Dans le mode de vie de nomade marcheur que j’ai adopté, laissez-moi vous parler de trois choses étant dure à vivre et dont j’arrive à ressentir le manque :
La première est la distance que j’ai pris avec mes proches ; J’ai la chance d’avoir une famille fantastique et aimante et des amis d’enfance à qui je confierais ma vie à n’importe lequel sans hésiter… Cet amour et amitié est le trésor immatériel le plus précieux à mes yeux et le quitter a été sans doute un des choix dont je savais très bien qu’il m’allait être difficile… Durant la première partie de ce voyage, de Lyon jusqu’au Cap Nord, j’ai vécu pendant dix mois avec la boule au ventre tellement par moment l’envie de tous les revoir me prenait, cela me volait l’instant présent que j’essayais désespérément de vivre et plus d’une fois des larmes venaient rejoindre les chemins herbeux, goudronneux ou sableux. Le dernier mois, après ma séparation avec François, j’ai marché mille kilomètres en moins de un mois, je ne voyageais plus pour la marche, ni pour les rencontres et les surprises, je marchais pour atteindre le but que je m’étais fixé pour ensuite revenir en France durant l’hiver. J’avalais les pistes et le bitume comme un forcené, pressé d’arriver et de finir cette première partie… Avais-je tort ou raison je n’en sais trop rien…Je suis donc revenus puis passa sept mois en sédentaire, profitant de ces dix mois d’absence afin de vivre en compagnie de tous ceux qui m’avais tant manqué…
Depuis mon nouveau départ, en solitaire cette fois-ci, j’ai réussi à mettre de côté mes proches, je leur ai dégotté un endroit confortable et douillet dans le fond de mon cœur; Désormais ils ne me manquent plus comme ils avaient pu le faire autrefois, ils sont à la manière d’une flamme olympique que je transporte avec moi, illuminant constamment mes instants de peur et de joies… Ils voyagent avec moi sous formes d’étincelles, de souvenirs et d’énergie.
La seconde chose est le manque de tendresse, pour ma part féminine je l’entend bien. Cela ne se limite pas forcément à une simple histoire d’instinctif besoin sexuel, non c’est plus un manque sous forme de câlins, de douces paroles, de chaleur corporelle, de présence apaisante, de moments et complicité érotiques… Le fait de vivre constamment dans la rudesse de l’environnement de ce mode de vie augmente considérablement se ressenti et il arrive par moment qu’il soit très dur à supporter. Pour pallier à ce problème il y a les rencontres occasionnelles que je peux faire de temps en temps ainsi que la masturbation.
La troisième et dernière chose, sans doute la plus importante, est le manque de construire et de partage. Se présente tout d’abord la construction matérielle, qui est de s’implanter quelque part, construire ou aménager son chez soi, posséder un art et s’épanouir à travers celui-ci ; Bien que j’apprécie énormément cette sensation je n’ai jamais de point de repère, de lieux familiers. Puis arrive l’immatériel, bien plus fort, étant de se fabriquer des souvenirs et une histoire avec amis et famille. Je suis conscient que je « loupe » des moments simples et importants avec eux, qu’il y aura un trou béant de quelques années dans le CV de l’amitié et de la famille, mais je l’accepte et apprend à vivre avec car je sais très bien que je reviendrais un jour, puis que le temps et la distance n’auront faits que renforcer et confirmer les sentiments que je porte à leur égards.
Le partage du bonheur est une affaire se traitant difficilement en solitaire… Des moments de bonheur intense, de surprises, de peur, de joies soudaines, de rires, tout cela arrive sans que je puisse le vivre avec une personne qui m’est chère et qui « survivra » dans ma vie. C’est dur, éprouvant, déstabilisant, écœurant parfois… Mais jour après jour je pense progresser à travers ce manque ; J’espère arriver un jour à pouvoir réellement apprécier un moment sans en avoir à ressentir le besoin de le partager avec quelqu’un ; Qui sait, peut-être que le bonheur le plus pur se trouve dans cette définition…
Au fil des mois j’avoue avoir été pour le moins assez surpris quand à l’apparition d’une passion et d’un besoin arrivant à combler chaque parcelle de manque à construire et de partage que je ressentais : L’écriture. Elle m’apporte tout à vrai dire… Je consigne mes jours, mes pensées mes réflexions. Plus que un moyen de donner des nouvelles de mon voyage c’est devenu quelque chose d’indispensable, me créant un formidable équilibre dans ma vie de nomade.
Pour ma part il n’y a pas d’écriture sans voyage et encore moins de voyage sans écriture.
En fait elle est devenu une de mes raisons d’être, un besoin secondaire étant devenu primaire ; Mes réponses se trouvent en grande partie dans cette discipline, je les découvrent en même temps que ma main glisse sur mes carnets.
J’en suis arrivé à ajouter une explication lorsque l’on m’interroge sur les raisons de mon voyage : « Pour laisser la plume me posséder »
Depuis la Russie une idée m’a saisi et la graine de cette dernière à germer d’une façon dont je ne m’attendais pas : Celle d’écrire et de publier le livre de cette marche. Ou plus exactement trois livres au total après mures réflexions… Ce projet constitue mon nouveau « fil d’Ariane » et il ne se passe pas une journée sans que j’y pense. Chaque mois désormais je vous livre un des chapitres de ce qui j’espère de tout cœur formera un jour un roman.
Mais finissons cette réflexion en laissant place à l’action :
J’arrivais à Mažeikiai en début de journée, une petite ville où il n’y avait pas grand-chose à voir. Un petit pépé m’accompagna sur deux kilomètres puis me guida jusqu’à la banque. Celui-ci repartit avec un grand sourire, content de sa bonne action de la journée. Je changeais mes euros contre des litas, la monnaie du pays qui prendra fin le premier janvier.
J’avais besoin d’une carte de Lituanie et ne trouvant pas de station-service je me rendis dans un centre commerciale ; Je fis choux blanc et alors que je me rendais à l’étage j’atterris aux boutiques sous vêtement féminin… Je ne vous dis pas à quel point je faisais tache ! A ma surprise toute les petites vendeuses sortirent, me parlèrent et après trente minutes de conversation, l’une d’elle m’emmena à une station-service où je pu trouver la carte que je voulais. D’autre assez détaillées étaient proposées, notamment celle d’un grand parc national au nord de la capitale. C’était complètement l’inverse de l’itinéraire que je comptais faire mais je l’achetais.
C’est beau par moment à quel point une toute petite chose comme celle-là peut absolument tout changer… L’effet papillon a de quoi fasciner…. Se dire que la plus infime bousculade du temps à le pouvoir de modifier absolument tout, se dire que arriver une seconde plus tôt où plus tard influence et modifie l’avenir en direct…Le voyage en constitue un terrain de jeu parfait pour réfléchir à cela. Que ce serais-t-il passé si je n’avais pas acheté cette carte ou encore si la vendeuse ne m’avait pas proposé de me montrer le chemin ? Il n’y a jamais de réponses à tout cela, il y en aura jamais et il n’en faudra jamais. Ce sont juste des toiles d’araignées qui se formes et en accroches d’autres sur le grand fil du temps… A la fin tout est relié, tout est composé, et lorsque on y regarde de haut le hasard en parait loin d’en être la cause…
Je partais à l’Est sur une nationale après une pause glacial sur un banc public. D’habitude j’évite comme de la peste ce genre de grosse routes au trafic abondant et dont le goudron fait office de papier de verre pour les pauvres semelles de mes chaussures, mais par moment il se trouve que je n’ai pas forcément le choix…
Rebelote le lendemain où je marchais toute la journée sur cette même route sous la grisaille et le vent. Pour couronner le tout je loupais une petite piste que j’avais repéré, ce qui me contraignis à rallonger de dix kilomètres supplémentaires… En marchant à la nuit tombante ce soir, cherchant désespérément de l’eau et un coin pour camper, j’étais en colère contre tout.. J’en avais marre de la météo, de rencontrer presque personne, de la monotonie de la route… Je gueulais dans l’obscurité… Cela me fis du bien. J’aperçut un petit chemin s’évanouissant dans le noir ; Il me mena à un coin de rêve, dans une clairière près d’une rivière. Je plantais la tente et fis un grand feu tout en mangeant une soupe de nouille. Les bruits de voitures disparaissaient pour laisser place à ceux de la nature; J’étais en paix et restais plusieurs heures à observer les flammes. Je me remettais ensuite à la flute, instrument que je transportais depuis des mois sans l’avoir vraiment utiliser.
Je m’endormais enfin au calme en me disant que une soirée dans la nature à le pouvoir de vider toute mauvaises pensées de la tête.
Je partis sous le brouillard et arriva à quitter la route pour deux jours à marcher sur de longues et sinueuses pistes à travers les campagnes. Il ventait très fort mais j’aimais cela ; Je traversais à plusieurs reprises des minuscules hameaux où l’avancée du monde semblait avoir été stoppé net dans son élan grandissant.
Les maisons et isbas de bois m’apparaissaient vraiment comme unique pour ce pays : Toujours en bois et matériaux de récupération, elles étaient colorées en bleu, jaune, rouge, verte, orange, parfois jusqu’à trois couleurs différentes distinguant le toit, les façades et les huisseries. Ces couleurs correspondent elle au niveau de cœur de chaque propriétaire ?
Je remarquais trois choses dont chaque construction était pourvue : Un potager, un puit et un ou plusieurs chiens. La première fournit légumes et fruits pour l’année que chaque personne conserve dans des bocaux en verre par centaine ; Cela montre l’âme resté très rurale et amoureuse de la nature des habitants; La deuxième comme j’ai pu l’apprendre plus tard est un peu le système de distribution de l’eau du pays, elle arrive sous canalisation à plus de dix ou quinze mètres sous terre (afin d’éviter qu’elle gèle) puis des percées sont faites pour chaque maison sous forme de puits et libre à eux ensuite d’installer des pompes reliées à l’intérieur ; La troisième, les chiens, sont une véritable plaie pour moi : D’une part lorsque je demande de l’eau ils ne font qu’aboyer rendant toute discutions très difficile, et d’autre part ils sont rarement attachés et je subis plusieurs « attaques » de leur part lorsque je passe près de leur territoire. Un peu effrayé au début je me suis vite habitué à leur façon de passer à l’offensive et je dois dire que j’ai acquis désormais une très bonne dextérité au maniement du bâton, au lancer de pierres et la psychologie canine !
A la fin de la deuxième journée, n’ayant croisé que deux voitures depuis le matin, je m’arrêtais en contemplant un spectacle inattendu : Une centaines d’hirondelles volaient au-dessus de moi et effectuait un véritable ballet ; Tout était coordonné, tout n’était qu’improvisation, tout n’était que beauté. Cela faisait des piquées, cela se séparait puis refusionnait ensuite ; L’ensemble semblait être reliés par une pensée commune et il émanait de ceci une grâce fantastique. Le fait d’assister à leur danse me donnais cette impression d’être un privilégié, que tout avait été orchestré pour ce moment précis à cet endroit précis. Nous, faible humain que nous sommes, mettons des mois en répétitions pour arriver à produire rien que un fragment de ce que ces oiseaux étaient capable de faire à l’instant présent, ces oiseaux reliés par une chose nous dépassant complétement.
Au bout de quinze minutes ils me survolèrent une dernière fois à la manière d’un salut et partirent pour de meilleurs horizons. Je restais immobile quelques instants, tiraillé par une formidable envie de grimper sur l’arbre le plus proche pour tenter de m’envoler à leur rencontres.
Je campais dans un bosquet de sapin, le vent hurlant et couchant ma tente de toute sa majestueuse force. Je mangeais un bout de lard, du pain et du fromage en lisant un Jules Verne.
En me levant ce 17 novembre 2014, cela faisait exactement deux ans depuis mon départ de France… Au total, 18 mois de marche, 9134 kilomètres parcourus, 10 pays traversés…. Les chiffres commencent à m’indifférer, ils sont pour ceux qui courent à la poursuite du temps ; Ce temps, j’ai réussi à le distancer. A vrai dire si je regarde encore l’horloge maintenant c’est bien pour savoir combien d’heures il me reste avant la nuit.
Parfois j’aimerais me lever le matin en n’ayant pas la pensée de l’inévitable ligne d’arrivée de mon chemin ; J’aimerais que le chiffre du reste de mes kilomètres à marcher soit infini ; J’aimerais commencer chaque journée en ne sachant pas que la boucle finira par être bouclée un jour.
Et combien de temps me reste il en fait ? A vue de nez environ neuf mille kilomètres… Peut-être encore deux ans voir plus, voir moins… Qu’importe !
J’essaye par moment de me rappeler le jour de mon départ ; Avais-je les mêmes attentes ? Le même état d’esprit ? Le sentiment que ce voyage se transformerais peu à peu en mode de vie ?
Je me souviens lorsque après mon retour en France l’hiver dernier, à quel point l’inconnu me manquait, que la marche me manquait, en fait que tous me manquait… J’avais beau essayer d’essayer de reproduire par de futiles subterfuges quelques-unes des émotions que j’avais pu ressentir dans le dénouement total qu’avais été ces derniers mois, cela ne faisait état que de piètre figure. Cela fait sept mois maintenant que je suis repartis de l’endroit où je m’étais arrêté et que je suis sur les chemins de l’Europe en solitaire ; Je réalise que j’ai mis très longtemps à accepter ma solitude et à l’avoir en alliée et amie. Ce qu’elle m’a fait et continue à me faire découvrir dépasse tous ce que j’avais pu imaginer ; En fait je crois qu’elle m’apporte un équilibre dont je n’avais encore jamais connu…. Ce simple fait de posséder cette extrême liberté d’action et de pensée m’a obligé à me construire une tout autre mentalité : Je pourrais dire les mots « maturité » ou encore « sagesse d’esprit » mais cela serais faux ; Je suis à mille lieux de ces définitions et n’en désire pas les connaître avant longtemps ; La vie est bien trop courte pour oser se laisser tenter par ces petites dernières.
Mais disons que vivre et ressentir expériences sur expériences en étant seul offre la possibilité de s’éprouver, de se sentir non pas exister à travers les autres mais en soi-même. Je remarque que le bonheur devient infiniment plus réel lorsque celui-ci découle de ma personne. Cela créer alors cette « maturité » dont je vous parle, une compréhension et un équilibre intense en son propre cœur.
Par moment je me rend compte que mon véritable voyage a commencé depuis mon nouveau départ en Finlande. La marche avec mon compagnon jusqu’au Cap Nord a constitué une sorte de formatage, une belle remise à zéro, une gifle sur tout ce que l’on m’avait appris et qui m’apparaissait faux, un rodage m’ayant préparé à cette vie de loup solitaire. Comme le dit un certain petit jedi vert maniant le sabre laser à la perfection : Pour apprendre il faut parfois désapprendre.
Le voyage à deux ou à plusieurs est formidable, il apporte énormément mais il empêche aussi de vivre beaucoup de choses essentielles.
En fait la marche avec compagnons est un moyen d’être soutenus, de garantir une sécurité et de construire et partager une histoire avec un autre, tandis que la marche solitaire est une mise sur la durée, l’équilibre et la découverte de soi-même. Il est bon je crois d’avoir eu des expériences dans ces deux cas ; Chacune apportant à l’une se que l’autre ne peut offrir.
Je me rendis à la bibliothèque afin d’y passer ma pause au chaud ainsi que pour avoir internet. Je réussi à parler avec mon ancien compagnon François, toujours dans sa belle Finlande. Ensemble nous écrivons un texte et le publions sur notre page facebook. J’eu un peu de mal à jongler avec les évènements car en plus d’écrire, de faire des demandes couchsurfing pour mon séjour à la capitale, de faire du tri du photos, de me faire une lessive de chat dans les toilettes, de renouveler mes réserves de PQ ainsi que de charger mes appareils, la bibliothécaire parlant quelques mots d’anglais m’avait invité à boire le thé et elle se révéla être une mine d’informations pour moi, pauvre touriste débarquant en Lituanie sans connaître grand-chose du pays.
Je quittais dans l’obscurité le village de Meskuiciai (Prononcer « Maichkouitsiai ») puis établi mon bivouac dans un champ pas loin.
Au réveil j’eu une surprise : Le soleil était revenu. Cela faisait plus de deux semaines que j’étais privé de sa douce compagnie et je me rendais vraiment compte maintenant à quel point il m’avait manqué. Ces rayons, aussi doux que le cou d’une femme au réveil, chassait l’ombre de l’amertume et du doute plannant autour de moi depuis quelques jours ; Je regagnais tout d’un coup une confiance innée en la vie.
Je partis à l’aurore, motivé comme jamais ! Et quelle journée se fut : Deux petites biches me sont apparus à quelques mètres, un avion d’amateur s’amusait à faire des acrobaties dans le ciel, des moutons et leurs bébés m’ont fait craquer, un cheval est devenu mon ami le temps de ma pause et puis les habitations, la nature, les gens, tous resplendissaient autour de moi ! Je marchais comme à l’accoutumé, sur des chemins traversant champs, forêts et villages et j’étais bien. Les pensées revenaient au triple gallot, comme pour rattraper leur absence des derniers jours.
Je tirais l’eau d’un puit d’une petite vieille et marchait jusqu’au soleil couchant, ce dernier marquant l’heure de me trouver un coin dans la forêt. Cette nuit le thermomètre passait enfin sous les zéro, il était temps.
Cinq kilomètres après le réveil et le café matinal je débarquais à Pakruojis, une petite ville ou plutôt un grand village.
Depuis quelques temps le doublage intérieur de mes chaussures au niveau du talon s’était percé et je l’avais réparé, faute de matériaux plus appropriés, en collant des bandes de chambres à air assez fines que j’avais trouvé sur le bord de la route. La chose imprévu fut que le caoutchouc me colorait chaussettes, semelles et pieds, si bien que chaque journée je me retrouvais avec la peau toute noir ! Un vrai pied noir !
En parcourant la rue principale je tombais sur une petite cordonnerie où je pu me procurer pour quelques litas de belles chutes de cuir convenant parfaitement à ma futur opération.
Tout content de ma trouvaille je cherchais une banque pour changer mon dernier billet d’euro car mon détour dans le parc national allait augmenter de plusieurs jours mon trajet. En faisant la queue au guichet, un gars visiblement curieux de mon accoutrement, engagea la conversation. A la fin, en partant il me dit vouloir contribuer à mon projet et me tendit un billet de cinquante litas ( treize euros), ce qui, lorsque l’on prend en compte le salaire moyen d’un lituanien (environ 300 euros), constituait une somme plutôt importante. Je refusais poliment en lui faisant comprendre que je n’acceptais jamais d’argent. Il fut surpris et me souhaita bonne chance.
Je fis un petit tour à la bibliothèque, qui de plus en plus me semblait à chaque fois faire partit de l’école des villages ; Presque toujours c’était de joyeux visages d’enfants me dévisageant sans pudeur et sans jugements ainsi qu’une invitation au thé et café par la bibliothécaire ou la maitresse. D’ailleurs à ce propos laissez-moi vous mettre en garde contre un fléau que seul la Lituanie a été capable d’inventer : Le café ! Pour une raison qui m’échappe la seule sorte disponible ou plutôt qui est utilisé est celle normalement prévue pour les cafetières à filtres, ce qui a pour conséquence qu’il est servi dans de petites tasses où de beaux « grumeaux » flottent littéralement. Je ne bois plus de café je le mange… Après de nombreuses tentatives pour trouver une solution, la seule vraiment efficace fut de patienter quinze minutes afin que le « café » coule au fond mais cela reviens à l’avaler froid. Boire ou le manger il faut choisir.
Ce jour-là j’entrais dans une salle informatique ou cinq jeunes adolescents étaient en train de jouer en ligne à des jeux d’aventures et de guerre ; Je ne vous dit pas l’expression de leurs yeux lorsqu’il détournèrent leurs regard de l’écran et m’aperçurent moi, mon énorme sac à dos, mon chapeau, mon grand bâton et l’odeur forestière allant avec ! Ce fus un peu comme si leur jeu devenait brutalement réalité.
Petite crise de bonheur en quittant le village… Je chantais du Joe Dassin en faisant tournoyer mon bâton sous le regard curieux de quelques paysans et grand-mère d’un hameau. Les tracteurs revenaient des champs, les piliers de comptoirs du bar, les enfants des cours, et les grand mères des bancs.
Après quelques notes de flute auprès du feu, je m’attela à la réparation de mes chaussures à la lueur des flammes. Découpage du cuir, essais à blanc, collage à la super glue, test, sourire, dodo ; Je pense que j’aurais fait un bon cordonnier.
Au matin, après un petit déjeuné composé de quatre énormes biscuits russe de cinquante grammes chacun, je partis sous un fabuleux moral ; Les températures baissaient, les nuages étaient revenus et je marchais quinze kilomètres sans en voir la couleur tant je restais plongé dans ma tête. Les pensées et réflexions étaient à leur paroxysme, je m’arrêtais tous les cinq cent mètres pour les écrire.
Coucher une pensée sur papier au moment où elle vous traverse l’esprit c’est la comprendre enfin, c’est une assimilation direct dont la provenance n’est rien d’autre que votre personne.
J’étais devenus un pêcheur faisant une prise miraculeuse. Quelque chose s’imbriquait en moi, une pièce maitresse d’un puzzle se dévoilait, tous pleins d’éléments se reliaient soudainement entre eux pour former une réponse dont je ne m’étais pas formulé la question : Depuis que j’avais eu ce projet de livres, ma vision de tous les jours avait pris une intensité plus forte, j’avais augmenté considérablement la taille de mon journal de bord et de mes récits (désolé pour ceux qui n’aiment pas forcément trop lire !), je prenais un plaisir fantastique à écrire chaque mois mais pour aller plus loin je portais plus d’attention aux détails pertinents, aux paroles prononcées, au sens de chaque évènements… A force d’avoir constamment cela en tête, mon esprit s’en était paisiblement habitué et cela devenait maintenant automatique et naturel. Cette marche m’offrait un cadeau dont je mis longtemps à le déballer : Le pouvoir innée de l’écriture.
Voir le monde et sa vie comme si on en écrirait les chapitres, voilà un autre de mes secrets que je découvrais.
J’arrivais au village de Pusalotas puis trouvais non sans mal la bibliothèque en me faisant indiquer l’école.
La bibliothécaire, Vera, fut vraiment marante avec moi : Elle ne parlait que lituanien mais voulu absolument communiquer avec moi. Elle appela au téléphone Zita, apparemment l’ancienne institutrice de Français étant à la retraite, puis celle-ci arriva dix minutes plus tard en étant toute heureuse de pouvoir reparler cette langue de Molière qu’elle aimait tant.
On discuta beaucoup, surtout des différents problèmes que subissaient les petites écoles de village :
« Il y a cinq ans, deux cent cinquante élèves étaient présents ici, aujourd’hui il n’en reste que vingt-cinq… La plupart des familles, fautes de trouver un travail, ont toutes déménagé pour les villes.
En fait en Lituanie il devient très dur de trouver un travail, les jeunes font tout pour partir à l’étranger afin de mieux gagner leurs vies ; Pour dire plus de un tiers des trois millions d’habitants vivent en dehors du pays.
Tu as bien dut te rendre compte que le niveau de vie reste très chère en comparaison à nos salaires ; Le chômage existe à peine et les retraites ne suffisent pas, moi par exemple je considère toucher une très bonne retraite après quarante-quatre ans travaillés : 300 euros ; Normalement cela tourne plus au niveau de 100 à 150 euros… »
Zita me fit ensuite visiter toute l’école, je pu observer les salles de classes vides, des pupitres de bois que je n’avais pas vu depuis ma petite enfance…
« Des élèves sont en train de répéter pour le spectacle de noël, tu veux aller les voir ? Tu pourrais ensuite te présenter et leur faire une petite représentation de un de tes talents ! »
Eu….. Ok c’est partis pour l’harmonica !
J’assistais donc au spectacle de ces vingt-cinq enfants ; Toutes les mères et grand-mère étaient là et ce fut vraiment très beau ; Ils s’étaient construits à l’occasion des déguisements très joliment fabriqués. Une chorale des adultes suivi puis vint mon tour de passer sur scène ; Un peu le trac au début devant la quarantaine de personnes me regardant, mais je me lançais et leur joua quelques belles musiques que j’appréciais. Je terminais par chanter une de mes chanson préférée :
♫ Love c’était son nom la lala lala lala
Un vagabond qui vivait de soleil, d’espace et de chansons…. ♫
J’eu de beaux applaudissements pour moi et mes joues devenues toutes rouges puis au moment de me présenter devant cette petite foule, j’eu un brusque arrêt sur image et repensais aux réflexions de cet après-midi : Je regardais le moyen que j’avais trouvé pour pallier au manque de construire et de partage, je regardais la plus grande finalité de mes inspirations, je regardais ce qui m’apportait à la fois équilibre et développement intérieur… La réponse se fit claire dès cet instant, tout semblait découler d’un prolongement naturel ; Je n’étais plus menuisier de métier ou encore moins agenceur, non ce que j’aimais c’était marcher sur les chemins du monde en acceptant et en vivant l’imprévu, c’était vivre la vie dans sa plus belle intensité sans en perdre une miette, c’était écrire des lignes faite d’encre et de passion, c’était les mots et les phrases dont leur puissance me fascinait…
Pour la première fois de ma vie je me présentais de la sorte :
« Bonjour je m’appelle Jérôme et je suis marcheur-écrivain »
Une fois sortis de la salle, chacun des enfants ont tenu à faire une photo avec moi ; Ils me demandèrent mon site internet, et en levant la tête après l’avoir écrit sur un papier, je découvris vingt-quatre autres petits papiers tous tendus dans ma direction…
Zita me remercia chaleureusement d’être venus, c’était plutôt à moi de la remercier…
Elle me dit quelque chose qui me troubla :
« Mais je ne comprends pas, notre village est si petit, nous n’avons pas de restaurants, pas de bars, même pas d’hôtels…Pourquoi être venu jusqu’ici ? »
« Afin de permettre cette rencontre… » je lui répondais.
Je partis à la nuit puis plantais la tente un peu plus loin. Au réveil, malgré l’heure j’eu l’impression qu’il faisait encore noire… J’ouvrais ma « porte d’entrée » et découvris deux centimètres de neige sur la toile de ma tente ! Et il continuait à neiger.
Le paysage changeait brutalement de tons et je redevenais l’espace de quelques minutes un petit enfant en essayant de gober quelques flocons.
Je marchais durant deux jours dans de beaux espaces blancs, me perdant un peu par moment lorsque je coupais à travers la forêt. Le froid et la neige n’était pas très intense et les nuits restaient très confortable.
Le soleil revint un matin où je découvris que ma tente avait bien gelé durant la nuit ; Même les arceaux semblaient soudés entre eux !
J’arrivais au village de Svédasai, après quelques inévitables kilomètres sur une longue route.
Après quelques courses je me rendis à un centre culturel désert où la bibliothèque se révéla fermé. Mon thermomètre marquait les moins huit degrés, cela voulait dire bien dans les moins dix durant la nuit…. Un peu hésitant au début je décidais de passer la nuit dans ce centre. En catimini je dégottais dans le coin vestiaire une place parfaite à l’abri des regards. Deux heures plus tard j’entendis des personnes arriver et n’ayant pas vus que l’allumage central se trouvait juste au-dessus de ma tête, on me découvris.
« Tu veux faire un ping pong avec nous ? »
Et c’est comme cela que je me retrouvais avec une bande de jeunes plus ou moins imbibés d’alcool venu passer la soirée dans la salle en attendant sa fermeture.
Un peu plus tard on me présenta au gardien qui après quelques hésitations, m’autorisa à rester pour la nuit. Et il y avait même une salle de bain !
Grosses douleurs sur le dessus de mes deux pieds ce soir lorsque j’ai enlevé mes chaussures ; C’était très gonflé et marcher pieds nue bien douloureux. Je me rappelais alors quelques jours auparavant lorsque j’ai sauté cinquante centimètres d’un muret… Avec un sac à dos de vingt-cinq kilos c’était pas très malin d’avoir fait ça…
Je passais donc une bonne nuit au chaud puis restais une petite heure le lendemain à la bibliothèque ; Je n’avais toujours pas encore trouvé mon couchsurfing et je devrais sans doute retrouver internet les prochains jours. Après un pti dej passé avec la bibliothécaire et ces amis je partis sur les pistes gelées. Les températures descendais de plus en plus bas et je devais désormais me faire des feux à chaque pauses. Je trouvais aussi une nouvelle méthode pour mon eau qui gelait : Je n’en portait plus sur moi. Je me contentais d’utiliser de la neige pour la boisson chaude du midi et cela m’économisait plus de un kilogramme !
J’arrivais le lendemain à Užpaliai, où je fonçais directement à la bibliothèque ; Et c’était bon pour le couchsurfing ! J’avais même une adresse afin de me faire livrer ma carte bleue !
La sonnerie de la pause retentit et ce fut pratiquement cinquante enfants qui débarquèrent dans la salle, ceux-ci ayant eu vent de la venue d’un français qui marche. Photos, discussions, questions, écriture sur le livre d’or ainsi que un résumé pour le journal local, et j’embarquais même trois petits rebelles sur cinq cent mètres.
A la tombée de la nuit en demandant deux litres d’eau, un gars me dit d’attendre et revint avec un quart d’ananas, une énorme cuisse de poulet et quelques tranches de pains. Mon estomac hurla sa joie plus que mes paroles le furent.
Petite tragédie quand même ce soir, le zip de la fermeture éclair extérieur de ma tente cassa ; Heureusement j’en avait un de rechange mais la réparation me prit une heure sous moins neuf degré.
Sur la piste du lendemain je rencontrais une étrange personne ; Elle s’appelait Marma, avait soixante-dix ans et se rendais à sept kilomètres de là à pied pour donner une conférence à une école. Elle parlait anglais à mon grand étonnement et même si notre échange a duré simplement quelques minutes il m’a été très touchant.
« Merci ! Grace à toi je suis heureuse, lorsque je vais retourner chez moi ce soir je vais téléphoner à ma famille et leur dire que je t’ai rencontrer »
Et elle s’en alla s’en se retourner…
Quatre cent mètres plus loin, en arrivant aux abords d’un hameau de quelques maisons, un ange passa : Une jeune femme à la chevelure blonde et la taille fine courait dans la rue et s’arrêta devant moi :
«But….But who are you and what are you doing there ?!! (Mais…Mais qui es-tu et qu’est tu fais là ?)
Après une rapide présentation de ma personne je la vit sourire et rigoler :
« Wahou that’s amazing ! Sorry I’ve been rather surprised when I saw you like that, We don’t see many people there usually, especially in wintertime; Maybe you want a cup of tea in my sister house?” (Wahou c’est incroyable ! Désolé mais j’ai été plutôt surprise quand je t’ai vu; On ne voit pas beaucoup de gens ici, surtout en hiver ! Peut-être que tu veux prendre un thé dans la maison de ma sœur ?)
Zy, 28 ans, était une journaliste spécialisé dans les reportages de voyage ; Elle me présenta à sa sœur de 42 ans qui me prépara un fameux lunch. Je restais en tout pour tout plus de deux heures à discuter avec Zy sur nos expériences de voyages, sur son boulot, sur sa vie en Lituanie. Elle habitait normalement la capitale lorsque elle n’était pas à l’étranger et passait le reste de son temps à aider sa sœur. Cette dernière était dans une très mauvaise passe : Son mari était décédé l’année dernière et elle se retrouvait avec deux enfants et une ferme de cent bêtes à devoir faire tourner toute seule… Les dettes s’accumulaient et elle devait travailler constamment plus de treize heures par jour sans sourciller…
Je finis par partir bien ému puis arrivais à la nuit au village perdu de Tauragnais où je me devais de trouver internet afin d’envoyer un mail au SAV de ma tente afin qu’il puisse m’envoyer quelques pièces de rechange à Vilnius. J’avais une adresse pour me faire livrer autant en profiter !
Un grand père qui passait dans la rue en vélo m’informa que tout était fermé à cette heure mais me dis avoir une idée ; Il me conduisit au bâtiment communal où une employée du nom de Danguole était encore présente. Un peu effrayé au début elle appela une collègue qui parlait anglais et après avoir été rassuré sur ma personne, elle me proposa d’utiliser son wifi. Trente minutes après j’avais finis ; Je m’apprêtais à partir lorsque que l’on me posa la question qui annonce généralement une nuit au chaud :
« Mais tu vas dormir ou ? »
« Eu… je ne sais pas encore, surement dans la forêt… »
« Mais ils ont annoncé moins quinze degrés pour cette nuit !! ….. Si tu veux tu peux rester dans mon bureau et dormir sur le canapé »
Danguole m’apporta café et sucreries puis une heure après elle revint avec son fils de trente-trois ans : Mantas. Il voyageait à peu près les trois quart de l’année partout dans le monde en travaillant un peu dans ce qu’il trouvait sur son chemin ; Et il revenait généralement l’hiver à son village natal afin de voir sa famille et les aider aux diverses taches. Il m’apporta un gros plateau repas que sa mère avait préparé à mon attention puis me souhaita bonne nuit.
Encore tout abasourdi de toute ces rencontres de la journée je pu utiliser le reste de la soirée à faire un peu de couture puis à skyper quelques amis.
Après donc cette douce nuit au chaud Mantas et Danguole arrivèrent pour me mener chez eux. On prit ensemble le petit déj et je restais encore quelques temps à parler avec Mantas qui se révéla être un passionné de plongée sous-marine et kite surfing ; Il nourrissait ces passions à chacun de ces voyages et semblait vraiment apprécier cette vie sans trop d’attache. On parlait ensuite du « prix » de chaque mode de vie :
« J’ai choisi cette vie en sachant très bien ce que je ratait et ce que je gagnais ; Bien sûr c’est dur de ne voir sa famille qu’une fois par an ou encore d’avoir ces amis éparpillés au quatre coins du globe mais je réalise vraiment ce que j’aime et cela fait du bien de se dire que ma vie n’est pas simplement dictée par des schémas… Ma mère dans sa sédentarité est consciente aussi des pours et des contres, mais comme moi elle aime profondément ce qu’elle fait et elle ne cherchera pas à changer là-dessus »
Je restais encore un peu mais le soleil resplendissant qui me narguait m’obligea à prendre congé de ces merveilleux hôtes.
Avant de partir Mantas me fit savoir qu’il avait parlé de moi à sa sœur vivant à Vilnius et que celle-ci, folle de voyage aussi, serait très intéressé de me rencontrer. Histoire à suivre…
Le parc national commençait vraiment quelques kilomètres à la sortie du village. Je sortis la carte avec l’itinéraire plus ou moins théorique dont j’avais réfléchi ces derniers jours puis quittais les sentiers battus pour m’aventurer dans le « bush ».
L’échelle 1/100 000 ème possède l’avantage d’avoir une hauteur de vue sur l’environnement assez globale et précise et de ce fait de pouvoir couvrir bien cent kilomètres de long, mais son inconvénient est que la précision laisse bien à désirer notamment pour les tracées des petits cours d’eau et sentiers forestiers.
Boussole en main je traversais des étendus herbeuses glacés, des forêts de sapins dont leurs densités si importante m’obligeait à suivre aveuglement un azimut sur plusieurs kilomètres, des anciennes pistes de bucheron. C’était très fatigant car il n’était plus question de se laisser porter par des chemins, je devais me concentrer à chaque moment, faire le point de ma position toute les dix minutes. Les lacs me servaient de repères mais leurs formes était telle qu’il était difficile de déterminer lequel était le bon… Mais j’apprenais, me perdait un peu, retrouvais le bon chemin. Des renards et lièvres m’offraient distraction en s’enfuyant à mon approche bruyante.
En fin de journée je réussi non sans mal à atteindre le hameau de Labanoras. Je plantais la tente sous des pins et m’aperçus que la température était tombée sous les moins dix degré. Les feux ne se font plus de la même manière car le bois est complétement gelé ; J’apprenais des techniques par moi-même, j’aimais cela.
Tout gelait, le cuir de mes chaussure au matin, l’eau de mes bouteilles, la toile de la tente, les fermetures éclaires, mon sac de couchage… Qu’elle impression c’était dit donc !
La nuit fut fraiche et je repartais le lendemain pour une journée orientation où la distance à traverser était trois fois supérieur à celle d’hier. En traversant les quelques maisons du village, un cri d’horreur et une odeur reconnaissable m’informa que quelques personnes étaient en train de tuer le cochon. Miam !
Je me renfonçais dans le sauvage.
Elle était belle cette sensation d’être si vulnérable et libre dans cette nature sans lois. Il faisait moins douze degrés, un temps magnifique et l’air était sec comme je l’aimais. Epuisé après près de trois heures de crapahutage dans ces forêts enneigées je me posais près d’un lac qui semblait s’être solidifié durant ces derniers jours. Un feu me réchauffa et un café étancha ma soif. Je me promenais un peu sur cette immensité gelé… Cela semblait tenir !
Et puis mon bâton se trouva une nouvelle capacité d’utilisation comme pic à glace afin de la percer pour obtenir de l’eau. On arrête pas le progrès !
Une heure après je trouvais un autre lac dont je marchais jusqu’à son milieu ; J’entendais par moment la glace craquer, mon cœur battait comme jamais il n’avait pu le faire auparavant mais qu’est-ce que je me sentais vivant dans cette fragilité !
Puis je m’égarais car ma carte manquait pas mal de précision et surtout moi d’expérience… Il était trois heure de l’après-midi, soit encore une petite heure de jour. J’avais dépassé plusieurs lacs et tout autour de moi n’était que neige et marécages gelés… Je forçais le pas mais mon avancée était très lente, je commençais à transpirer et cela gelait en quelques minutes ; Je cherchais désespérément un repère. J’essayais de réfléchir posément puis après plusieurs acrobaties dans cette broussaille je tombais sur un sentier dont sa direction m’était favorable. Trente minutes plus tard une lueur d’une maison m’apparut et je pu me localiser. J’établi le campement sous de gros résineux puis me hâtait car le mercure était brutalement tombé à moins quatorze.
Je devenais une machine à monter les camps : Faire une énorme réserve de bois, couper des branches de sapin pour en faire un matelas d’isolation, monter la tente dessus, rentrer les affaires à l’intérieur, protéger les batteries du froid, faire le feu, le repas, le thé et enfin rentrer dans le sac de couchage pour presque quinze heures d’attentes…
C’est très éprouvant mais chaque jour, chaque action et chaque répétition me permet d’apprendre quelques chose de nouveau au niveau de la survie. Moi qui croyait tout connaître la dessus je m’aperçût que je commençais simplement ce long apprentissage…
Je m’imposais une discipline étant basée sur la phrase : Tout mouvement est une dépense d’énergie et toute énergie à le pouvoir de procurer une chaleur ».
Je restais chaque soir plusieurs heures autour du feu ; Il était impressionnant de se tenir en sa compagnie dans de telles températures. A chaque fois que la flamme vacillait le froid arrivait telle une lame tranchante.
Une fois rentré dans ma tente je n’en ressortais plus avant le matin ; Je pissais ouvertement dans l’abside, de toute façon tout gèle…
Je m’endormais ce soir dans ce silence de glace en me faisant la réflexion que je m’étais jamais sentis aussi vivant de toute ma vie au cours de cette journée.
La nuit fut glaciale, peut-être dans les moins seize degrés mais mon sac de couchage remplis son rôle à merveille.
Comme d’habitude mes chaussures étaient dure comme de la pierre et je mettais bien cinq minutes à les enfiler… Surtout que mes douleurs aux pieds se faisaient particulièrement douloureuses dans ce mouvement.
Je rallumais le feu, fis bouillir ma casserole dont j’avais préalablement vidé à l’intérieur le reste de mon eau la veille au soir et me réchauffa plusieurs minutes.
Le gel est génial pour une chose c’est que l’humidité disparait complétement ! La tente se plis très rapidement et le campement encore plus !
Je fis des réserves d’allume feu en écorces de bouleau puis quittais les lieux en remerciant les lieux de leur accueil chaleureux.
Je remarquais que les poils du nez gelaient à partir de moins douze ; Les cils semblent être plus résistant.
J’étais partis pour une bonne journée malgré les nuages mais comme toujours le destin est toujours en train de conspirer derrière votre dos aux moment les plus inattendus.
Alors que je suivais un petit sentier pas très rassurant j’arrivais devant un ensemble de maisons et caravanes où plusieurs personnes présentes dehors m’abordèrent.
Un seul parlait trois-quatre mots d’anglais et ils m’invitèrent à entrer me réchauffer chez l’un des leurs.
Le groupe se composait de trois pépés et le reste en jeunes de plus ou moins vingt-cinq ans ; Un peu méfiant au début je décidais de leur faire confiance et ne fut pas déçu.
Bien sûr je me fis encore avoir avec leur satané café. On me proposa de rester pour la journée et la nuit afin de me reposer. J’eu pas mal d’hésitations car j’avais à peine marché une heure mais je finis par accepter. Un peu de repos me ferait le plus grand bien.
Pour un meilleur échange ils firent venir de je ne sais où la sœur de douze ans d’un des gars qui parlait un peu mieux l’anglais.
Et paf il sortirent l’eau de vie, deux kilos de porc salé, un grand couteau et des shooters ! La journée risquait d’être longue…
Je sortis l’harmonica, ils se mirent à danser, on trinquèrent, on fit des bras de fer, on m’initia aux techniques de free fight…. Rosa, la petite fille, me fis vraiment sourire d’en sa façon d’être parmi toute cette équipe de bras cassés ; Elle ne se laissait jamais faire et possédait un caractère qui la fera sans doute aller très loin.
Cette dernière s’absenta quelques minutes puis revint en me tendant un paquet :
« Je viens de parler de toi à ma grand-mère et elle t’offre ceci, elle les a cousu elle-même et elle te souhaite bonne chance »
J’ouvris le paquet et découvrais de magnifiques chaussettes en laine ainsi que de jolis petits gants… J’étais sans voix…
« Aller viens on va au banya ! » me dit l’un d’eux.
Je montais dans leur fourgon puis on se rendis en moins de dix minutes dans une petite cabane transformé en sauna ; Les pierres étaient chaude et le feu tournait à pleins régime. Comment cela était possible je ne le saurais jamais.
Moins quinze degré à l’extérieur, soixante-dix à l’intérieur…Il n’y a pas de mots pour expliquer ce sentiment de sortir à poils dehors tout bouillonnant puis de rentrer ensuite dans la douce fournaise en compagnie de cinq lituaniens bourrés. Cinq jolies lituaniennes dans leur plus simple appareil auraient été préférable mais ça sera pour la prochaine fois je l’espère.
En rentrant, l’alcool et le sauna faisant leur effet, je m’endormais sur le lit et me réveillais complétement à l’ouest trois heures plus tard. Ou étais- je…? A oui les lituaniens, l’eau de vie, le sauna !
Mais plus personne était là, seul restait Ignas, le propriétaire, et celui-ci dormait bruyamment en regardant la télé.
J’étais sur le nuage de l’après-sieste ; Je but thé sur thé tout en rêvassant tranquillement. J’étais un peu triste de ne pas avoir pu dire au revoir à tout le monde.
Je n’étais plus fatigué et j’eu une formidable vague d’inspiration qui me fit écrire pratiquement jusqu’à quatre heure du matin.
Ignas se réveilla le lendemain, il me fit comprendre que le reste de la bande était repartis à la capitale.
Deux heures plus tard j’arrivais à Joniškis, où je pus me ravitailler en lard, fromage, biscuits, pains et pates. Pourquoi je n’arrive pas à me lasser de ces ingrédients constituant le gros de mon alimentation ?
En voulant me rendre à la bibliothèque afin de passer une petite heure au chaud, je rencontrais la prof d’anglais dans la rue du nom de Edita qui m’informa que sa serait fermé aujourd’hui.
« Mais si tu veux tu peux venir à la fête de l’école ! »
Je la suivis donc et après une présentation à quelques professeurs et élèves elle me proposa de tenir une conférence sur mon voyage au reste de l’école.
« Euuu…. Mais il y a combien d’élèves ? »
« Quatre-vingt-sept exactement plus les professeurs »
A quand même…
Je n’avais jamais vraiment parlé au « grand public » auparavant ; Il y a une première fois à tout !
On me dégotta une grande carte de l’Europe puis les élèves et profs arrivèrent et je commençais mon discours. Edita s’occupait de traduire au fur et à mesure pour les plus jeunes qui ne comprenaient pas encore l’anglais.
Pendant une heure je leur parlais des raisons pour lesquels j’étais partis, de mon expérience de voyage en solitaire et à plusieurs, des aventures et mésaventures que j’ai pu avoir, de toutes les personnes que j’ai rencontrer, du mode de vie de nomade – marcheur…
Puis vint les questions dont je fus surpris à tel point les élèves en avaient :
« Ton sac à dos il fait combien de kilos ? » – « Aime tu la Lituanie ? » – « Qu’est-ce que tu recherches exactement dans cette marche ? » – « Mais pourquoi à pied ? » – « Qu’est que tes parents pense de cela ? » – « Et tu fais comment pour vivre au niveau de l’argent ? » – « Tu es marié ? »…..
Une fois tout le monde repartit je restais à discuter avec les enseignants qui me remercièrent de mon passage et m’offrirent un sac remplis de gâteaux fait maison.
Je quittais le village pour planter la tente dix kilomètres plus loin. Ces derniers jours avaient été vraiment très intenses et passer la soirée près de mon feu me reposa l’esprit. Les braises crépitèrent en même temps que mon cœur l’était de joie simple.
Aujourd’hui j’avais eu le sentiment d’inspirer des personnes en leur montrant que en ne mettant aucune barrière et en y croyant de tout son cœur, les rêves peuvent devenir réalité.
Je passais les deux jours suivant à suivre des sentiers le long de fantastiques lacs gelées ; Je pris du temps pour la photo malgré un sérieux problème de buée dans la lentille de mon appareil.
Je prenais de plus en plus de liberté quand à mes vadrouilles en mode « free style » dans la forêt ; J’avais acquis une certaine confiance en mon orientation même si il me restait encore beaucoup de choses à découvrir.
Je continuais à trouver de nouvelles combines pour vivre avec le froid… J’allumais désormais un feu sous n’importe quelle condition, je découvrais que je pouvais me passer de mon réchaud en mettant directement ma popote dans les flammes… Je ne redoutais plus les nuits je les attendais ; Je savais que à chaque nouveau bivouac mes connaissances allaient augmenter, que mon amour de la nature allait grandir et que mes instincts se réveilleraient de plus en plus ; J’appréhendais chaque soirée comme un rendez-vous galant.
Un des moment que j’adorais était celui que je passais autour du feu à cuisiner, à manger et à me reposer tout en me réchauffant. Cela possédait ce quelque chose d’unique m’étant devenu indispensable.
C’était à la manière d’une personne finissant sa journée de travail et partant se caler dans son canapé avec une pizza tout en regardant la télévision. En guise de canapé j’avais un tapis de branches de sapins m’apportant isolation et confort, de pizza j’avais mes pates me donnant de l’énergie lente pour le lendemain et de télévision j’avais mon grand feu ne me transmettant pas les nouvelles du monde mais en me montrant la beauté de celui-ci.
J’arrivais à Pabradé où à partir de là je mis deux jours pour atteindre la capitale Vilnius.
Une piste cyclable m’évita la grande route et celle-ci me mena jusqu’au centre. La neige avait fondue, les températures remontaient et mon excitation grandissait. Les séjours dans les villes m’ont toujours offert de beaux imprévus.
En attendant mes deux couchsurfeur je me demandais encore combien de temps j’allais rester cette fois… J’ai beau à chaque fois me dire que six jours sera très bien, les rencontres et surprises ne sont jamais de mon avis…
Jérôme
Super récit Jérôme continu comme ça.
C’est super ce que tu vis..J’espère pour toi que ton projet d’écriture se concrétisera un jour;en tout cas avec toutes tes « histoires » tu as de quoi dire!En tout cas respect pour ce que tu fais et bonne continuation (sur les chemins mais aussi sur le blog car c’est captivant à suivre!)
Great tale
So exciting,to read your adventures in the frozen forest with the phases of preparing including, and your huge conference, front of all those nice people
Fascinating !!!