Partie 1 : Larmes de pluie et sueur de neige

dcdczd

Le voyage au 21eme siècle a perdu en intensité ce qu’il a gagné en sécurité.

Lorsque auparavant un voyage était entreprit, c’était partir sans moyen de communication, c’était accepter de mettre plusieurs mois pour atteindre un autre continent, c’était se mettre dans la tête que le non-retour était possible, c’était traverser des endroits pratiquement inexplorés. L’aventure s’imprégnait sur chaque atome de votre corps.

Jules Verne arrive par instant à m’en faire éprouver une douce nostalgie.

De nos jours on parcourt des centaines de kilomètres jusqu’en France pour se repaître à la vue d’une grosse tour rouillée et manger des escargots, on se rend au Pérou pour voir un lama et se promener dans les ruines d’une cité inca surabondée de touristes, on s’envole ensuite pour la Chine afin de prendre la photo d’une barrière de briques et manger avec des baguettes, puis on finit en Australie pour apercevoir un Kangourou pour enfin revenir chez soit en postant un album de photos sur un réseau social que l’on nommera « Tour du monde ».

Les expériences de vie ont été relégué par le culte de l’image et du syndrome du mouton.

Le plus souvent, comme le dirait un ermite-marcheur aimant s’adonner aux joies de la vie en cabane en Sibérie, la seule chose que l’on arrive vraiment à faire voyager c’est sa déception.

Derrière la belle carte postale se cache généralement la triste vérité.

La recherche personnel du fait de voyager diffère bien sûr pour chacun : On part pour partir, pour visiter, pour fuir, pour se chercher, pour les sensations, parce que tout le monde le fait, par curiosité ou encore par l’attrait de nouveaux horizons inconnus.

Voyager inclut un mode de déplacement, ceux-ci sont multiples : Pour ma part, après des essais dans chacune de ces disciplines, je trouve l’avion trop rapide et dénué de sens, le train et le bus demandant trop d’organisation, l’auto stop prétentieux et énervant et le vélo restant encore trop rapide et encombrant, la marche quant à elle, par sa lenteur et sa simplicité, m’a séduite au plus haut niveau.

Voyager en itinérance par des moyens non motorisé, c’est-à-dire par la seul force de son physique, amène tout de suite un équilibre de vie ainsi que de nouvelles perceptions, jusque alors inconnue car enfoui sous le gravât de nos préoccupations secondaires. On retire un pourcentage important au niveau de la dépendance, on épaissit les secondes en obstruant le bac du sable du temps par l’exploitation de chacune de ces dernières, on rejette la facilité évidente, on étire notre bonheur afin que le cheminement en devienne plus important que le but en lui-même.  Ce dernier point étant le fondamental de l’itinérance : Où le voyageur n’espérant que atteindre le point B du point A en transférant sa capacité de mouvement à des machines, le marcheur de montagnes, le cycliste des routes, le rameur des océans ou encore le cavalier des steppes, se contrefoutent royalement de la ligne d’arrivée.

Le moment viendra un jour où il faudra que j’arrête le mouvement afin de réfléchir à l’immobilité… Pour l’instant j’essaye de ne pas trop y penser. Cette période verra le jour, mais elle est encore loin.

La stagnation freine et démystifie la venue de l’imprévus et de la remise en question. Des repères installés en soi, l’esprit est soudainement pris de somnolence et se construit ces propres remparts contre son évolution.

Bouger sans cesse c’est se rendre vulnérable à la beauté du monde dans ces moindres détails, c’est transparaître une émotion de chaque instant par la simple conscience du caractère unique de ces derniers, c’est accepter de renoncer à toute ambition par le paraître et de la propriété.

Voilà ce que j’aimerais dire à chaque personne me demandant constamment pourquoi être parti ? Pourquoi à pied ? Que va tu faire après cela ? Ou encore ceux s’arrêtant à mon passage pour me demander de monter dans leur voiture. Mais le plus souvent pour ceux là, faute de temps et de motivation, je me contente d’un sourire bête en leur disant que j’aime bien marcher.

 

Vendredi 2 janvier 2015, quoi de mieux pour entamer cette nouvelle année que d’entrer dans un nouveau pays. A oui depuis deux jours je deviens officiellement un inconnu pour la sécurité sociale. Voyager et vivre sans assurance est un sujet dont je ne préfère pas m’arrêter ; J’en ai eu marre de ces éternels prévoyances dont on me mettait en garde à propos d’un nombre incalculables de maladies, de risques, d’accidents voir même de captivité. Si depuis toute ces années je mettais obliger à prendre en vérité tous ces « conseils », c’est à peine si j’oserais sortir du perron de mon ancienne caravane.

Je ne sais pas encore si je devrais prendre une assurance pour le reste de cette marche Le « vaut mieux prévenir que guérir » que tout le monde me rabât s’est à force bien implanter dans mon esprit et je commence à me dire que le vent de la chance que j’ai depuis mon départ pourrait finir un jour par tourner.

J’entrais en Pologne fatigué et sous une pluie verglaçante transformant la route principale en véritable patinoire. La région de Mazurie, réputée pour être la plus froide du pays, m’apparaissant comme ayant sauté une année.

Cinq épuisants kilomètres après la frontière, mon regard fut attiré par une forme magnifique à moins de deux cent mètres. Je l’avais aperçus à peine une seconde, cette dernière étant caché par quelques collines, mais cela avait été suffisant pour avoir vu cette grande tente érigée près d’un joli lac.

Des voyageurs nomades en hiver ? Des collègues en quelque sorte !

Intrigué, j’allais « frapper » à la toile pour en savoir plus.

Des chuchotements paniqués d’avoir été découvert, des bredouillements et finalement la fermeture s’ouvrit pour laisser place à trois lithuaniens content que je ne fasse pas partis de la police.

– Mais qu’est ce vous faites ici ? je leur demanda.

– On va au Maroc et en Inde en stop ! me répondit une belle blonde d’un ton enjoué dans un anglais chantant.

– Oula mais on a des choses à se dire ! Je peux entrer ?

Et c’est ainsi que je passa finalement toute l’après-midi puis la nuit à leurs côtés.

Commençons les présentations : Lidija, 22 ans, hippie à tendance musicienne option drogues douces et aventures, Gintaré, guitariste métaleux du même âge, amoureux et chaufferette de Lidija, puis Augis, sa sœur jumelle, meilleure amie de Lidija catégorie timide mais téméraire.

Ce joyeux groupe était partit il y a trois jours de Vilnius avec comme projet de rejoindre en auto-stop Marrakech puis ensuite New Dehli. Un sac de couchage pour trois, pas de matelas de sol, un ordinateur de trois kilos, une guitare, un nombre incroyable de petits et gros sacs contenant de tout et n’importe quoi, seize euros en liquide puis cinq sur leur compte en banque, et la cerise sur le gâteau aucun passeport pour chacun d’entre eux.

Etrangement l’avenir ne semblait vraiment pas les inquiéter, surtout lorsque je leur annonçais que le grand froid allait arriver dans quelques jours.

Ils me chantèrent les habituelles louanges de rasta sur une vie d’amour et d’eau fraiche mais la tonalité restait plutôt faible et semblait avoir été apprit par cœur par un trop plein d’herbes fumé et de paroles de confrères entendus.

Mais outre cela ils furent une forte bonne compagnie pour le moment partagé avec eux.

La tente secouée par des rafales de vents et de neige fondue, nous passons le temps à transformer l’intérieur en sauna de fumée pas très légale puis à le faire résonner de musiques, chants, conversations, effluves de thé et senteur de pâtes aux épices. Nous dormons à quatre cette nuit dans ce petit espace, la tempête faisant rage dehors.

J’étais prêt en vingt minutes le lendemain, il leur a fallu pas moins de deux heures et demi pour plier leur campement et mettre sur leurs dos toutes leurs affaires reliées par sangles, ficelles voir même magie. Je me fis la réflexion que bien que la soirée fut merveilleuse, jamais je n’aimerais voyager de la sorte avec eux.

On rejoignit la route alors qu’une éclaircie apportait une pause. Je leur souhaita toute la chance du monde, et ils allaient en avoir besoin, puis quitta la route principale, emportant une dernière image de trois pouces levées dans une belle aura de persévérance et de confiance de vie.

J’arrivais à Sejny, quelques kilomètres plus loin. Je retirais quelques centaines de Zlotys ( 4,2 Zlotys vaut un euro) puis fis un tour au supermarché pour un ravitaillement.

Dans l’ensemble les pays baltes avaient été similaires dans leur architectures, paysages et mentalités. La Pologne tranchait d’un coup et une impression de revenir en Russie me prit.

Je me mis en route en direction de campagnes tranquilles puis fus de nouveau au calme. Des plaines s’étendaient un peu de partout parsemé de maisons en briques et béton fabriqué au feeling, remplaçant celles en bois de Lituanie. Il se remit à pleuvoir et je plantais la tente en fin de journée dans une forêt humide.

Je passais toute la journée du lendemain à effleurer de quelques kilomètres un grand parc national ; Alors que je progressais à travers un sentier boueux, une homme semblant chercher quelque chose à terre retint mon attention ; Maciej, quarante-cinq ans, parlait un peu anglais et se présenta comme étant un des gardes forestiers du parc et surtout passionné depuis toujours par les loups.

Apparemment une meute de huit occupait le territoire environnant et cela faisait près de vingt ans qu’il suivait  l’évolution de celle-là.

Il était en train de reconnaître des empreintes sur les chemins. Pendant près de trente minutes il m’expliqua les subtilités de cette reconnaissance :

– Les empreintes de chiens et de loups sont très difficile à différencier, commença Maciej en m’emmenant près de quelques-unes marquées dans la boue,  il faut tout d’abord mesurer la longueur totale de l’empreinte afin qu’elle soit supérieur à dix ou onze centimètres, ensuite l’espace du milieu, désigne généralement le loup lorsque celui-ci est important bien qu’il soit encore facile de se tromper ; On le différencie aussi du chien à sa façon de marcher, les pattes du loup se suivant en ligne droite, espacées de quatre-vingt centimètres environ, la patte arrière utilisant l’empreinte de la patte avant. C’est très compliqué de dénombrer une meute en sachant que les loups suivant l’alpha, utilisent aussi les traces laissées par celui-ci.

On continua à parler sur le chemin et lorsque je lui fis part de ma requête de mon envie de me reposer quelques jours afin d’écrire, il m’informa que le quartier général du parc national où il logeait, proposait des chambres très abordable. J’accepta et on se rendit là-bas où on m’installa dans une pièce d’étudiant à moins de vingt zlotys par nuit (4,5 euros).

Maciej dut partir très vite car un louveteau avait été retrouvé blessé dans un piège de braconnier à quelques kilomètres dans la forêt et une bonne partie des gardes du parc étaient mobilisés.

Je le retrouvais le soir chez lui, mon logement étant dans le même bâtiment.

Autour d’un thé je découvrais sa vie solitaire à travers son petit appartement débordant de cartes topographique, de photos de loups, d’outils et d’armes préhistorique, de matériel de photos professionnels et d’un nombre incroyable de livres sur tout ce qui touchait aux animaux et à la nature.

– Certaines personnes me trouve bizarre, me dit-il, car je suis toujours dans la forêt ; Honnêtement je ne connais pratiquement personne dans les environs, mise à part mes collègues de travail. Mais c’est pas grave car ce que j’aime par-dessus tout c’est être dans la nature et suivre les loups. Des vacances et week end je n’en prend presque jamais ! Et pourtant cela fait plus de vingt ans que je me lève avec le sourire… Et la forêt continue à me livrer ces secrets.

Je restais quatre jours dans cette chambre, à me couper les cheveux à l’aide du ciseau de mon couteau (c’est possible), à faire une lessive, du renfort de matériel, à écrire la journée et à rejoindre ce passionné les soirées pour boire le thé en même temps que ces paroles.

Je découvrais vite que les loups étaient de fascinantes bêtes d’une intelligente incroyable et bien différentes de ce que l’on pourrait croire d’elles compte tenu de leur réputation de tueuses, cela largement encouragé par la production hollywoodienne et légendes lugubres.

– On pense toujours que les loups sont dangereux pour l’homme, commençât Maciej, mais c’est complétement faux, ils ne s’approchent que très rarement des humains et quand ils le font ils se débrouillent pour le faire le plus discrètement possible, ne cherchant jamais le contact. Dormir dans une forêt remplit de loups ne présente absolument aucun danger. Pour dire même moi, en vingt ans de métier je n’en ai jamais aperçut !

Il me montra alors ces outils de travail permettant de capturer des vidéos de la vie des animaux en forêt.

Cela se présentait comme des caméras que l’on attachaient à des endroits de passages ; Ces dernières, pourvues de détecteurs de mouvements et de vision nocturne, filmaient chaque activités animale de la forêt.

Disposant de plus de deux mois de batterie, Maciej passait récolter les données de temps en temps.

On passa de belles heures à visionner ces films, on l’on pouvait apercevoir des scènes tout à fait uniques de la vie des loups ; Il me commentait et m’expliquait en même temps la hiérarchie instinctive, établit depuis la nuit des temps dans chaque meute :

– Une meute de loups à une organisation très spécifique, il y a en tout premier l’Alpha, composé d’un male et d’une femelle et étant considérés comme les chefs ; Ils se caractérise non pas par leur force mais par leur intelligence, ce rôle revient au Béta, se situant en deuxième position dans la hiérarchie ; Celui-ci, de par sa force, sert en quelque sorte de police et obéit aux ordres de l’Alpha en s’occupant de faire régner l’ordre dans la meute. En troisième position vienne les enfants, où en passant seul les Alpha ont le droit de se reproduire. Le reste de la meute arrive ensuite. Dans le cas où celle-ci est vraiment importante (plus de dix), il est désigné l’Oméga, qui est tout simplement le bouc émissaire de tout le monde ; Cela peut paraître barbare au premier abord mais l’Oméga est très important et permet de créer un grand équilibre dans la meute. Bien entendu lors d’une chasse, chaque partie de l’animal tué est réparti selon cette hiérarchie.

– Les territoires sont aussi très intéressant, continua Maciej, ils sont toujours de formes hexagonales pour la bonne raison que cela permet de mieux diviser l’espace en gardant un minimum de frontières communes. Leur diamètres sont généralement égaux à plus ou moins deux jours de course (environ cent kilomètres). Ce qui est fascinant là-dedans c’est que il n’y a pas que les loups étant au courant de ces frontières : Les élans notamment les connaissent parfaitement et les utilisent à leur avantages en s’en servant comme point de passage, les chances de croiser leurs prédateurs étant bien moindres.

Lors de la dernière soirée avec lui, le 7 janvier, Maciej arriva en trombe devant moi :

– C’est la guerre civile en France, les arabes tue tout le monde à coup de mitraillette ! C’est finit tu ne vas plus pouvoir rentrer !

Oulalalala qu’est-ce qu’il s’est encore passé…

Un coup d’œil sur les nouvelles d’internet me renseigna vite : Attentat contre le journal Charlie Hebdo à Paris, huit morts, des blessées, une traque. Quelle horreur.

Je crois que je vais espacer mes visites sur l’actualité du monde. Parfois ne pas savoir peut être perçus comme de l‘ignorance mais quitte à avoir le choix je préfère être un ignare heureux qu’un informé grincheux.

Je quittais les lieux le lendemain, laissant Maciej dans son monde de la forêt, ce monde où les vérités sont gravées sur la cimes des arbres, les faux semblant enterrés sous des mètres de pierres et de lichen et l’instinct faisant office de lois suprêmes.

Des grands froids avaient sévies ces derniers jours mais les nuages étaient revenus et se préparaient à me déverser leur fureur.

Quelques kilomètres marchés m’apportèrent un torticolis très désagréable; J’atteignis la petite ville de Suwalki, moche et terne, trouvais une librairie afin de me racheter un nouveau carnet de voyage et partis affronter l’humidité.

Moins six degrés, un vent glacial, une neige battante et je m’arrêtais le soir dans un bosquet d’arbres où une terre complétement gelée m’obligea à devoir enfoncer les sardines de ma tente avec une moitié de tronc d’arbre.

La nuit fut confortable mais au réveil ma tente croulait sous des kilos de neige humide rendu très lourde.

Je m’équipais en mode grande-pluie et passa une journée des plus épouvantables : La pluie et la neige jouaient le yoyo, les routes et chemins n’offraient que des surfaces glissantes et mouillés, le paysage était morne et les voitures impitoyables me balançaient des litres d’eau glacés à chacun de leur passage.

Rebelote le lendemain, après une nouvelle nuit de neige et pluie. Pour passer le temps et pour m’évader de cette situation déplaisante, je lut beaucoup, notamment enfin le livre-documentaire « Into the wild » de monsieur Krakauer ; Un auteur réaliste et curieux se lançant sur une enquête approfondie d’un défunt vagabond parlant en citations, fouillant dans ces histoires de famille, interprétant des pensées et un mode de vie d’un autre d’une manière plutôt respectueuse, interrogeant chacune de ces rencontres puis finalement nous balançant des exemples de quelques autres personnes ayant cherché à vivre d’une façon différente. C’est intéressant, pas de quoi en faire son livre de chevet et je doute que le personnage aurait accepté une publication aussi présomptueuse de sa personne.

La journée fut aussi dure que la précédente, à la différence que je dus marcher plusieurs kilomètres sur une grosse route. Trempé, gelé, exaspéré, j’eu quelques craquages mais j’ai vite compris que insulter les voitures et taper du bâton le goudron n’allait pas arranger les choses. Il faut comme toujours accepter, comprendre que de tels moments font partie de cette vie et que ne pas vouloir les vivres serait une erreur.

Je quittais par désespoir les routes et m’engagea sur des sentiers campagnards non indiqués par ma carte. Je coupais à travers champs, escaladais quelques barbelés, suivis la boussole dans les pâturages glacés et par un monstrueux bol, j’atteignais le village que je visais. Mes chaussures n’étaient plus qu’une vaste piscine, mon sac de couchage ressemblait à une éponge et ma tente semblait avoir été tout droit sorti d’un lac.

La pluie et le vent hurlèrent durant la nuit mais la forêt me protégeait.

J’eu une journée de répit le lendemain et quelques éclaircies me firent chanter ma joie de vivre au monde. Les hameaux se succédèrent et lors de pauses et soirées je commençais à apprendre les rudiments du Polonais, cette langue considérée comme étant la deuxième plus difficile au monde. Lorsque l’on sait qu’elle possède sept cas (nominatif, génitif, datif, accusatif, instrumental, locatif, vocatif) et que chacun de ces cas possède ses propres déclinaisons, au singulier, au pluriel, mais aussi selon les trois genres (masculin, féminin et neutre) et bien sûr que tout se décline (noms, pronoms possessifs et adjectifs,) je peux vous dire qu’il faut être un grand motivé. Etant un paresseux des langues je me contenterais de phrases et mots « passe partout » ;  Mais le français que j’étais se trouva bien désemparé devant la prononciation étant pleins de « che » « tcheu » « tché » « ssche ».

Je poussais la marche jusqu’au plus tard que me permettait l’obscurité, à savoir maintenant seize heures.

N’ayant pas de forêts aux alentours je campa sur une colline sous un grand arbre. Un vent puissant m’obligea pour la première fois à utiliser les tendeurs de ma tente tellement les bourrasques avaient de la force.

Tout sécha en quelques minutes.

Deux magnifiques activités procurant un bonheur sans pareil existent lors d’une nuit sous la tente : L’une consiste à un duo de corps sauvages avec une partenaire en se foutant bien de déranger les voisins inexistant, et l’autre étant de se pelotonner dans son sac de couchage un soir de tempête puis d’écouter à la manière d’un poème les éléments se déchainant à l’extérieur.

Dans les deux cas on a chaud à l’intérieur.

Au réveil c’était quelques centimètres de neige sur la toile ayant gelé en « croute » à cause du vent. Mais de belles éclaircies vinrent étinceler une jolie poudreuse très agréable à marcher. Cela ne dura pas longtemps bien sûr et dès l’après-midi la pluie transforma tout en gadoue.

Dire que l’hiver dernier, à la même période, il faisait moins vingt-cinq degrés, le sol recouvert de deux mètres de neige.

Arrivé à Orzysz, je découvris que les bibliothèques étaient présente aussi en Pologne et je trouvais là une bonne façon de passer mes pauses au chaud, les bibliothécaires m’offrant le thé et les gâteaux et me permettant d’étendre mon sac de couchage afin de le sécher.

Je passais les deux jours suivant à parcourir des endroits vraiment perdus, traversant sur goudron, terre et routes pavées à travers forêts, campagnes et champs. Le temps ne s’améliorait pas et je dois vous avouer que le moral descendait bien bas, surtout du manque de rencontres avec la population. La barrière de la langue était présente, je me faisais souvent accoster mais dès que je commençais à bredouiller mon polonais de fortune, la plupart abandonnait la partie…

J’en vint à hurler au monde mon mécontentement au niveau de cette météo :

– NON MAIS C’EST PAS VRAI ! ON EST EN JANVIER ? QUE L’ON ME DONNE DES METRES DE NEIGE, DES TEMPERATURES DE MOINS VINGT, MAIS TOUT SAUF DE LA PLUIE !!!

La neige revint pour quelques jours mais celle-ci restait encore humide. Je prenais finalement l’habitude à vivre dans l’humidité. Au début insupportable, je dépliais et repliais désormais ma tente mouillé sans que cela ne me dérange, dormais dans un sac de couchage humide et trouvais toutes sortes de combines afin de rentabiliser chaque moyen de séchage.

Le feu était ce qui me manquait le plus et je dus me contraindre à manger froid.

J’arrivais un soir à Dzwierzuty, un village où je décidais de me reposer une journée. Je passais la première nuit dans un champ voisin ; Deux gamins rencontrés dans la rue m’accompagnèrent pour une heure et je leur expliqua sous leurs airs ébahis comment monter une tente.

Je passais le lendemain à la bibliothèque, organisant un peu mon trajet pour ma prochaine ville du nom de Torun située à encore une dizaine de jours de marche. J’en profitais aussi pour poster un nouveau récit sur mon site internet.

Je repartis le lendemain pour deux jours à travers de longue routes de forêts me rappelant des souvenirs de Finlande. Je fis plusieurs rencontres désagréables en traversant les villages, un vieux au nez cassé et bouffit m’ayant suivi durant dix minutes puis insistant lourdement à la fin pour quelques zlotys, ainsi que un jeune imbécile qui après m’avoir dit de l’accompagner dans un magasin, en ressortit avec trois appétissants hot dog puis me dit au revoir en se moquant ouvertement de ma gueule. A vrai dire il était bien dur de parler à quelqu’un dans la rue sans la reconnaissable odeur de bière et vin émanant de l’haleine.

Mais pas de jugements trop hâtifs ; Ce genre de périodes creuses arrivent par moment et la chose la meilleur à faire est de continuer à marcher sans se poser trop de questions. Facile à écrire mais pas tant que cela à faire !

Le 19 janvier je passais la barre symbolique des dix mille kilomètres depuis mon village de Francheville. Je pus enfin me faire un feu à l’occasion et passa une soirée revigorante, chantant dans l’ombre des flammes dansantes.

Quelques heures après Nidzica, marchant dans une grande plaine venteuse, j’atteignis en fin de journée un village paisible ; Accosté par quelques joyeux polonais légèrement ivres, je me fis à la fin inviter par l’un d’eux à venir dormir dans son appartement qu’il partageait avec son père, sa sœur et la fille de cette dernière. Enfin c’est ce qu’il réussit à me dire par gestes.

Portant mon sac à dos, il me conduisit dans son immeuble pour me présenter à sa famille. Surpris au début ils firent venir une amie à eux parlant quelques mots d’anglais.

La soirée fut plaisante, ils m’apprirent de nouveaux mots et phrases, me montrèrent leurs vies en photos et malgré la communication difficile on rigola bien.

La douche fut un sacré moment : Pas d’évacuation et de pommeau et condamné à de l’eau tiède, cela ne semblait gêner personne.

Je partis sous une tombée de neige le lendemain après une nuit dans la chaleur d’une couette, des remerciements, un café immonde et quelques tartines.

Quinze kilomètres plus loin, ivre de fatigue à force de toujours devoir lutter contre les glissades, je trouvais refuge dans la bibliothèque d’un village où je sombrais dans une sieste réparatrice.

Repartant pour encore quelques heures de marche, j’établis mon bivouac dans une belle forêt, après avoir déloger sans le faire exprès une famille de biches. Ces animaux sont absolument partout et il ne se passe pas une journée sans que j’en aperçoive plusieurs gambadant dans les champs.

Un grand feu sous les flocons, un potage revigorant et luxe indéniable, un petit film pour finir la soirée.

Il est bon de s’endormir au son de la neige recouvrant sa toile.

Lors d’un nouveau passage à la bibliothèque deux jours plus tard, je fis la rencontre de Madeleine et sa fille Karolina qui m’invitèrent à venir diner et dormir chez eux.

Me bombardant de questions je fus chouchouté toute la soirée et leur rendais du mieux que je pouvais en leur jouant de l’harmonica et en leur racontant quelques péripéties de voyages. Parlant un anglais très pauvre, Karolina me raconta sa vie à travers google translate.

La dernière traduction du lendemain fut « Notre cerveau n’arrive pas à comprendre ton mode de vie ».

Je me sentais seul tout d’un coup en repartant… En hiver la sensation d’être simplement une étoile filante s’intensifie énormément et provoque des coups durs plus souvent. Mais c’est passager et cela passe comme un petit rhume. Il faut juste apprendre à les reconnaître, à les accepter et à ne surtout pas s’en inquiéter.

La Pologne possède l’avantage d’avoir de très nombreux villages espacés rarement de plus de quinze kilomètres. Cela est très agréable car des petites boutiques d’alimentation s’y trouvent à chaque fois et je ne porte désormais que la nourriture pour une journée et demi.

Au niveau de cette dernière, la nouveauté fut les fameuses Kielbasa, des saucisses très bon marché, à manger froides ou chaudes et absolument délicieuses. On trouve aussi du bon pain ainsi que une grande variété de charcuterie. Pour le reste rien ne change, nous sommes en Europe au 21eme siècle ne l’oublions pas.

Une nouvelle pause de midi à une bibliothèque me fit rencontrer une dizaine de sympathiques enfants qui ne me lâchèrent pas une seconde, tous voulant essayer mon sac à dos en me demandant des autographes.

Le lendemain, alors que j’étais un peu perdu dans les campagnes, je fus invité par Krystof, un mécanicien d’une trentaine d’année à qui j’avais demandé le chemin. Il vivait avec son père et un ami, deux ivrognes aux visages marqués.

Aucun d’eux ne parlait anglais et mon polonais de fortune fit à peu près l’affaire dans la conversation. Le fils était pleins d’attentions, d’enthousiasme. Il me servit un plateau de tartines où un centimètre de saindoux, de la graisse de porc fondu, avait été étalé. J’avais bien faim mais il me fut impossible d’en manger plus de deux tellement c’était horrible.

Le moment passé avec ces trois personnes débordait d’une authenticité propre. Leur verres paraissaient plus remplient que leurs vies le semblaient mais pourtant une émotion sortait de cette pièce aux murs craquelés et vitres sales.

Il est difficile de mettre par écrit l’ambiance que dégage pour l’instant ce pays, je m’attarderais sur ce point un peu plus tard je pense.

Je marchais le reste de la journée me fiant à la boussole, ma carte étant décidément pas assez précise. Je fis donc des détours comme pas possible et la nuit arrivant je dus planter la tente dans un petit parc d’un village.

Encore de la neige au matin et à peine j’avais marché deux cent mètres qu’une famille frappa au carreau de leur maison et m’invitèrent à prendre le petit déjeuner avec eux.

Encore personne parlais anglais mais le moment fut agréable. Je partais avec un lunch à emporter ainsi que une cannette de bière.

L’alcool lors de période de marche est vraiment dure à avaler ; D’une part, étant souvent fatigué et affamé, cela monte très vite à la tête et d’autre part mon corps étant habitué à une dépense physique intense chaque jour, sent tout de suite la substance handicapante qu’il s’apprête à devoir digérer. Mais par moment il est impossible de refuser, ce fait pouvant même passer pour une offense.

Décidé à atteindre Torun pour le soir, je m’abattais comme un forcené une journée de plus de quarante kilomètres presque sans m’arrêter ; Très fatigante vers la fin lorsque je dus traverser une forêt afin d’éviter une satané autoroute.

Mais j’atteignais la vieille ville en soirée et l’entrée fut fantastique : De belles fortifications l’entourait, des ruelles pavées laissaient s’échapper des notes de guitaristes de rues interprétant « Nothing else mather » de Metalica, églises de style et monuments se trouvaient à chaque coin, puis bars et restaurants donnaient à l’ambiance une octave en plus.

Mon couchsurfing n’avait pas marché, ayant juste fais une demande sans trop de motivation, mais j’avais une envie de tranquillité pour la semaine que je m’apprêtais à passer.

Etre logé chez des personnes est formidable, l’échange est là mais on reste dépendant de celui qui nous héberge… On se voit en quelque sorte « obligé » de passer la soirée en leur compagnie, de leur faire découvrir des bonnes recettes de cuisine, de parler avec eux, de s’intéresser… Bien sur la contrainte est rarement là, tout est fait avec plaisir mais il arrive des moments où une furieuse envie d’être totalement libre dans son emploi du temps vous prend.

Je me rendis dans une auberge de jeunesse très sympathique où je fis la rencontre dans mon dortoir de Andrzej, un polonais de trente-quatre ans ayant vécu ces dernières années en Norvège et de surcroît parlant Français.

Les jours suivant s’enchainèrent tranquillement ; Ayant bien sympathisé avec Andrzej, il me fit découvrir la ville à travers une multitudes de bars cachés.

Ce personnage était intéressant : Il considérait comme une obligation d’apprendre chaque journée quelque chose de nouveau. Il était passionné des langues et apprenait sa cinquième en ce moment ; Selon lui ce qui était intéressant là-dedans, outre le fait de pouvoir communiquer avec une bonne partie du globe, était que la façon de penser devenait différente pour chaque langage. Les formes grammaticales changeant les formulations de questions et de phrases, c’était même parfois plusieurs types de réponses qui lui étaient donnés suivant la langue qu’il employait.

Je découvris aussi un bon souvenir de l’époque communiste n’ayant pas encore été balayé par le libéralisme économique de la fin du 20eme siècle : Les bars mleczny ou encore littéralement bar à lait.

Ce sont des sortes de cantines, subventionnées par l’état et servant des plats traditionnelles à très faible coup.

Tout type de personnes côtoient ces endroits : Du clochard à l’homme d’affaire ou de l’étudiant à la famille complète. Je m’y rendais presque chaque jour et goutais plusieurs sortes de spécialités délicieuses :

Des onctueuses soupes étant servis dans une grosse miche de pain grillé en guise de bol, des pierogis consistant en de gros raviolis, du bigos qui n’est qu’une amélioration de la choucroute ainsi que plusieurs types de ragouts à la viande.

Je renvoyais un paquet en France ; Deux kilogrammes de cartes, carnets, cadeaux de rencontres et de divers autres babioles.

La semaine fila vite, j’aimais me poser dans les cafés la journée pour écrire quelques heures, je fis plusieurs autres rencontres dans l’auberge, les bars ou la rue et je finis par quitter la ville un beau matin de neige.

Je fis mes adieux à mon ami Andrzej ; Encore une personne qui s’efface du présent de ma vie de la même manière qu’elle y est entrée.

 

Jérôme

 

defzerf

Hébergement dans la tente de ces joyeux voyageurs

fdgbdfb wq_3

fzerfzf

Quatre jours passés en compagnie de ce passionné des loups

cscsdfc

Ma ptite pièce à 4,5 euros la nuit

fgdgh

Se couper les cheveux avec le ciseau du couteau suisse, c’est juste une question de temps

dcfdv

De la pluie, de la neige, de la pluie, de la neige…

fdgerg

Des campagnes authentique, tranchant complétement avec les pays baltiques

zefcdzcv

Pas de mots pour cette horreur

ferfgerg

Promenons nous dans les plaines…

fdgd

Des nuits humides

dvcdfvfe

Quelques petites éclaircies passagères

vfgfvdfv

Tout de suite cela va mieux

dfcdzsfevf

Mais ça reste très glissant

fvdfv deff

vdggbtr

Avant

defer

Après

wq_19

La très célèbre Fiat Polska

La très célèbre Fiat Polska

fdgfdgb

Labyrinthes de chemins dans les forêts

fvdfbrb

Des bonnes nuits dans les bois

wq_23

dfgfdghrt

Pause de midi

cdsdcsdc

Bel exemple pour les trois type de constructions en Pologne : En bois, en briques rouge ou en béton; Le tout construit au feeling !

ddfsvfdv

Nuit chez une gentille famille

cdcsc

C’est dure, c’est mouillé, c’est glissant, c’est froid et c’est long.

fvgdfgdtgf

Mon premier feu au bout de dix jours !!

fdgerg

Des apparitions plutôt marantes de temps en temps.

vdgfdfrg

Pauses dans les bibliothèques

dczsdczd

C’est pas la motivation qui manque croyez moi !

dsffdvd

Brouillard et pluie…

dfbgvd

L’arrivée à Torun en soirée

ddfvds

Une semaine en auberge de jeunesse avec Andrzej, un polonais super sympa

wq_35

dfvdfv

Pierogis et goulash

dfvsfdsv

Ecriture dans les cafés la journée

cdcds

Et sorties le soir dans des bars d’un autre age

cvdfb

By by Torun

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>