J’avais envie de pleurer…
Ne pouvant continuer avec une seule, je détacha la deuxième et continua à pied.
J’avais oublié à quel point on s’enfonçait sans les raquettes, et bientôt, mes chaussures baignèrent dans l’eau.
Des empreintes d’animaux nous apparaissaient. Nous apprendrons plus tard que l’endroit où nous nous trouvions était occupé par des élans, des daims ainsi que des loups, des lynx et des ours. Heureusement, ces divers animaux étaient très craintif de l’homme, et ils ne s’en approchaient que très rarement.
Soudain, nous apercevons au fond une tour de guet de chasseur, construite dans un arbre. L’espoir me revint. Qui disait tour de guet, disait chasseurs et routes pas loin !
Une fois arrivé au dessous de cette tour, nous mangeons une petite barre de chocolat norvégien que l’un de nos hôtes nous avait offert.
Nous repartons plus déterminé que jamais. François quitta et abandonna ces raquettes afin d’aller plus vite. La neige était encore présente de partout mais nous avancions quand même. La rivière semblait prendre de l’ampleur. J’aperçus un tronc d’arbre coupé de la main de l’homme, nous étions plus très loin !
Quelques kilomètres après, un pont ainsi que un chemin se discerna d’entre les arbres. Mon cœur battait au plus fort.
Nous débouchons sur cette route de terre, épuisé.
Au bonheur ! Nous y étions arrivé !
Je rigole, gesticule, je ne croyais pas avoir jamais ressenti un tel sentiment de joie de toute ma vie.
Pourtant c’était juste du fait que nous allions continuer à vivre. Du bonheur pur peut être ? Simplement être heureux de vivre…
Un peu plus loin, sur notre belle route, nous tombons sur une caravane posée sur le côté. Elle était ouverte en plus. Il était 19h30 à se moment là et cela faisait plus de 9 h que nous marchions, sans pauses et nourriture. Nous décidons d’y passer la nuit.
Après un petit ménage de l’intérieur qui semblait être inhabité depuis quelques mois déjà, nous nous installons et mangeons un festin, à savoir trois galettes de patate et dix millimètres de fromage !
Cinquième jour : L’épuisement
Le lendemain matin, après une bonne nuit de repos, nous plions bagages et repartons sur notre nouveau chemin.
C’était marrant comme les paysages m’ont semblés tellement différents. La nature ne m’apparaissait plus du tout menaçante et c’était avec joie que je marchais. Nous étions quand même très faible et avancions très lentement.
Au bout de quelques kilomètres, nous débouchons dans un village de montagne. Il était inhabité.
Disposé au milieu de la forêt, celui-ci respirait un charme incroyable. Une petite rivière coulait au centre et chaque maison semblait faire partie de la forêt elle-même.
Plus loin, nous voyons une voiture garée devant un chalet. Nous allons sonner et une femme vient ouvrir. Quelle joie de reparler avec quelque un ! Bien qu’elle ne connaissait aucun mots d’anglais celle-ci nous montra sur notre carte où nous étions. Et bien pour une surprise, c’était une surprise !
Au lieu de nous trouver comme nous le pensions au nord de la route que l’on avait perdu, nous nous trouvions au sud de celle là. Heureusement la direction que l’on avait suivi nous avait conduit presque exactement là où nous voulions nous rendre. Un bon coup de bol !
La route principale se trouvait à treize kilomètres.
Nous marchons ces quelques heures en silence, en nous remémorant les péripéties de ces derniers jours. Cette expérience, bien qu’elle aurait pu vite dégénérer, a été une des plus belles que j’ai jamais vécu. J’y ai découvert tellement de choses, des faiblesses et des forces cachées au fond de moi-même. Je n’oublierai jamais ces moments là passés dans l’incertitude et la crainte, où le seul désir qui m’imprégnait était celui de vivre.
La route nous apparut enfin, grouillante de bruits de moteurs.
Arrivé au niveau de celle là, nous prenons à gauche et repartons sur notre chemin. Ce chemin de la vie.
Jérôme
Exiting to read! Looking forward to see you reach Nordkapp. -Hope you’re doing fine boys. Keep on!
salut les pigeons.cela fait lomgtemps que je ne vous ai pas donné de nouvelles de notre belle normandie.nous somment le 24 aout,et c’est encore une belle journéee d’éte que nous avons.2 mois, presque sans pluie,c’est génial.j’espere que pour vous ,tout va toujours pour le mieux.en lisant vos commentaires,je vois que ce n’est pas toujours facil.mais,je sais que vous avez une force d’esprit a toute épreuve.voilà les gars,je vous souhaite le meilleur pour la suite.bon courage a vous.odile et moi,pensons fort a vous.