Partie 2 : Cœur de femme et corps de glace

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Se poser de temps en temps m’est devenu presque indispensable ; Que ce soit dans une ferme en tant que bénévole, un couchsurfing, une rencontre improbable, mon corps et mon esprit ont besoin de cet équilibre alternant le mouvement et l’immobilité.

Dans cette marche je n’essaye en aucun cas de battre des records de vitesse, de vouloir me prouver quelque chose ou encore moins de dépendre de l’hospitalité des gens.

Je suis et resterais un loup solitaire ayant besoin de vivre en meute de temps en temps ; Voir même rencontrer une petite louve…

Mes chaussures sont lourdes à porter, mon sac à dos est plus chargé que lors de mon premier voyage, mon amie la solitude pèse parfois son poids et de ce fait mon petit corps implore une pause après environ un mois de marche sans vraiment s’arrêter. C’est un rythme que j’apprécie particulièrement. Je dirais même que la balance est parfaite ; Evidemment cela varie et j’organise ces pauses le plus souvent par rapport aux villes et coins intéressant dont j’aimerais découvrir.

Durant ces semaines de nomade j’aime ce côté autonomie et aventureux ; Je ne cherche jamais à tout prix à vouloir rencontrer du monde tous les jours ; Une nuit de bivouac dans la forêt sous la tente, que ce soit sous la pluie, le froid, la neige, la chaleur, le vent, ne m’apparait jamais comme ennuyeuse : Au contraire je trouve un profond sens à ces moments simple.

En ce moment, en hiver, la nuit tombe rapidement, à seize heure je dois vite établir mon campement si je ne veux pas me retrouver dans le noir ; Je passe donc dans les quinze à dix-sept heures sous ma toile (cela dépend de la météo). Les activités ne sont pas forcément nombreuses mais elles se suffisent complétement en elles même : Faire son feu et le regarder, écouter de la musique, faire de l’harmonica ou de la flute, chanter, lire, écrire, faire sa tambouille, bricoler, regarder un petit film (lorsque le froid l’autorise à ma batterie) et sans doute ma préférée, s’évader dans son esprit en utilisant les restes du pouvoir d’inspiration incroyable des endorphines que la marche offre au corps et à l’esprit durant la journée.

Ces moments seuls me sont nécessaires et je ne les fuis jamais.

La lassitude ne peut arriver, le nomadisme est puissant pour cela.

Lorsque je trouve un endroit à me poser, je passe en « mode sédentaire » : Je dors et mange presque deux fois moins, mon corps s’adaptant très vite à cette absence d’effort et d’intensité, les dépenses niveau argent sont un peu plus élevées, mon inspiration subit une descente crescendo, le confort et la luxure prennent un niveau en plus, ma réactivité à toute chose diminue légèrement, mon envie de construire augmente, ma libido se réveille d’un coup, et mon besoin de rencontres devient plus intense.

Pour résumé ce que je perds en force et en acuité je le gagne en sociabilité et en productivité artistique.

Mon mode de vie est constamment en train de jongler avec ces deux états, une capacité d’adaptation formidable en a découlé de ceci ; J’ai vite accepté que la sécurité et les repères devaient être troqués contre l’imprévu et la nouveauté.

Aucune somnolence de l’esprit n’est possible lorsque aucun support n’est présent pour s’accouder dessus.

Vivre le nomadisme et le sédentarisme dans des laps de temps régulier c’est un peu comme coucher avec deux meilleurs amies en alternance en ayant leur consentement mutuel : Elles se connaissent, sont différentes, ne veulent jamais se mélanger, mais se complètent parfaitement.

J’étais donc arrivé à la capitale Vilnius, fatigué de mes quarante derniers jours de marche, ces derniers assez intenses vers la fin au niveau des basses températures et de mes passages dans les parcs nationaux.

Je fus reçus une heure après mon arrivé par mes couchsurfeur : Martinas et Viktorija, deux jolies moitié de cœur, l’un travaillant dans l’administration, et l’autre comme guide de musée.

Etre accueillis par une famille ou un couple sont de loin mes préférés : Un endroit remplit d’amour est toujours préférable.

Ces deux petits amoureux étaient simples et ouvert d’esprit comme je l’aimais ; Ils me dirent être revenus il y a moins de six mois de un an de baroudage à travers le continent Américain.

– Le retour à fait mal ! Il a fallu se « réintroduire » dans la société, chercher un appartement, un travail, retrouver la routine… Mais nous avons comme projet de nous marier prochainement et on se devait de revenir en Lituanie pour nous installer, me dit Viktorija l’œil pétillant en repensant à cette aventure dont une petite nostalgie restait visible.

Autour d’un bon repas qu’ils m’avaient préparé nous passons une agréable soirée, tout cela bien sur après un passage obligé à la salle de bain dont je n’en avais pas vu la couleur depuis Riga en Lettonie. Je me rappelais même vaguement n’avoir pas enlever mon tee short de ma peau depuis cette période mise à part pour un sauna et quelques lavages « express-toilette ». Mais la laine mérinos est formidable, jamais de problème d’odeur ou de bactérie et une constante sensation de bien-être.

J’eus la journée du lendemain seul dans l’appartement ; je l’utilisais à faire menus réparations de mon matériel, à répondre à des mails, à donner et prendre des nouvelles de mes proches et rencontres puis à faire du triage de photos. Epuisant mais nécessaire.

J’utilisais la fin de la journée à faire un bon repas pour le soir ainsi que d’essayer de retrouver le chat qui avait purement et simplement disparut et que je retrouvais finalement trente minutes après sous la baignoire entre trois rouleaux de PQ.

Nous partons après le diner chez le frère de Martinas afin de l’aider dans son nouveau business de production et vente de beurre de cacahuètes. Ingénieur qualifié la journée, il devenait le soir broyeur d’arachides clandestin et inventeur de nouvelles recettes.

C’est donc tous ensemble que nous nous mettons à griller, à mixer, à assaisonner divers ingrédients (miel, amandes, noisettes…), à peser puis à mettre tout cela dans de jolis petits bocaux.

Jamais je n’aurais crus que faire du beurre de cacahuètes aurait été aussi simple.

Nous partons ensuite en ville boire quelques bonnes bières locales en compagnie de quelque uns de leurs amis.

Les jours suivants s’enchainèrent paisiblement : Je visitais la ville, régalais mes nouveaux amis de nouveaux plats, ils me firent découvrir la ville à travers de petits restaurants et bars typiques, j’écrivais, on rendis visite au frère de Martinas lors de ces ventes au marché de noël.

Ils me firent même visiter le lieu de leur futur mariage, une belle colline dans un cadre de nature paisible près de la ville.

– On ne cherche vraiment pas à faire ce genre de mariage tape à l’œil, expliqua Viktorijas, non mais c’est vrai les gens passent leur temps à vouloir impressionner la galerie lors de grandes cérémonies alors que ceux-ci n’en ont généralement jamais les moyens… Pourquoi vouloir montrer une image différente de nos personnes au yeux des autres pour l’espace d’une journée ? Nous sommes simples, nos amis et famille sont simples, notre mariage sera simple !

Le lendemain je retrouvais en ville Donatas et Ieva, des amis que je mettais fais à Riga en Lettonie ; Comme j’avais eu besoin d’une adresse plutôt sure afin de me faire livrer un paquet, je les avais contactés il y déjà quelques semaines.

Ce fut génial de les revoir et ils se révélèrent de très bon guides au niveau de la vieille ville, dont ils connaissaient chaque petites ruelles, histoires et légendes.

Nous finissons la soirée dans un restaurant local autour de quelques Cepelinai, une spécialité du pays étant une sorte de gros roulé de patate à la viande et à la graisse ainsi que des sortes de petits bâtonnets de pain fris à l’ail que l’on trempe dans du fromage à moitié fondue. Loin d’être raffinée, la nourriture Lituanienne est une nourriture simple apportant gras et chaleur nécessaire aux hivers rigoureux et étant très bon marché par-dessus tout.

Ils sortirent de leur sac le colis que mon père m’avait envoyé à leur adresse. Afin de me redonner quelques senteurs de France, mon cher paternel avait ajouté un gros reblochon de Savoie, un camembert de Normandie ainsi que un bon saucisson d’Ardèche. Je vous laisse imaginer ce que cette combinaison peut devenir après avoir passé presque dix jours enfermée sous trente degrés…

– C’est simple lorsque je suis arrivé à la poste pour récupérer ton paquet toute les guichetières m’ont lancés des regards noir en me faisant bien remarqué que l’odeur qu’il en dégageait avait contaminé les locaux durant toute la semaine ! Même dans la rue les gens se retournaient ! me dit Ieva en rigolant.

Et elle ne mentait pas ! A peine sortit une formidable et douce odeur emplit en moins de cinq secondes le restaurant et le serveur vint même me demander si j’étais Français !

Et puis enfin je récupérais ma carte bleue dont j’avais été privé depuis St Petersburg il y a plus de quatre mois. Mes frais chez Western Union commençaient à se faire assez important…

Je passais l’entière journée du lendemain à écrire tranquillement puis la dernière soirée arriva ;

Une montagne de crêpes fit l’affaire puis nous restons à parler assez tard, notamment de la Lituanie et de ces efforts de ces dernières années en matière d’écologie.

– On dit que l’écologie est une affaire pour les pays riches, il y a du vrai mais le côté culturel et historique est aussi à prendre en compte ; Les pays baltes et de l’Est sont tout juste en train d’émerger de la guerre, on a tous à apprendre mais on y est pas encore ! Par exemple il y a cinq ans le gouvernement a introduit le système du tri sélectif des déchets ; Le problème c’est que les éboueurs continuaient de verser chacune des bennes de tri dans un seul et même container ! m’informa Martinas en souriant dans cette dernière évocation.

Ils me montrèrent avec fierté leur différentes poubelles ainsi que même un compost ; Cela faisait depuis la Finlande que j’en avais pas vu.

Je fis tranquillement mon sac le lendemain, écrivis encore quelques heures en attendant le retour de Viktorija et Martinas puis leur fis mes adieux et de gros remerciements pour ces merveilleux jours passés avec eux.

La ville me plaisait beaucoup, j’avais encore beaucoup de travail d’écriture et je sentais que j’avais encore des choses à vivre ici ; Un autre couchsurfing m’attendait mais était de loin très différent du précédent :

Il était situé dans Uzupis, le quartier des artistes de la ville : Ce dernier était délimité par une petite rivière et il avait été décidé qu’il en devienne une république à part entière. Moitié blague, moitié sérieux cette « République » comportait sa propre constitution dont des copies sur des plaques de laiton traduites dans presque toutes les langues du monde étaient affichées le long d’un grand mur.  Cette constitution sous forme de lois étant très intéressante et humoristique avec des exemples comme « L’homme a le droit de ne rien comprendre » ou encore « l’homme à a le droit de n’être ni remarquable, ni célèbre ».

Sur la place centrale je retrouvais Tatsiana, une Biélorusse de vingt-huit ans semblant vivre dans son petit monde d’art.

Elle m’emmena dans sa collocation pour le moins vraiment originale : Dans une petite cour près d’une jolie chapelle, plusieurs habitations mitoyennes semblant être à l’abandon avaient été réaménagé dans le plus grand strict minimum afin qu’elles deviennent habitables. Aucun chauffage si ce n’était une cheminée dans chaque chambre, une isolation inexistante, un hall-cuisine-toilette, un garage où des réserves de bois toutes humide étaient entreposées et cerise sur le gâteau pas de salle de bain, une nécessité donc de vite se faire des amis afin de pouvoir se laver comme me le fit habilement remarquer Tatsiana !

Elle vivait avec deux autres amis, ces dernières toute aussi artistes les unes que les autres en différents autres domaines.

Un bon feu brulait dans sa cheminée posée près de son lit ; Nous passons la soirée à côté, à manger du reblochon, à boire le thé et à discuter sur de très beaux sujets.

Cette fille avait un côté mystérieux vraiment unique ; Partit de la Biélorussie il y a de cela huit ans, elle s’était installé en Lituanie pour ces études. Depuis elle essayait de survivre en faisant comme elle pouvait des boulots alimentaires quelques heures par semaine. Habile de ces mains, elle fabriquait sur une vieille machine à coudre de très beaux sacs à main qu’elle arrivait à revendre de temps en temps ; La peinture, le dessin et la photo constituaient ces autres passions dont elle se consacrait avec passion.

Elle était solitaire, vivait au jour le jour (de toute façon dès que j’organise quelques chose tout capote ! dit-elle à moitié amusée), et paraissait absolument coupé du monde comme jamais je n’avais pu le voir auparavant chez une personne.

Elle était belle cette soirée autour de cette cheminée.

Je dormis sur un matelas posé à même le sol puis me réveilla le lendemain avec pas plus de cinq degrés dans la pièce.

Tatsiana dormant encore paisiblement sous une montagne de couverture, je me rendis au garage puis après avoir trouvé une vieille hache rouillée dont le manche était à moitié fendu, je passa quelques agréables heures à fendre des buches de différentes taille.

Je restais à l’intérieur le reste de la journée à alimenter le feu ronronnant ainsi que à boire thé sur thé en surfant sur des vagues de mots et de phrases sur mon petit clavier ; Cet endroit avait sa magie propre, je ne saurais l’expliquer…

Tatsiana revint en fin d’après-midi tout contente de sa nouvelle trouvaille : Deux grandes affiches publicitaires en tissus de très bonne qualité.

– Je vais pouvoir faire au moins vingt sacs à main avec ! me dit-elle avec le sourire, comme si elle avait gagné au loto.

La collocation ne disposant d’aucun four mais juste d’une vieille plaque de cuisson toute rouillé menaçant de faire un court-circuit à tout instant, je réussis quand même à faire de bonnes pizzas à la poêle ; Un peu sceptique au début mais impressionné du résultat, je crois que le début d’une nouvelle aire culinaire s’ouvre à moi !

Deux amis à Tatsiana vinrent se joindre à nous pour la soirée, une biélorusse plantureuse me souriant d’une façon très aguicheuse ainsi que un peintre anglais dont son accent londonien m’obligeait à lui faire répéter chaque phrase d’un minimum de trois fois. J’ai dut très vite arrêter de m’intéresser à lui.

Tatsiana nous montra beaucoup de ces œuvres et reçu plusieurs conseils de la part de ces amis ; Mais je sentais que le fossé creusé entre la société et sa personne n’allais pas lui être bénéfique pour une percée dans un monde de notoriété telle qu’elle le souhaitait.

– Cela commence à faire plusieurs temps que je stagne… Je sais que je suis capable de pleins de choses mais rien n’arrive, c’est vraiment décourageant, ma vie en ce moment ce résume à de la simple survie.. En fait je ne cherche jamais à provoquer les événements, je les attend simplement… Peut-être que je devrais bouger un peu plus si je veux les rencontrer ? nous dit-elle émue, quelques larmes tombant de ces jolis yeux.

Ces amis partirent en fin de soirée, sa copine biélorusse m’indiquant que sa lui ferait plaisir que je passe la voir dans quelques jours pour selon elle : « boire un café »… Une façon dérivée de dire qu’elle aimerait bien visiter la France profonde si je me passe l’expression.

Je quittais la collocation le lendemain, Tatsiana devant s’absenter pour le week-end. J’avais besoin de quelques jours supplémentaires afin de finir d’écrire mes deux récits de la Lettonie et du coup pour la deuxième fois en deux ans je décidais, afin de glaner quelques moments de quiétude, de me rendre dans une auberge de jeunesse.

Croyant en fait avoir du temps pour moi j’avais oublié à quel point ces lieux pouvaient contenir comme voyageurs et gens de passage.

Assis dans la salle commune, tous mes carnets ouverts autour de moi et de mon ordinateur, je passais en fait une bonne partie de la journée à parler avec un peu tout le monde : Un globetrotter Français – Palestinien me passionnant de ces récits, une bande de mexicain en voyage n’hésitant pas à se balader à poil dans le couloir, quelques chinois discret et accros à leur Ipad (aaah les préjugés !), des biélorusses d’une grande curiosité et pour finir le lendemain une charmante Russe qui après une heure de conversation, nue contre moi, nos habits éparpillés un peu partout dans le dortoir heureusement vide, me soupirait entre deux galipettes qu’elle viendrait s’en doute faire un tour de la France prochainement…

J’avais reçu il y a quelques jours un message de Mantas, dont lui et sa mère m’avaient hébergé il y a de cela deux semaines dans le petit village de Tauragnai. Celui-ci me disait que sa sœur vivant à Vilnius serait très intéressée de me rencontrer, celle-ci désireuse d’en connaître un peu plus sur mon voyage.

Je me rendis à notre rendez-vous sur la place de la vieille ville et fis la connaissance alors de Aida :

Un timide sourire envoutant, une belle chevelure châtains mettant en valeur des yeux dans lesquels toutes les cartes et boussoles du monde ne pourrait suffire à ne pas se perdre à l’intérieur, elle ne mit pas longtemps à ouvrir d’un simple regard une fissure béante dans mon petit cœur de marcheur.

En plus d’être charmante elle était fascinante dans ces pensées et sa vision de voir le monde ; Ayant étudié et voyager en Chine pendant plus de un an l’année dernière, elle ne rêvait que de repartir… Malheureusement, la Lituanie, où l’expression «  mettre de l’argent de côté » étant rarement employé à cause des salaires très bas et du niveau de vie plutôt élevé pour ces derniers, n’était pas là pour lui faciliter ces rêves.

– Je travaille quatre jours par semaine dans une société de business m’offrant une très bonne expérience si jamais j’envisage de faire une carrière, et le jeudi, vendredi et samedi je travaille en tant que serveuse presque toute la nuit dans un bar-salsa ; En fait je n’ai que mon dimanche de libre dont je passe la moitié à dormir pour récupérer…C’est dingue par moment j’ai l’impression d’être un robot agissant aveuglément à un rythme de vie me permettant de vivre mais pas de m’épanouir. Parfois j’ai vraiment envie de tout lâcher et de partir comme mon frère pour voyager mais j’ai toujours la petite voix de la raison et de ma mère me disant de penser à mon futur….C’est quoi le bon choix ?

Le bon choix… En voilà une question qui me laisse souvent pantois, que ce soit pour savoir juste si je dois prendre à gauche ou à droite sur un sentier ou encore si ce chemin de la vie sur lequel je marche est le bon.

Un jour une personne m’a dit très sagement :

– Quand tu te retrouves devant plusieurs choix il n’y a pas forcément d’inquiétudes à devoir se faire car quoi que tu fasses tu choisiras forcément une des deux solutions ! Pourquoi alors devoir ressentir des hésitations alors que la décision finale est déjà toute faite dans le futur….

Nous partons ensemble nous balader sous une pluie de question de sa part, prenons un thé, repartons nous promener dans de belles ruelles pavées où les marchés de noël avaient lieu puis je l’invitais au restaurant.

Je n’arrivais même plus à me souvenir à quand remontait la dernière fois que j’avais eu ce genre de moments « romantiques ».

La soirée fut étonnante de beauté et de complicité.

Comme j’avais décidé de partir dans trois jours elle me proposa de m’héberger pour la dernière nuit.

Nous nous disons à bientôt comme deux petits adolescents maladroits et je mis trente minutes avant de me rendre compte que je marchais dans la direction opposé.

Je passais la nuit et la journée du lendemain le regard perdu en ayant constamment une photo imaginaire de cette fille sur ma rétine. La pensée d’une femme est la chose la plus handicapante lorsqu’il s’agit de pondre des pages word.

Un gros coup de tête me fit quitter l’auberge le soir même après avoir envoyé un message à Aida pour lui demander si je pouvais arriver ce soir. L’auberge oublia de me faire payer une nuit, je pris cela comme un signe que j’avais fait le bon choix.

Aida partageait son appartement avec une étudiante et le propriétaire des lieux, un vieux russe apparemment atteint de trous de mémoire assez fréquent, notamment lorsqu’il s’agissait des loyers à payer.

Je n’ai plus trop de mémoire de cette soirée tant elle m’a paru hors du temps… Je me rappelle vaguement avoir attendu que nos thés refroidissent avant que nos lèvres se joignent et que nos corps fusionnent jusqu’au petit matin.

Je restais une journée de plus, puis deux jours et enfin finalement toute la semaine.

Elle travaillait la journée, je la passais à écrire, à revoir des amis dans Vilnius puis à prévoir mon itinéraire pour la Pologne ; Nous faisions l’amour le reste du temps oubliant un peu trop souvent de dormir et de manger.

Qu’est-ce que la douceur et la tendresse m’avait manqué…

En sa compagnie je vivais mes orgasmes les plus puissants et ressentais des émotions et sentiments d’une pureté très différentes de mes habituels … La présence et le contact de ce petit ange que la vie m’avait fait rencontré me bouleversait mine de rien. L’amour de deux êtres reste un mystère pour moi, je ne l’ai jamais cherché mais je garde la pensée que je ferais un jour sa connaissance. Pour le moment l’amour de la vie me parait une étape première à toute chose.

Les trois derniers jours, étant donné qu’elle travaillait toute la nuit dans son bar, je l’accompagnais en me posant en tant que client – écrivain, tout en regardant la piste endiablés de danseurs de Salsa qui me laissèrent muet d’admiration.

J’essayais bien de m’y mettre lorsque une jolie étudiante m’invita à la rejoindre mais des chaussures de marche de 2,5 kilos ne sont pas forcément très indiquées pour enchainer des pas rapides…

On rentrais ensemble à l’aurore afin de dormir quelques temps avant de nous replonger dans de longues heures de danses érotiques de nos deux corps brulant de désir.

J’étais heureux avec elle, elle le semblait aussi en la mienne…. Etait-ce cette fille qui pouvait m’apporter plus que ce que la marche solitaire ne pouvait m’apporter ?

J’avais désormais le choix entre l’amour de cette inconnue et l’amour de l’inconnu.

Mais la réponse m’apparaissait dans l’évidence même…

Je ne pouvais rester encore une semaine voir même une vie ; Tout d’abord j’avais un gros projet qui m’attendait dans les Carpates, à mille kilomètres de Vilnius, nécessitant que la neige soit encore présente, puis je réalisais que quelque chose d’infiniment plus puissant brulait en moi : L’appel de la liberté, du « sauvage » comme le dirait Jack London dans son livre « Call of the wild » ; Pire que une drogue, je sentais cette appel bouillonnant dans mes veines, gravé désormais au fer rouge sur chaque parcelle de mon cœur. C’est cet appel que je ressentais à chaque période de sédentarisme et qui me faisait reprendre la route le corps enflammé d’une intarissable envie d’aller de l’avant.

J’ai la conviction que toute personne en ce monde à une aventure à vivre, un temps solitaire fait de privation de confort, de remise en question, d’absence de sécurité et de repères, d’inconnus, de surprises et d’épreuves de vie.

Paulo Coelho voir juste lorsque il appelle cette aventure une «  légende personnelle ».

J’étais en train de vivre cette légende personnelle, absolument rien au monde ne m’attirait plus que de suivre ce chemin que je suivais. Peut-être allais je rater une belle histoire avec cette fille mais c’était un des prix que je devais payer et je l’acceptais sans sourciller.

Elle le comprit lorsque je lui expliqua, une déception se lisant dans son regard.

Nous terminons la semaine comme elle avait commencé, c’est-à-dire autour d’un bon repas et de belles discussions. Vivre une histoire d’amour en une semaine semblait avait avoir été notre pari.

Départ sous la pluie le lendemain ; Elle partait au travail et je partais pour le mien. Je l’accompagnais trente minutes dans les ruelles pavées de la vieille ville, une belle photo aurait pu être prise de cet instant : Un randonneur en habits d’hiver, portant un énorme sac à dos, un chapeau de cuir et un bâton ferré, tenant la main à un joli petit brin de femme élégamment vêtu.

Contraste saisissant certes, mais d’une beauté éloquente.

Le moment des adieux arriva, impossible de le retarder comme toujours, aucun mot ne sortait de nos bouches, nous nous contentions de nous enlacer, de nous regarder, puis ma main lâcha la sienne et je partis sans me retourner. Des larmes arrivèrent sans prévenir ; Je sentais leur gout salé m’imprégner la bouche tandis que je marchais aveuglement dans la ville en suivant ma boussole ; M’éloigner le plus possible, mourir de marche s’il le fallait mais oublier dans l’effort se déchirement du cœur que je ressentais au fur et à mesure que les kilomètres défilèrent. Je retournais dans mon monde, un monde que j’avais quitté quelque jours et dont la reprise de celui-ci était un peu trop brutale.

Je suivis une route qui se révéla être la mauvaise, me retrouva complétement à l’Est au lieu du nord, fis dix kilomètres de détours inutiles puis en marcha dix de plus sur une nationale dont les camions, de par leurs éclaboussures involontaires, eurent tôt fait de me transformer en éponge marchante et beuglante.

Les températures avaient remonté en masse depuis quelques jours ; Résultat la pluie tombait et l’humidité était à son maximum.

Deux jours passèrent, j’avais réussi à enfin quitter les grosses routes et j’évoluais désormais dans de paisibles campagnes en me dirigeant droit vers de nouveaux parc nationaux et régionaux. De petites éclaircies vinrent ponctuées mon humeur de sautes de joie, je recommençait à vivre nomade. Ces vingt jours passés à Vilnius m’avait en quelque sorte sédentarisé, je sentais mon corps plus faible, le rythme de la marche assurant en temps habituel une forme et une défense immunitaire à toute épreuve.

Le vingt-quatre décembre arriva, cela allait être le premier noël dont j’allais passer séparé de ma famille.

J’arrivais en fin de journée à Valkininkai, après une longue marche sur des agréables pistes ; En entrant dans ce petit village j’essayais de créer autour de moi des énergies d’attirances, des ondes positives brut de décoffrage. J’avais vraiment envi qu’il se passe quelque chose, que je ne me contente pas de juste planter la tente sans avoir tenter d’attirer un événement.

Il se mit à pleuvoir drus… Je traversais ce village mais j’en ressortis sans avoir croisé le chemin de personne.

Je trouva non sans peine ma direction puis continua sur une route détrempé décidé à ne pas m’arrêter avant je ne savais quoi. Cinq kilomètres plus loin j’atteins un hameau de quelques maisons où des filets de fumée sortaient des cheminées. Je toquais à une porte afin de demander un bout de grange. Une famille en pleine préparation du repas de noël en sortit et bien évidemment aucun d’eux ne parlait anglais. A ma grande surprise, au lieu de me claquer la porte au nez ils me firent rentrer en me disant d’attendre pendant que la mère téléphonait à quelqu’un.

J’adore ce genre de situations où vous savez qu’il va se passer quelque chose mais dont vous n’avez aucune idée de la tournure que cela va prendre. J’appelle cela le «Transfert de destin » ; Lorsque un engrenage du mécanisme de l’événement s’est mis soudainement en marche et que vous attendez tout avide de la surprise qu’il va en découler. Presque plus rien ne dépend de vous, vous vous êtes contenté d’actionner le levier sans trop le savoir et la vie fera le reste.

Quelques minutes plus tard une voiture arriva puis une jeune femme du nom de Lina en sortit.

Elle se présenta comme étant une amie à cette famille dont la sienne vivait à quelques kilomètres.

– C’est vraiment marrant car il y a une semaine un ami à moi est partit en Espagne avec son sac à dos avec comme projet de traverser le pays à pied ; Je pensais justement à lui, espérant qu’il trouverait un endroit où dormir en cette nuit de noël lorsque cette famille chez qui tu as toqué m’a appelé pour me dire qu’un randonneur cherchait un coin où dormir…me dit-elle toute contente.

Elle passa un coup de téléphone ensuite à sa famille pour leur demander si je pouvais me joindre à eux.

Une fois raccroché elle fit un peu la grimace :

– Mon père n’est pas trop d’accord… Tu comprends il est fermier et pour lui une personne nomade qui n’a pas de maison et de travail ne peut pas être normal et équilibré… Mais ce n’est pas grave il va bien devoir changer d’avis ! me répondit-elle un peu anxieuse de la réaction de son père mais heureuse de la tournure de la soirée.

On se rendit deux kilomètres plus loin dans une immense propriété où une grande maison en bois imposante était construite ; La nuit était tombé depuis longtemps et la pluie tournait en véritable tempête lorsque l’on rentra à l’intérieur.

Je fis la connaissance de l’adorable mère du nom de Margarita puis enfin de Alvydas, le père, d’une faible taille, vêtu d’un treillis de chasse et d’une carrure imposante, avec des mains suffisamment grosses pour broyer un sanglier. Il me jeta ce genre de regard voulant dire « Mais qu’est ce cet imbécile vient nous faire chier un soir de noël ! ».

Pendant qu’ils s’achevaient à préparer le diner, on me servit le thé, les biscuits, tout en me bombardant de questions, moi de même.

Lina, assistante dentiste travaillant et vivant à Vilnius était en fait une tout autre personne sous cette aire de petite coquette femme de ville :

En plus de conduire tracteurs et 4×4 lorsque elle venait aider son père, elle avait passé dernièrement son permis de chasse et le fait de dépecer biches, lapins ou sangliers lui semblait être la chose la plus normale au monde.

Après une bonne douche de ma part nous passons à table et je découvris alors un noël traditionnel Lituanien :

Tout d’abord au niveau de la tablée, il y a toujours une assiette en plus pour le membre n’ayant pas pu venir ou pour celui n’étant plus de ce monde. Vient ensuite un temps de prière personnel, puis l’étape suivante consistant à ce que chacun brise en nombre égal à celui des convives un gros hostie rectangulaire disposé sur chacune des assiettes ; On se distribue ensuite à chaque personne de la table l’un des morceau brisé.

Le repas peut ensuite commencer : La tradition veut que aucune viande ne soit consommé ce soir-là, les plats étant alors généralement froid et se composant principalement de poisson. Le nombre de ces derniers devant toujours être de douze.

Je me mis à les compter et leur fis remarquer que le résultat n’était que de dix !

Margarita se précipita alors dans un placard, remplit deux bols de noix de cajou et de fruits confis puis les posèrent sur la table.

– Ca fera l’affaire !

Au niveau des boissons, le lait de pavot remplace vin et champagne. C’est un travail long et fatiguant que de broyer les graines pour en tirer le lait au gout vraiment original mais délicieux. Des fibres noires restent de se broyage et sont alors utilisées afin de servir de remplissage dans de gros beignets frits. Gout très spéciale, on aime ou on aime pas !

Je m’essayais à tous les plats disposés, allant du saumon et hareng mariné aux légumes, aux différents types de beignets, en passant par de petites galettes de patates. Cela n’avait rien de luxueux comme j’en avais coutume en France mais c’était très bon et chacun était heureux.

Au fur et à mesure de la conversation, Alvydas se montra de plus en plus sympathique avec moi et fut totalement conquit lorsque je joua quelques notes d’harmonica.

J’eu la chance le pouvoir parler quelques minutes via Skype avec ma famille en France ; Ces derniers me mettant devant la webcam de bons toasts de foie gras afin d’essayer de me faire revenir. Hehehe bien essayé !

Au cours de la soirée je découvris, comme pour Liva, une toute autre facette de ces deux parents :

La grande passion de Margarita, autre que la cuisine et de s’occuper de la ferme, consistait à l’observation de caméras infrarouges diffusant en direct sur des sites internet. Elle passait ainsi des heures par jour à observer les animaux dans leur nature ; On se connecta en Estonie où une bande de gros sangliers et leurs petits s’occupaient à gratter le sol à la recherche de racines ; Margarita, soudain hypnotisée s’arrêta de parler pendant trente minutes.

Alvydas quant à lui, que j’avais crus un cruel chasseur et fermier buté, se révéla être en fait un amoureux de la nature à un degré vraiment surprenant et intriguant :

Depuis quelque années déjà il se levait tous les jours à trois heures du matin puis se rendait dans la forêt pour finir sa nuit dans des cabanes de chasseurs en hauteur qu’il avait fabriqué un peu partout. Son bonheur et sa joie consistaient alors à se laisser bercer par les bruits de la nature et des animaux, ceci que ce soit l’été, l’hiver, qu’il pleuve ou qu’il neige voir même encore la nuit de noël !

On me fit dormir dans un bon canapé-lit, près du sapin scintillant, ma tête encore rêveuse de cette très belle soirée.

Le reste de la famille arrivant en milieu de journée je partis le lendemain matin après un bon pti déjeuner dont je ne pus en manger la moitié tellement la quantité était importante.

On m’offrit un sac de victuaille de presque deux kilos, contenant pains maison, pâté de sanglier et un énorme bout de gras fumé.

Alvydas me dit avoir été très heureux et touché de m’avoir rencontré et s’excusa de sa première impression qu’il eut de ma personne la veille. Il ajouta qu’il ne comprenait toujours pas ce mode de vie nomade mais il me souhaita bonne chance. Ces paroles furent sans doute mon plus beau cadeau de noël.

Margarita et Lina, elles aussi semblèrent avoir été très contente de ma venue surprise.

– C’est vraiment génial, me dit cette dernière un peu émue, j’ai l’impression d’avoir fait quelque chose de bien au lieu de tout simplement avoir passé un repas sans vraiment beaucoup de sens…J’ai tout de suite vu que tu n’étais pas un  « bad guy », une personne vivant dans la nature et d’une façon simple n’est jamais mauvaise…

La tempête d’hier avait balayé toute trace de mauvais nuages, le grand froid allait sévir dans les prochains jours.

Le sac bien chargé de toute cette bonne nourriture je marchais deux heures avant de me poser dans la forêt pour mon repas de noël du vingt-cinq. Un grand feu, une bonne soupe, quelques grosses saucisses du boucher, ainsi qu’un bon thé pour faire digérer cela… Le bonheur ne tient à pas beaucoup lorsque l’on vie avec pas grand-chose.

Le reste de la journée fut plutôt amusant : Une voiture s’arrêta à mon niveau et les conducteurs m’offrirent un gros sachet de beignets aux champignons, un bourré totalement ivre me souhaita joyeux noël à sa façon puis un idiot de chien fit la connaissance du ferrage de mon bâton.

Je tirais l’eau d’un puit d’une maison abandonnée puis établi mon campement dans une gigantesque forêt de résineux. Moins dix degrés était indiqué sur mon petit thermomètre, j’étais heureux.

Ma tente toute humide des derniers jours se figea en quelques secondes lorsque je l’eu monté.

Je reprenais les vieilles habitudes ; Réserve de bois, gros feu, repas et veillée prés de ce dernier.

Un grand soleil me tira hors de mon sac de couchage le lendemain, et après cinq kilomètres sur une route ainsi que un ravitaillement dans un village sans grand intérêt, je m’enfonçais dans le parc national de Dzukija. Je m’étais procuré une carte détaillé à Vilnius et avais passé la veillée d’hier à me faire un itinéraire assez sympa.

Il faisait froid, très froid et les sentiers déserts, que ma carte ne connaissaient pas du tout, étaient de véritables labyrinthes ; Je me dirigeais essentiellement à la boussole en espérant atteindre un petit hameau en fin de journée.

Mon pain était gelé, le fromage et le pâté de même…Seul mon gros morceau de gras fumé était adapté à ce climat. Le gras est une nourriture parfaite pour l’hiver, en plus de contenir énormément de vitamine importante, être un champion de la lutte du froid, être délicieux, apportant une grande énergie, ne gelant pas et étant très bon marché, cet aliment peut se garder un temps prodigieux sans que la moindre trace de pourriture apparaisse.

Je marchais dans la forêt silencieuse où simplement quelques renards et biches apportaient un mouvement à cette immobilité glacé.

Après plusieurs doutes et hésitations quand à ma position je finis par arriver au petit hameau à la tombée de la nuit, vers quinze heures trente cela dit en passant. Ce dernier possédait une authenticité saisissante : De traditionnelles maisons semblant avoir été érigé depuis la nuit des temps laissaient échapper de fins volutes de fumée, une belle rivière à moitié gelé coulait en son centre, des poules bien grasse vagabondaient à travers les chemins de terre, des grands-mères ridées emmitouflées dans de véritables patchworks de vêtements revenaient de leur puit un seau à la main, le fou du village vint taper la cosette avec moi et je déclenchais un véritable concert d’aboiements dans ce paisible lieu qui l’avait été avant mon arrivée.

J’établis mon campement quelques kilomètres plus loin sur un lit de mousse épaisse, entre quelques pins majestueux. Tandis que je m’occupais de collecter une grosse pile de bois sec le mercure chuta en masse jusqu’à moins dix-sept… Cela allait descendre un peu plus sans aucun doute.

Et comble de malchance je réalisais que je n’avais plus d’écorces de bouleau. Et pas un de ces arbres ne se dessinaient dans la forêt. Mes pieds et mes doigts bien gelés je m’efforçais d’essayer d’allumer mon feu avec un bout de carton trouvé au fond de mon sac.. Mon cœur battit à la vision d’une flamme passagère, stoppa lorsque qu’une petite brindille daigna à s’enflammer et se fissura au retour de l’obscurité quand une dernière fumé m’annonça que j’avais lamentablement échoué.

J’avais plus l’énergie de recommencer, mes orteils durcis par le gel criaient le repli et je fonça droit dans mon sac de couchage.

Privé de feu j’avais cette impression d’avoir posé un lapin à l’un de mes meilleurs amis.

Dans la forêt ce soir-là de grand craquements retentissaient toutes les quinze ou vingt secondes. Même le bois des arbres semblaient grelotter.

Mon sac de couchage est conçu pour les moins vingt degrés pour un mâle ; Cela dans la théorie bien sûr. Ajouté une fatigue de la journée, un sac de couchage gelé et humide de la condensation de la veille, une alimentation et une hydratation minimale, une isolation du sol pouvant être améliorée et je peux vous garantir que la nuit ne vous semblera tous sauf chaude !

Je dus même dormir avec mon eau cette nuit-là…

Un pull enfilé vers les cinq heure du matin fut indispensable pour tenir jusqu’au matin et je partis sans plus tarder afin de me réchauffer.

J’arrivais deux heure plus tard en suivant en sentier sinueux à un petit village, touchant presque la frontière Biélorusse. En demandant un litre d’eau à une maison je fus invité par un gentil couple de retraité à me réchauffer autour d’un bon thé et gâteau.

Le mari m’accompagna ensuite quelques minutes sur le chemin puis je le poursuivis seul. Sans le savoir ces pistes étaient apparemment interdites à cause de la trop grande proximité avec la frontière biélorusse.

Plusieurs 4×4 de la police patrouillaient et à cet effet je fus contrôlé à deux reprises d’une façon plutôt rigoureuse.

Un des policiers ne sembla pas me croire lorsque je lui dit que je venais de Vilnius à pied.

– Mais c’est à plus de cent kilomètres !! me dit-il abasourdi !

Je vous laisse imaginer sa tête lorsque je lui appris que j’en avais marché pratiquement cent fois plus.

La piste s’arrêta à un dernier hameau et je choisi de suivre la frontière à travers la forêt où un petit sentier semblait la suivre.

Au fur et à mesure que j’avançais je contemplais de splendides tourbières gelées. Cela me rappelais celles de l’Estonie, de longs mois auparavant… Alors que l’obscurité se faisait grandissante un obstacle m’arrêta : Le soi-disant sentier s’arrêtait devant un grand marécage ressemblant plus à une rivière ayant débordé. J’aperçut à plus de cent cinquante mètres la balise de la frontière m’indiquant ce que je devais franchir. L’eau était gelé mais paraissait encore assez fragile ; La profondeur devait dépasser les deux mètres car mon bâton n’arrivait même pas à toucher le fond lorsque je l’eu sondé.

J’avais pas trop le choix, c’était ça ou revenir sur mes pas afin de trouver un moyen de contourner l’obstacle, mais cette entreprise m’apparaissait bien délicate car ma carte indiquait que cela s’étendait sur plusieurs kilomètres.

Cent cinquante mètres… C’était pas énorme mais si la glace venait à craquer j’étais seul à des kilomètres à la ronde et il faisait moins quinze…

Je me décidais, défit le nœud que je faisais à ma ceinture centrale afin d’éviter qu’elle ne se desserre, puis m’avança précautionnent sur cette étendue gelée.

D’horribles craquements se faisaient entendre à chaque nouveau pas, mon bâton ouvrait la marche tâtant à chaque fois la solidité. J’apprenais vite à reconnaître à l’esthétique les différentes épaisseurs de glace.

J’avançais lentement, trop lentement, surtout lorsque je jetais un œil par moment à la distance qu’il me restait à parcourir.

Un bruit étourdissant me dérangeait. Je me rendais compte que ce vacarme était dut aux battements de mon propre cœur.

Plus que dix mètres, cinq… Sur les deux derniers je sentais la glace très mince et les craquements et fissures s’intensifièrent ; Je courus et arriva enfin sur la terre ferme en poussant un cri de Tarzan.

Je marchais encore une heure toujours pas très sûr du chemin s’effaçant parfois. Je finis par planter la tente dans cette forêt qui commençait à me donner la chair de poule. Le froid était intense, encore une soirée d’apprentissage.

Mais laissez-moi vous expliquer pas par pas ce que vivre nomade par moins quinze signifie lors d’une soirée et d’un matin dans la nature, cela de mon point de vue suite à mon expérience personnelle :

La nuit arrive, il n’est que quinze heure trente certes mais marcher dans le noir n’est pas commode. Je dois alors chercher le coin de bivouac le plus adapté ; Plusieurs facteurs de choix entre alors en compte : Oubliez les champs ou autres étendus apportant gel intense, vulnérabilité face aux éléments et aucune possibilité de faire du feu. La forêt offre ce qu’il y a de meilleur, privilégiez là. Cherchez un endroit dénué d’humidité (loin des lacs et marécages), à proximité de sapins aux branches basses pouvant servir pour l’isolation, et de préférence à côté d’un arbre couché mort vous évitant de nombreux aller-retour pour la collecte de bois.

Une fois le coin choisit, je pose le sac, plante mon bâton, marque mon territoire en pissant à côté, et accroche mon petit thermomètre sur une petite branche.

La chaleur que m’a procuré la marche est encore présente pour quelques minutes ; Il ne s’agit pas de la gaspiller. Première chose ramasser du bois ; J’enfile mes gants « de travail », puis entreprend de récolter une grosse pile de branche sèches de différentes épaisseurs. Le meilleur bois est celui se situant en hauteur, celui tombé au sol étant généralement plus dur à allumer. Cette corvée faite, ce qui me prend environ quinze à vingt minutes, je déplis ma tente sur un endroit assez plat après avoir disposé un lit de branches de sapin sur l’espace qui l’abritera.

La toile est toute gelée et une fois celle-ci érigée, l’intérieur est toujours une bonne surprise : La condensation de la nuit précédente s’y trouve, non pas sous une forme humide, mais en quantité de neige suffisante pour en faire une grosse boule de la taille du poing. Ce nettoyage fait, je rentre successivement matelas en mousse, mon kindle, ma trousse de toilette, mon sac étanche contenant mes différents carnets, l’appareil photo, ma carte, ainsi que mon sac de couchage. Je déroule ce dernier qui se fige en quelques minutes, la nuit précédente l’ayant rendu très humide ; Un petit filet se trouve à l’intérieur, j’y met podomètre et batteries craignant le froid.

Je rentre ensuite mon gros sac à l’intérieur après avoir pris mon sac « feu » contenant réchaud à bois, écorces de bouleau et allumettes ainsi que mon sac de nourriture, mon couteau, ma bouteille d’eau remplit puis ma gamelle.

Je peux commencer le feu. Sous ce froid il s’agit de faire assez vite car le corps d’engourdit assez vite en demandant sa dose de chaleur. Le bois est généralement gelé en profondeur et une bonne technique consiste à faire de petites entailles à chaque branches d’allumage afin de donner plus de points de combustion à ces dernières ; Je l’ai baptisé la technique hérisson.

Une fois ceci près je dispose plusieurs branches sous forme de première couche afin de créer une isolation du sol et une bonne ventilation. J’allume ensuite le feu avec mes bouts d’écorces de bouleau dont je conserve généralement sur moi une bonne quantité d’avance. Le briquet est inutile, à moins de le frictionner pendant trois minutes pour le réchauffer. Les allumettes sont le meilleur moyen selon moi.

J’allume toujours mon feu ma lampe frontale éteinte. L’électrique n’a absolument rien à voir dans ce genre de moment. Seul compte cette concentration fabuleuse, cet arrêt de l’horloge lorsque toute notre énergie et notre regard se laisse posséder par la petite flamme vacillante dans l’obscurité, nous narguant presque de sa fragilité et de la dépendance que l’on a face à elle.

La confiance en soi, la persévérance, l’humilité, l’amour de la vie, le respect, la gratitude, la simplicité ; L’allumage d’un feu est une formidable leçon de vie nous apprenant les plus belles valeurs mieux que toute leçons et écoles.

C’est une balance difficile à comprendre que d’entretenir un feu en arrivant à le faire monter en intensité le plus rapidement possible puis de le faire tenir le plus longtemps à un certain stade, tout cela en consommant le minimum de bois possible. C’est un jeu de mikado passionnant qu’il ne vaut mieux pas perdre en hiver.

S’occuper d’un feu est un véritable art d’un autre âge ; Le faire sous moins quinze est d’autant plus puissant car de simple distraction il se mut en besoin vital. C’est devoir veiller à maintenir un équilibre constant entre deux extrêmes ; Le monde s’arrête de tourner et de vous préoccuper, seul compte alors l’espace entre le feu et vous ainsi que celui vous séparant de votre réserve de bois.

Je m’organise ensuite autour du foyer crépitant. Je me débrouille pour tout avoir à porter de mains afin de conserver et d’emmagasiner un maximum de chaleur avant d’aller dormir.

Je remplis ma popote en titane de 0,9 litre, la dispose intelligemment dans un coin du feu que j’aurais aménagé puis en attendant que l’eau bout je prépare les ingrédients de ce que j’appelle « le plat du guerrier » :

Une moitié d’oignon découpée en rondelles, quelques bouts de lard fumé ou de gras, un morceau de fromage, deux soupes de nouilles chinoise à la tomates (les moins chère) et quelques épices. C’est consistant, bon marché, calorifique, pas trop lourd et plutôt équilibré.

Je mange en silence en mettant un temps infini. La nuit m’appartient, pourquoi devoir me hâter ?

Un petit thé sert de dessert. Je me déchausse ensuite, passe quelques minutes à nettoyer et masser mes pieds puis fais sécher semelles intérieur, chaussettes ainsi que chaussures, tout en faisant attention avec ces dernières à ne pas les mettre trop près de la chaleur sous peine de les voir rétrécirent.

Je passe ensuite le reste de la soirée à observer les flammes, à lire, à chanter, à jouer un peu de musique et à écrire pensées et récit de la journée. La vie parait parfois si simple et belle dans de tels moments.

Cela fais plus de huit mois depuis mon nouveau départ que je fais pratiquement un feu par jour, mais depuis cet hiver j’ai l’impression de tout redécouvrir de celui-ci, de le voir sous un tout nouvel angle. C’est un peu comme si de simple camarade il était passé au rang de ami.

Il me confit ces secrets et faiblesses, je fais de même avec lui, il me réchauffe le cœur en même temps que le corps, je le nourris de bois, de paroles et d’amour.

Il est le roi des ténèbres et je deviens en sa compagnie le prince de la forêt.

Son pouvoir est fascinant : Il  me permet de boire, manger et vivre confortablement, il m’hypnotise, il éclaire l’espace en même temps que mes pensées ; A la lueur de ces flammes je me transporte plusieurs centaines de milliers d’années en arrière, imaginant ces mêmes gestes et sensations que mes ancêtres au long poils ont un jour ressenti dans des conditions apparentes.

Je pars ensuite dans ma tente en prenant soin de charger au maximum le feu d’une certaine manière afin de conserver quelques braises chaudes pour le lendemain matin.

Un dernier coup d’œil au thermomètre, puis je referme la toile. Les fermetures éclaires sont effroyables lorsqu’elles sont gelées, je dois à chaque fois les réchauffer avec mes mains, voir par certains moments uriner dessus pour qu’elles daignent enfin à glisser convenablement.

Je quitte les chaussures, puis les disposes près de ma couche; Conscient que le lendemain elle seront dures et douloureuses à enfiler, je les « tends » de l’intérieur avec mes sardines de tentes restantes ou encore deux bouts de bois taillés.

Je vide ensuite le reste de mon eau dans ma casserole afin de n’avoir plus qu’à la mettre sur le feu pour la dégeler le lendemain matin.

Le sac de couchage étendu ressemble par sa consistance à un bout de carton craquant. Je quitte mon pantalon et mon unique pull puis les transformes en oreiller. Je porte constamment sur moi une couche de vêtements en laine mérinos sous forme de tee short à manches longues puis de collant ; Je les enlèves pour ainsi dire presque jamais, les douches étant rares et les propriétés anti bactérienne de la laine retardant considérablement le côté odeur et bactéries.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser il ne sert à rien d’avoir une montagne de vêtements chaud lorsque on voyage à pied en hiver. Je suis habillé d’une façon très simple et légère : Une première couche de laine (200gr/m²), un pull (400gr/m²), une veste gore tex n’apportant aucune chaleur et un pantalon de randonnée d’été. Une cagoule, des gants et des bonnes chaussettes viennent compléter.

Le lavage de cet ensemble est très rare, environ une fois par mois (ou plus souvent lorsque on me propose une machine à laver) ; Seule les chaussettes, dont j’en possède deux paires, et dont j’arrive à garder environ quatre jours, sont à se préoccuper. Je les laves généralement dans des lavabos publiques au simple savon ou lorsque je prends une douche chez les habitants m’accueillant de temps en temps.

Certaines personnes sont étonnés, d’autres pensent que ce n’est pas hygiénique, mais la transpiration est rare et le corps, reput de nourriture qu’il utilise directement, est bien moins enclin à sentir de cette manière, surtout en vivant constamment à l’extérieur. Une semaine sans douche en hiver n’a absolument rien de contraignant, et au pire, de petits lavages expresses à l’éponge conviennent parfaitement. A vrai dire le seul moment où l’on se sent sale est lorsque l’on se trouve dans un endroit chauffé.

Bien confortable, je ferme la collerette et l’ouverture de mon sac de couchage au maximum et m’endort dans un sommeil de cent rêves.

Je n’ai jamais passé d’aussi bonnes nuits depuis que je dors sous la tente. L’absence d’ondes, d’énergies humaines et de tracas, combiné à la puissance de la nature environnante puis d’une bonne journée d’efforts, agit comme le plus puissant des somnifères.

La nuit apporte son lots de bruits berçants : De constants craquements des arbres et de la glace des alentours, du vent ou de la neige ou encore des animaux passant près de la tente dont quelques cris et grognements de ma part suffisent à les faire déguerpir.

La nuit est généralement agréable jusqu’à vers les cinq heures du matin. Un léger froid me réveille alors, je mets mon pull, attend quelques minutes que la chaleur revienne puis me rendors encore quelques temps.

D’après moi on peut posséder le meilleur sac de couchage du monde, il n’empêchera pas de ressentir se petit froid. Ce n’est qu’une théorie mais je pense qu’il arrive un moment où le corps ne peut plus produire une chaleur nécessaire pour nous faire sentir confortable et chaud.

Le réveil est toujours un grand moment… Encore enfoui au fond du sac de couchage, un petit coup d’œil à l’extérieur offre une bouffée d’air glacial que l’on va devoir affronter si l’on veut partir de bonne heure. Tout l’intérieur est gelé, cela brille de partout mais heureusement ma grande tente possède l’avantage d’avoir par sa taille une très bonne ventilation rendant le niveau de condensation au minimum.

Je m’habille vite, met mes chaussures glacées dont le cuir durcit agit comme une brulure sur les doigts de pieds, sort de la tente en bataillant comme toujours pour les fermetures éclaires puis rallume le feu de la veille. Je prends un bon thé ou café ainsi que un petit déjeuner consistant composé généralement de deux cent grammes de biscuits ou de pains- miel.

Commencer une journée de cette manière c’est un peu comme de le faire par une partie de jambes en l’air avec sa compagne de bon matin : Cela vous réchauffe, vous remplit de bonheur, et apporte un premier événement de votre journée commençant tout juste.

Je plis ensuite le campement méthodiquement :

La presque totalité de mon matériel est divisés dans de petits sacs compressibles et étanches, je les sort tous hors de la tente, plis cette dernière en la secouant au maximum en utilisant de bon gants étanches, puis rentre tous dans mon gros sac.

Je ne perds et n’abime jamais rien ;  Tous cela grâce à un ordre, un entretient et une discipline presque militaire de la façon dont j’organise et prend soin de mon équipement. Tout a une place attitré, tous est placés à tel endroit pour une raison précise, tout est accessible au niveau de la fréquence d’utilisation de chaque éléments. Une fois sur le dos, je me suis aménagé un confort d’accès au niveau de toute choses utiles dans la journée :

Ma carte, relié à un élastique dans sa protection de plastique, est rangé entre mon dos et mon sac de façon à pouvoir l’avoir et la ranger très vite, mon podomètre est accroché au niveau de la ceinture de mon pantalon permettant de le garder chaud grâce à la chaleur de mon corps, mon appareil photo et mon couteau suisse sont dans une sacoche étanche sur ma ceinture, ma boussole et mon porte-monnaie sont eux rangés dans une petite poche de la ceinture du sac, carnets, stylos, mp3 et thermomètre sont eux dans mes poches de pantalon, ma bouteille d’eau m’est accessible grâce à une simple petite ficelle relié à la fermeture éclair de la grande poche des côtés du sac dont je peux actionner et prendre la bouteille sans avoir à poser le sac à terre, poncho, gants et protège sac reposent dans les filets.

J’aime cette équilibre dans ce matériel, j’aime ce fait d’avoir constamment sur moi tout ce dont je peux avoir besoin en n’importe quelles saisons et temps. Avoir le tout dans moins de vingt-cinq kilos est d’autant plus formidable, cela offrant un extasiant sentiment de liberté mêlé à un abandon de toute préoccupations de mes possessions.

Les plus belles propriétés sont celles que l’on peut porter sur soi, le superflue se distingue après cette limite.

Je remercie toujours les lieux avant de partir ; Ils m’accueillent c’est la moindre des choses que je peux leur rendre.

Il faut environ trente minutes d’efforts afin de chauffer de nouveau le corps et ne plus ressentir les effets crispants du froid. Une fois cela dépassé, une fois la machine lancée, c’est un véritable bonheur sans fin qui en découle. Celui de se dire « j’ai affronté une nuit dans la nature, je l’ai passé, je n’ai porter atteinte à personne, j’ai appris de cette nuit et je vais sans doute en apprendre encore dans la suivante, je marche libre dans des espaces libres, je suis vivant ! »

Ne prenez pas ce long paragraphe comme une vérité, peut-être ai-je tort à certains points, peut être que je fais mal certains points et qu’il existe de meilleurs moyens de vivre le nomadisme en hiver. Ceci est une simple description de ce que j’ai appris par moi-même.

Me croyant perdus, même passé en Biélorussie, je finis le lendemain par trouver mon chemin à travers une forêt d’un silence étourdissant. Je passais par un petit hameau perdu puis marchais dans d’immenses champs gelés ; Des petits renardeaux s’amusaient ensemble, ils m’aperçurent à moins de cent mètres et détalèrent par saccades en s’arrêtant toute les dix secondes afin de me regarder.

J’arrivais le soir au milieu de quelques maisons de bois où une petite vieille me remplit ma gourde d’eau chaude; Je marchais encore quelques minutes avant de planter ma tente dans un magnifique coin. La neige commença à tomber. Mon feu éclairait chaque petits flocons.

Ma bouteille étant vide après une soupe et un thé, je dus partir dans l’obscurité afin de chercher une rivière, briser la glace et me prendre deux litres ;  Ce ne fut que six cent mètres d’aller-retour mais quelle sentiment incroyable de sécurité je ressentis après être revenu près des flammes.

Retour à la civilisation le lendemain soir, au village de Druskininkai, ce dernier très touristique pour la renommée de ces sources thermales.

Désirant un peu de confort pour la nuit je me rendis au centre afin de demander un grenier à une auberge. Personne ne voulut de moi bien sûr mais je fis la rencontre de Juraté, une sympathique artiste-ancienne baroudeuse qui m’accompagna jusqu’à l’hôtel-maison d’une amie à elle. Cette dernière m’installa dans une coquette chambre, me servit thé et gâteau puis redoubla d’attention envers mois jusqu’au lendemain matin où je dus livrer une véritable bataille pour quelle accepte de l’argent de ma part.

Je quittais Druskininkai et retrouvais une heure plus tard des chemins incertains, blanches forêts et quiétude d’esprit. Je marchais toute la journée sans rencontrer personne mais un ciel bleu m’offrit une joie sans pareille à la vue de plusieurs lacs scintillants et nature rayonnante.

Je passais un village le soir, sous un coucher de soleil plutôt spectaculaire ; Il faisait moins onze degrés, un vieil homme revenait de sa pêche sur glace munit de simplement d’un gros pic d’acier, d’un siège pliable et d’un sac en osier, deux frères de bas âge s’occupaient de rentrer une grosse pile de bois dans la remise, un coq se disputait avec une grasse poule, des rideaux s’ouvraient à mon passage, des chiens aboyaient, ma caravane passait.

Alors que j’étais en route le lendemain pour le prochain village, je réalisais que je suivais un immense lac gelé menant tout droit à ce village. Je vis sur la carte qu’il mesurait pas moins de quatre kilomètres de longueur… La glace paraissait assez épaisse pourquoi ne pas le traverser ?

Le cœur tout battant d’un mélange de peur et d’excitation, je m’engagea dans ce désert de glace sous une bonne tombée de neige. La sensation était extraordinaire, au fur et à mesure que je m’éloignais de la rive je sentis de nouveau en moi cette sensation d’extrême fragilité et en même temps d’incroyable puissance du fait de braver une peur. Est-ce dangereux d’aimer le danger ?

Je marchais sous cinquante mètres d’eau sur dix centimètres de glace ; Par moment des sortes de courants dans le lac étaient visible sous forme d’ondulations, la glace était à ces endroits transparente et je pris soin de bien les contourner.

Trente minutes d’avancée me menèrent à une rencontre plutôt surprenante : Un grand cygne malade ou blessé se trouvait lové au milieu de ce lac. Il était vraiment mal en point, baignant dans son urine et sa merde, semblant attendre la grande faucheuse qui ne saurait tarder… A l’aide de mon bâton j’essayais de l’aider à rejoindre la rive en le forçant à avancer, en vain. La bête se contenta de quelques mètres et s’effondra en me poussant de grand cris de fureur.

Je finis par l’abandonner.

Un kilomètre plus loin j’aperçu à travers le brouillard la silhouette d’un pêcheur sur glace, le sport national des pays baltes. Je me dirigea vers lui et discuta par signes quelques minutes ; Me montrant ces quelques prises de la journée il m’expliqua son procédé qui était d’une simplicité étonnante :

Perçant une dizaine de trous de quelques centimètres de largeur dans la glace à différents endroits du lac, il plaçait tout d’abord quelques appâts puis insérait une ligne de pêche relié à un bout de bois la retenant de la surface de la glace. Il se contentait ensuite de revenir quelques heures plus tard afin de relever ces prises.

J’atteignis enfin la rive opposé puis rejoins le village de Veisiejai. Les températures remontèrent soudain en quelques heures, il se mit même à pleuvoir alors qu’il faisait à peine moins cinq degrés. C’était assez étrange de sentir son sac à dos et sa veste geler directement.

Nous étions le 31 décembre 2014. Je n’avais aucune idée de l’endroit où j’allais passer ce passage de la nouvel année. Je continua dans de jolies campagnes jusqu’à bifurquer sur un chemin traversant une grosse forêt.

La nuit arrivait, aucune maison ne se profilait dans l’horizon forestier… Je posa le sac à dos à terre puis alors que j’avais sortis la tente et commencé à chercher une pile de bois, j’aperçus une lueur d’une ferme à quelques centaines de mètres. Je remballais mon paquetage pris d’une soudaine envie d’hospitalité.

Je toqua à la porte, demanda un coin à dormir puis fut invité à rentrer par toute la famille. La foule était nombreuse, en plus des deux géniteurs se trouvait rassemblées leur quatre filles, chacune accompagnée par maris, copains et enfants. Pratiquement tout le monde parlait anglais à ma grande joie.

En Lituanie il est apparemment plus courant que le nouvel an soit une fête de famille.

On me servit thé, gras fumé et pains en guise d’apéros puis on passa à table deux heures plus tard. Il y avait quand même quelque chose de dérangeant dans cette rencontre : Personne ne semblait trop se préoccuper de moi, même si on veillait à ce que je ne manque de rien. Mais le repas arriva, simple et bon et je pu échanger un peu plus avec mes nouveaux amis.

Il est de tradition que un seul shooter circule sur la table afin de boire l’eau de vie ou la vodka. Une fois le verre vidé, lancé un « i sveikata », il faut alors remplir le prochain pour son voisin de droite. Le grand père semblait m’avoir donné comme chalenge de le suivre ; J’avais dix minutes de battement entre deux tournées…

Minuit arriva, on se rendit dehors où un immense feu brulait dans un champ. Ils avaient prévu à l’occasion un feu d’artifice spectaculaire. Tandis que les éclairs scintillant de différentes couleurs éclataient dans la nuit, nous nous souhaitons tous la bonne année dans de belles étreintes.

Je partis le lendemain après-midi, après un long pti déj et quelques cadeaux de nourriture et de chaussettes. Je ne saurais dire si j’ai vraiment apprécié cette rencontre… Ils étaient tous très gentils mais bien qu’il me répugne à l’écrire, je n’avais pas grand-chose à leur dire, comme ils l’avaient pour moi je suppose; Par moment le fossé creusé entre deux modes de vie opposés est plutôt difficile lors de rencontres, bien que il arrive souvent que cela ne pose aucun problème.

Je bataillait toute la journée sur des pistes complétement gelées me donnant d’horribles courbatures au niveau des cuisses, l’effort fournis par mes muscles afin de contrer ces glissades étant différents d’une marche normale.

Je parvint fatigué comme jamais à Lazdijai, mon dernier village Lituanien.

Ma traversée des pays baltes se terminait ainsi…. Je me rappelais plusieurs mois en arrière lorsque j’essayais de m’imaginer quelle type de contrées cela allait être, préjugés et stéréotypes bourdonnant autour de cet image que je m‘efforçait de me faire. J’ai profondément aimé les découvrir en solitaire ; Chacun d’eux m’ont énormément apporté : L’Estonie m’a offert un temps dans la nature dans de formidable paysages de tourbières, profondes forêts et agréables bords de mer, tout cela à travers de belles rencontres et de moments seul ; La Lettonie a été une période de marche difficile sous la pluie mais les rencontres et les surprises ont dépassé tout ce que j’aurais pu imaginer… La Lituanie, quant à elle, a été un mélange de tout dans une profonde intensité, j’y ai appris à vivre dans le sauvage sous des températures très basse, j’ai fait l’amour à un ange, j’ai rencontré des personnes toutes différentes et intéressante les unes des autres puis je me suis découvert un peu plus à travers de belles épreuves et de moments simples.

Je campais ce soir-là à cinq kilomètres de la Pologne, dans un état de fatigue très important qui me surprit un peu ; Cela faisait à peine dix jours que j’étais repartis de Vilnius pourtant.

J’atteignis la frontière le lendemain sous la pluie battante et glaçante, le moral un peu resté en arrière. Mais cela c’était sans savoir ce qui m’attendait quelques kilomètres plus loin…

 

Jérôme

 

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Fabrication et vente de beurre de cacahuètes

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Prèparation de la traversée de la Pologne

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Mon péché mignon des pti déj

Sortie dans Vilnius le soir avec Donatas et Lina

Sortie dans Vilnius le soir avec Donatas et Lina

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Mes premiers couchsurfeur Viktorija et Martinas

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Retour du beau temps et du froid

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La vie parait si simple et belle autour d’un bon feu sous – 15 degrés

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Marche sur une piste interdite à la frontière de la Biélorussie

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Température à la pause de midi

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Feu du matin

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Des villages et hameaux perdus dans leur solitude et leur beauté

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Pains et paté gelés ! Seul le gras résiste !

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Un peu perdu dans les parcs nationaux

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Marche entre deux frontières

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Marécages gelés

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Tombées de neige dans la nuit

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Passages de hameaux

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Le puit, élément incoutournable de chaque maison de Lituanie

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Aucun mots ne pouraient refléter ce bonheur de fin de journée près du feu

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De belles forêts déserte

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Le réchaud à bois m’encombre désormais

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La neige reste modéré

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Il est 15 h 30, la nuit arrive…

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Quelques traversées sur de petits lacs gelés

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Organisation de la soirée

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Un coucher de soleil plutôt joli

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Quatre kilomètres marchés au milieu d’un grand lac

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Sensation fabuleuse

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Première rencontre : Une oie blessé ou malade incapable de bouger

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Cinquante mètres d’eau sous ces dix centimètres de glace

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Deuxième rencontre : Un pécheur sur glace très sympa

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Le sport national des pays baltes : La pêche sur glace

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Nuit dans la ferme d’une grande famille pour le nouvel an

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4 réflexions au sujet de « Partie 2 : Cœur de femme et corps de glace »

  1. Bonsoir Jérôme , il est 22h00 à Francheville, je viens de lire ton odyssée en Russie et dernièrement la Lituanie : Coeur de femme et corps de glace !!!Texte magnifique , plein d’imprévus, des rencontres « sulfureuses  » et quelle beauté que dégagent tes photos surnaturelles….
    Je me présente c’est Michel, j’ai fais connaissance de ton site , par ton G.P. Pierre que je connais de longue date.Il était chez nous hier après-midi avec Simone , ils venaient prendre des nouvelles de mon épouse Jacqueline qui vient de se faire opérer d’un pied.Je disais donc que je connais toutes les familles Lachana : Daniel et Sylvie, sa maman Michèle, Alain et tes G.P. Je fais partie du Rando-club depuis 9 ans ainsi que mon épouse.J’anime la section , photos et vidéos.
    J’admire ta prose , tu as manqué ta vocation d’être un écrivain.J’ai vu dans tes projets le désir faire partager ta passion des voyages par la publication de plusieurs livres.Très belle initiative , donner le goût de l’aventure aux jeunes et de se surpasser…..oublier le confort de notre civilisation de consommation.
    Je te souhaite une bonne continuation de ton voyage , en espérant que tu sera quand même de retour pour l’anniversaire des 801 ans de Pierre , le 31 mai prochain.Le compte est-il bon ? 90 jours à 30 kms/jour soit 2700 kms pour rallier depuis la Pologne: la Slovaquie,Hongrie,Roumanie,Serbie,Albanie,Italie du Sud, retour France !!!!!!!! Bien AMICALEMENT MICHEL

    • Merci pour ce message Michel; Les 801 ans du grand père ?? Et bien ça me laisse encore une bonne marge pour rentrer hehehe
      Malheureusement je ne pense pas revenir avant d’avoir finis. Je serrais donc surement présent pour ces 82 ans !!
      A bientôt Jérôme

      • Hello Jerôme , heureusement que les fautes de frappe ça existe !!!!!! je me demande comment tu fais pour écrire , la frappe au clavier ou avec la reconnaissance vocale ? en tout cas j’admire ton courage !!!!! MICHEL CHETOT

  2. C’est toujours autant un plaisir de te lire et ce que tu écris est toujours aussi beau. Je ne sais pas quoi dire de plus mais je pense qu’en même temps j’ai tout dit. :)
    Je te souhaite une bonne continuation et j’espère que tout se passe bien pour toi en ce moment.

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